Il faut « un rempart » républicain contre « le populisme » actuel (Jean-Paul Delevoye)

A l’occasion d’un petit déjeuner débat avec Jean-Paul Delevoye, du club Viavoice avec la Revue Civique (21/09/16), l’ancien Ministre chiraquien et ancien Président du CESE (Conseil économique social et environnemental), très écouté sur ses analyses de la société française et du débat public, s’est exprimé à la fois avec profondeur et franchise sur le contexte actuel. Il est clair que, pour lui, la campagne des Primaires de la droite et du centre est, selon lui,  trop marquée par « l’hystérisation » autour de thèmes qui porte le populisme qui fait êut-être « gagner un électeur » mais « fait perdre un citoyen ». Tout cela fait dangereusement « se replier sur le village plutôt que de penser Monde ».

Le jour où Nicolas Sarkozy fait campagne à Calais : «La pensée gaulliste est celle du rassemblement, contre ceux qui penser gagner sur des clivages ! » déclare JP Delevoye, sans citer nommément la posture de Nicolas Sarkozy, mais en y faisant clairement allusion. 

…………………………………………….

Jean-Paul Delevoye, avec François Miquet-Marty, Président de Viavoice, et Jean-Philippe Moinet, fondateur de la Revue Civique (photo : Laurent Semmel)

Jean-Paul Delevoye, avec François Miquet-Marty, Président de Viavoice, et Jean-Philippe Moinet, fondateur de la Revue Civique (photo : Laurent Semmel)

Parlant d’un phénomène assez récent d’«amoralité de la conquête du pouvoir», qui éloigne d’une certaine idée de la « grandeur en politique » qu’incarnaient, à ses yeux, François Mitterrand et Jacques Chirac, Jean-Paul Delevoye avance deux exemples: François Hollande a « été jusqu’à mettre la déchéance de la nationalité » au coeur du débat politique, « ce qui est contraire à sa philosophie politique »; et Nicolas Sarkozy s’emploie, observe-t-il, «à  aller très fort dans la conflictualité et dans le clivage, au lieu du rassemblement ».

Evoquant les périodes de l’histoire où « les humiliations » sociales ont pu être le terreau de l’extrémisme politique et des dictatures, l’ancien Ministre RPR met en garde: « ces humiliations sont un matériau inflammable dont certains hommes politiques incendiaires ne prennent pas conscience qu’ils sont entrain de provoquer des incendies qu’ils ne vont peut-être pas maîtriser ».

Dans l’évolution actuelle du débat politique à droite, Jean-Paul Delevoye observe que « la gestion des émotions et entrain de l’emporter sur la gestion des convictions » alors que le « populisme » doit appeler selon lui un profond travail passant à la fois par le système éducatif, la responsabilité des médias, une « démocratie délibérative » innovante et, pour cela, une certaine conscience des politiques. On est loin du compte, actuellement en tout cas, estime-t-il.

A propos des Primaires (notamment de la droite et du centre)

Interrogé sur l’enjeu des Primaires, organisée pour la sélection du futur candidat à l’élection présidentielle, Jean-Paul Delevoye indique qu’il ira bien sûr voter et que cet acte civique est sans doute important  – « oui, je vais aller voter ! Surtout pour empêcher quelqu’un de rentrer» (rentrer, au sens revenir, ndlr), glisse-t-il  – ajoutant que « la pensée gaulliste est celle du rassemblement contre ceux qui pensent gagner sur des clivages !»

Il regrette que ces primaires soient actuellement dans une logique de « stratégie politicienne » et du court terme, et s’inquiète pour le moyen terme : « Si on a une élection (présidentielle) qui se fait dans la violence, ce qui semble pour certains candidats être le cas, comme demain amener un changement dans l’opinion si cette opinion sera complètement chauffée à blanc, sur des positions complètement conflictuelles ? »

Interrogé sur le sujet des réfugiés, notamment de Calais qu’il s’agit de répartir dans d’autres régions, il explique qu’il y a « une place pour des hommes d’Etat pour prendre date » : En tout cas, avertit-il, aujourd’hui  en France ou ailleurs, « s’il n’y a pas un rempart contre les dérives populistes qui vont fragiliser nos systèmes démocratiques, des dictatures peuvent émerger » ou des tendances autoritaires, utilisant les peurs pour « se replier sur le village plutôt que de penser monde ».  Il reconnaît craindre le processus « d’hystérisation » qui, selon lui, caractérise trop l’actuelle campagne des Primaires de la droite et du centre.

(21/09/16 ; texte plus complet -sonore disponible- de la réflexion de JP Delevoye suivra)

  • Voir par ailleurs ci-dessous, l’interview de Jean-Paul Delevoye par Jean-Philippe Moinet à l’issue de ce petit déjeuner débat :

► Jean-Paul Delevoye dans La Revue Civique, sur le civisme d’entreprise

► Jean-Paul Delevoye dans La Revue Civique, dans un grand entretien

Jean-Paul Delevoye inquiet de voir « l’exploitation des peurs », qui conforte ceux qui préfèrent « se replier sur le village plutôt que penser le monde » (photo : Laurent Semmel).

Jean-Paul Delevoye inquiet de voir « l’exploitation des peurs », qui conforte ceux qui préfèrent « se replier sur le village plutôt que penser le monde » (photo : Laurent Semmel).