Le fléau des pollutions plastiques est énorme à l’échelle mondiale. L’Europe est apparue, ces dix dernières années, comme un espace assez exemplaire de régulation qui permet de prendre en compte le problème, de soumettre la production et la consommation de matières plastiques à quelques nouvelles règles et d’organiser progressivement une filière vertueuse de traitement et de recyclage des déchets plastiques. Beaucoup de chemin reste à parcourir, surtout à l’échelle mondiale souligne l’OCDE.
En effet, dans une récente étude approfondie et chiffrée, l’OCDE trace les perspectives à l’horizon 2060 et distingue deux scénarios: le premier repose sur des dispositions simplement nationales ou régionales, le second sur des mesures prises en concertation et cohérence au niveau mondial. Seule cette seconde voie, relève l’OCDE, peut permettre aux pays en développement et aux pays émergents (sources essentielles du problème) de suivre globalement et efficacement une trajectoire positive en ce domaine, ce qui nécessite sans doute une aide (financière) venant des pays les plus développés. A défaut de mise en oeuvre de cette stratégie mondiale , le scénario dît « BAU » Business As Usual – aucune mesure déterminante n’est prise – prévoit que la production annuelle de déchets plastiques sera quasiment multipliée par trois et que les rejets dans l’environnement doublera à l’horizon 2060.
Le problème est tel qu’une prise de conscience de tous les grands Etats du monde doit avoir lieu et surtout conduire à des mesures opérationnelles. C’est pourquoi l’Assemblée des Nations Unies pour l’Environnement a adopté en 2022 une résolution prévoyant la création d’un comité intergouvernemental de négociation chargé d’élaborer d’ici à 2024 (donc à court terme) un instrument international contraignant destiné à mettre fin, progressivement, à la pollution plastique. L’étude de l’OCDE (lien ci-dessous vers le rapport complet) propose, quant à elle, une série « d’actions internationales pour à la fois stopper la progression de l’utilisation du plastique et réduire sensiblement les rejets ».
Les actions proposées par l’organisation des pays les plus développés visent d’abord à réduire la consommation de plastique grâce à « l’écoconception », notamment en allongeant la durée de vie des produits et en mettant en application les fruits de la recherche scientifique favorisant la création de produits similaires mais plus vertueux écologiquement. Une option proposée met l’accent sur la mise en place de taxes sur les emballages et sur les produits plastiques les plus polluants, le tout visant à encourager l’usage de plastiques recyclés. En revanche, les logiques d’interdiction des produits ne sont pas, par réalisme (compte tenu de l’ampleur de la demande en ce domaine), énoncées comme une priorité.
Le site Actu-Environnement.com souligne, pour l’amélioration globale de la gestion des déchets, deux stratégies suggérées par le rapport de l’OCDE: « La première est la fixation d’objectifs d’incorporation de matière recyclée. La seconde est la création de filières de responsabilité élargie des producteurs (REP). Quatre familles de produits doivent être ciblées en priorité : les emballages, l’électronique, l’automobile et l’habillement. À l’aval du cycle, l’amélioration de la collecte des déchets et le nettoiement des déchets sauvages permettent de « fermer les voies de rejets » « .
« Même dans le scénario mondial le plus ambitieux, il n’est pas mis fin à l’accumulation des plastiques dans les rivières, les lacs et les océans »
Dans le meilleur scénario, nommé « Ambition mondiale » par le rapport OCDE, la demande de plastique ne serait « que » de 827 millions de tonnes (Mt), soit un tiers de moins par rapport au scénario dît « Business as usual » (BAU). La production de déchets serait de 679 Mt (- 33 % par rapport à BAU) et les déchets mal gérés s’élèveraient à 6 Mt, pour des rejets dans l’environnement de 5 Mt (- 85 % par rapport à BAU). Avec ce scénario, 60 % des déchets plastiques sont recyclés et les résines recyclées contribuent à hauteur de 41 % de la demande.
Reste que la situation continue d’être alarmante. Même dans le scénario mondial le plus ambitieux, il n’est pas mis fin à l’accumulation des plastiques dans les rivières, les lacs et les océans. L’OCDE estime que dans la meilleure des hypothèses, souligne Philippe Collet dans Actu-Environnement.com, le volume de plastiques dans les masses d’eau doublera quand même entre 2019 et 2060, pour avoisiner 280 Mt (contre 140 Mt aujourd’hui). Le scénario d’action seulement régionale (des pays les plus développés) entraînerait, lui, presque le triplement (à 420 Mt). Et faute d’action, ce volume de plastique dans les eaux atteindrait près de 500 Mt. D’où l’importance des actions, volontaristes et concertées, qu’il s’agit de mettre en oeuvre dans les années qui viennent.
L.T.
(08/06/2022)