Les coûts du Brexit démolissent la crédibilité de ses partisans

C’était le 29 mars 2017: le Conseil européen recevait, de façon officielle, la notification du Royaume-Uni relative à son intention de quitter l’Union Européenne, en application de l’article 50 du traité sur l’UE. Les négociations sur le Brexit ont ainsi formellement débuté au printemps 2017, avec une Grande Bretagne qui se plaint de certaines contraintes : en effet, elle est la plus intéressée à réussir la négociation, sachant que la séparation effective des deux entités, qu’il y ait un accord ou pas, aura lieu le 29 mars 2019. Jérôme Gazzano et Andi Mustafaj, de la Fondation Robert Schuman, expliquent dans leur étude « Le désenchantement du Brexit ou la mise en lumière des coûts de la sortie de l’Union » les trois temps d’une négociation qui sera longue et complexe.

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Un mois après la notification du Brexit, les États membres de l’Union européenne ont adopté une stratégie conjointe pour s’adresser au Royaume-Uni avec trois moments-clés : un premier temps dédié à la discussion sur la sortie du Royaume Uni de l’UE, conduisant à le transformer en État tiers ; un temps de construction des relations futures, surtout en matière commerciale ; et une étape finale concernant la mise en œuvre d’accords transitoires.

Gazzano et Mustafaj rappellent que l’UE n’acceptera de parler des relations futures que s’il se produit un progrès substantiel sur les conditions de sortie du Royaume Uni. C’est la phase première. Elle s’organise autour de trois passages obligés qui mettent en évidence les vrais coûts de la sortie de ce pays de l’UE. En effet, le Royaume-Uni ne pourra pas échapper à solder les comptes, à accepter la disparition des normes encadrant les situations existantes, tant pour les personnes que pour les entreprises, et à traiter la réémergence de tensions géopolitiques stratégiques pour le pays. C’est pourquoi les négociations ont commencé avec difficulté, ces trois éléments ayant révélé l’incohérence des promesses de Theresa May.

Le vrai coût du Brexit, malgré les simplifications et les mensonges

Tout d’abord, la facture que le Royaume-Uni devra payer, résultat des calculs du montant des engagements pris comme État membre, constituera un sujet sensible, affirment les deux experts. Sur ce point, les Britanniques vont forcer une négociation point par point car des questions telles que la contribution britannique aux retraites des fonctionnaires européens seront sur la table. Pourtant, s’il est vrai que ces débats techniques ne soulèveront pas trop l’intérêt des opinions publiques européennes, ils montreront la complexité et le vrai coût du Brexit, malgré les simplifications et les mensonges défendus par les partisans de la séparation. Un exemple : il avait été annoncé que la sortie du Royaume-Uni de l’UE aurait permis au pays de regagner des marges budgétaires car il ne contribuerait plus au budget européen;  la réalité est toute autre : il doit payer 60 milliards d’euros en raison des engagements déjà pris jusqu’en 2020, ce qui entre en pleine contradiction avec les promesses faites par les partisans du Brexit. De plus, si le Royaume-Uni souhaite accéder au marché commun après sa sortie de l’UE, il devra contribuer de façon régulière au budget comme le font des pays tiers tels que la Norvège; ce qui contredit totalement, là encore,  les discours entendus en faveur du Brexit.

Peut-être le Royaume-Uni croît-il être en mesure d’obtenir la compassion des Européens sur certains dossiers ?  La réalité semble être, au contraire, que le respect des engagements sera très important pour l’UE, qui veut visiblement montrer le coût, marquant, qu’engendre la sortie de l’Union européenne.

Une autre question cruciale dans la transition vers « l’indépendance britannique » est le vide juridique créé par la séparation dans la mesure où la sortie du pays signifie que, « du jour au lendemain, le corpus normatif de l’Union cessera de s’appliquer au Royaume-Uni », comme le soulignent Gazzano et Mustafaj. Le Gouvernement de Theresa May a indiqué qu’un travail considérable de transposition des textes européens dans le droit interne britannique sera fait, ce qui représente une nouvelle contradiction par rapport à la volonté « d’indépendance » britannique vis-à-vis de l’UE. Et même avec cet aménagement ad hoc, le statut des personnes ne sera pas réglé : d’égale importance pour les deux parties, cette question appellera une négociation dès le début des discussions officielles sur le Brexit. Sur ce point, l’intérêt des négociateurs européens sera de maintenir une égalité parfaite de traitement entre les ressortissants de tous les États-membres pour ne pas créer des divisions internes à l’Europe. De même, la question de la reconnaissance des diplômes et des équivalences professionnelles sera abordée. Tous ces sujets mettent en évidence une autre réalité : les promesses faites sur la fermeture des frontières britanniques ne sont qu’une illusion.

L’Union européenne, facteur de stabilité et de prospérité

Enfin, ces deux auteurs indiquent qu’ils existent des conflits qui, ayant été mis en sommeil grâce à l’Union européenne, sont maintenant « à risque ». Concrètement, il y aurait trois points brûlants : la frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande, le cas de Gibraltar et celui des bases militaires britanniques situées à Chypre. Si cette dernière question peut aboutir à une solution facile en garantissant le statut et les droits des citoyens européens travaillant dans ces bases, Gibraltar est un défi plus grand car l’UE a prévu que l’Espagne, qui a longtemps revendiqué la souveraineté sur ce territoire, ait un pouvoir de veto sur tous les accords entre l’UE et le Royaume-Uni concernant cette enclave.

En conclusion, comme l’estiment Gazzano et Mustafaj pour la Fondation Robert Schuman, il est devenu évident que, même sans prendre en considération les conséquences économiques du Brexit une fois qu’il sera effectif, « la transformation du Royaume-Uni d’État membre en État tiers prend la forme d’une facture de plusieurs dizaines de milliards d’euros ». A contrario, le Brexit démontre combien l’Union européenne est un facteur de stabilité et de prospérité, garant de paix et de développement.

Rafael Guillermo LÓPEZ JUÁREZ

(mai 2017)

► L’analyse complète : Le désenchantement du Brexit ou la mise en lumière des coûts de la sortie de l’Union, par Jerôme Gazzano et Andi Mustafaj, de la Fondation Robert Schuman de Paris (en français)

► Pour aller plus loin : Brexit, triste signe des temps : aux Européens de tracer une autre voie, par Jean-Philippe Moinet, fondateur de la Revue Civique (en français)

Sortie de l’euro : les inquiétantes dynamiques qui se déclencheraient, par Rafael Guillermo López Juárez, Revue Civique (en français)