La Colombie : de la faillite à l’OCDE ? Les voies d’un avenir prometteur (par la Fondation Konrad Adenauer)

La Colombie est l’une des grandes promesses de l’Amérique latine. Le pays, presque en faillite il y a 20 ans, a réussi aujourd’hui à reconstruire un avenir prometteur sans (trop de) violence et avec une forte croissance économique. La fondation allemande Konrad Adenauer, dans le rapport « On the Path from Failed State to OECD Member? Colombia’s Way towards a Brighter Future », analyse les points forts et faibles d’une nation qui est sur le point d’adhérer, si elle garde le cap économique actuel, à l’OCDE. Décryptage.

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En novembre 2014, le Président colombien Juan Manuel Santos a reconnu, qu’il y a 20 ans, la Colombie était sur la voie de la faillite. Rien à voir avec un pays qui aujourd’hui se trouve au milieu d’un processus de paix et dont l’avenir semble prometteur. La fondation allemande Konrad Adenauer prévoit une croissance économique forte, à moyen terme, pour le pays et rappelle que la Colombie est en voie d’acquérir une notoriété croissante sur la scène internationale.

Pour y parvenir, en 1999, le Gouvernement colombien a développé le « Plan Colombia », une stratégie qui, jusqu’à maintenant, a servi à relever les défis clés du pays, à savoir le processus de paix, la lutte contre le commerce de la drogue, la croissance économique et la consolidation démocratique. Le budget, de 7,5 milliards de dollars américains, était en partie financé par les États-Unis et par d’autres pays développés.

Bien qu’il jouissait d’un large soutien du public, le « Plan Colombia » a été la cible des critiques internes de la gauche, des syndicats et des organisations des Droits de l’Homme, qui ont accusé les États-Unis d’adopter une attitude « néocoloniale ». Pour ces organisations, le plan ne servait qu’à promouvoir les intérêts stratégiques des États-Unis. Cependant, relève la fondation allemande, le projet a permis au Gouvernement d’exercer un contrôle renouvelé sur le territoire national, d’apporter une certaine sécurité à l’industrie du pays et de réduire l’influence de la guérilla.

Une politique étrangère diversifiée

Depuis son arrivée au pouvoir en 2010, Juan Manuel Santos a changé le cap de la politique étrangère colombienne. S’organisant sur une diversification des relations internationales de la Colombie, l’objectif a été de renforcer les relations économiques, sociales, politiques et commerciales avec l’Amérique latine et les Caraïbes, de normaliser les relations avec ses voisins, notamment le Venezuela et l’Équateur, et d’intensifier la participation du pays dans l’Union des nations sud-américaines (UNASUR), la Communauté andine, le projet Mesoamérica, la Communauté d’États latino-américains et caraïbes (CELAC) et surtout l’Alliance du Pacifique avec le Mexique, le Pérou et le Chili. Or, la nouvelle stratégie est loin de négliger les liens existants avec d’autres partenaires stratégiques, notamment dans le domaine commercial, comme les États-Unis, l’Europe et le Canada : elle les renforce.

Un contributeur à la sécurité internationale

La fondation Konrad Adenauer rappelle que la Colombie a l’intention de contribuer à la paix et la sécurité internationales par l’intermédiaire de l’ONU afin d’accroître sa participation à la prise de décisions au niveau international. Alors que la Colombie demandait précédemment de l’aide et de l’assistance, le pays est désormais en mesure de joindre ses forces à celles d’autres États pour fournir de l’aide internationale, par exemple, en cas de catastrophe naturelle. Cette politique a connu de fortes critiques, qui dénoncent l’oubli de la part du gouvernement des nécessités internes d’investissement public dans certaines zones du pays encore très dégradées. Mais, rappelle la fondation Konrad Adenauer, sa participation active dans les affaires internationales permet à ce pays d’augmenter son influence. Sur ce point, force est de constater, continue le think-tank, l’estime que suscite l’armée colombienne au sein de certaines organisations internationales. On peut citer l’OTAN, à laquelle Santos a demandé l’adhésion en 2013, la Colombie ayant acquis une expérience très appréciée tout au long du conflit colombien.

Le soutien des échanges commerciaux

La Colombie a aussi conclu des accords de libre-échange avec de nombreux pays, comme la Communauté andine (en 1993), le Canada (en 2011) et les États-Unis (en 2012), auxquels il faut ajouter l’accord avec l’UE, qui est entré en vigueur en août 2013. D’après le think-tank allemand, tout cela a permis au pays de soutenir une forte croissance économique et de maintenir des niveaux d’inflation très bas.

L’OCDE : la prochaine étape

Toutefois, le meilleur exemple de la nouvelle image que le pays veut promouvoir est sa candidature à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Cette organisation, souvent appelée « le club de l’élite » car elle regroupe près de 70% du PIB mondial, compte actuellement 34 membres et entretient des relations de travail avec plus de 70. L’adhésion d’un pays à l’OCDE est perçue comme signe de distinction, résultant des efforts économiques entrepris par l’État admis. Après le Mexique (adhésion en 1994) et le Chili (en 2010), la Colombie serait le troisième pays d’Amérique latine à rejoindre le club, avec le Costa Rica, qui se bat aussi pour être accepté.

Le statut de membre permettrait également à la Colombie d’attirer des investissements et de renforcer ses relations avec le reste des États membres. Elle doit néanmoins encore démontrer qu’elle est engagée à aligner son cap économique sur les normes de l’OCDE ; la date d’adhésion dépendra donc de la capacité du pays à remplir les conditions requises et pour l’instant, souligne la Fondation Konrad Adenauer, il reste un long chemin à parcourir.

D’abord, l’insécurité économique des personnes âgées en Colombie reste très élevée : plus de la moitié vit en dessous du seuil de pauvreté. Voilà pourquoi le Gouvernement de Santos a mis en place plusieurs programmes de sécurité sociale et de retraite. Ensuite, les investissements dans les infrastructures du pays sont presque inexistants : le sous-développement des transports, par exemple, constitue une barrière économique essentielle. À ce titre, explique le think-tank allemand, la nécessité s’impose de progresser sur une réforme du système d’imposition fiscale pour s’attaquer à l’évasion fiscale de façon systématique. Finalement, les niveaux de productivité sont encore très bas, en raison d’un système éducatif peu développé, d’un éventail de compétences de la population encore faible et du manque d’investissements dans la recherche et le développement. De plus, l’emploi illégal représente toujours entre 50 et 70% de l’emploi total du pays.

L’enjeu de la paix et de la lutte contre les inégalités

Pourtant, les dirigeants colombiens se battent pour réduire ces faiblesses. L’instrument qu’ils utilisent sont les plans nationaux de développement, qui constituent la base du travail gouvernemental et qui s’organisent sur une période de quatre ans. Le plan actuel (2014-2018) repose sur trois piliers : la paix, en se concentrant sur la démobilisation et la réintégration des combattants des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et une réduction générale de la violence ; l’égalité, parce que l’inverse empêcherait, souligne la fondation allemande, le développement potentiel du pays ; et l’éducation.

Même si, dans certains domaines, il reste bien des progrès à faire, affirme la fondation Konrad Adenauer, la Colombie ne devrait pas se décourager : le simple fait que l’adhésion à l’OCDE soit envisagée pour 2016 démontre que le pays est proche d’y réussir si le Gouvernement persévère dans sa ligne politique actuelle. L’accent, conclut la fondation, doit absolument être mis sur la réduction des inégalités sociales. La meilleure manière pour ce pays de trouver sa place au sein de l’OCDE.

Rafael Guillermo LÓPEZ JUÁREZ

(juin 2016)

Pour aller plus loin :

De la faillite à l’OCDE ? La Colombie, en voie d’atteindre un avenir prometteur , 04 avril 2016, par Hubert GEHRING et Maria Christina KOCH, de la Konrad Adenauer Stiftung (en anglais)