Venant du monde entier en Israël, des civils volontaires « Sar El » peuvent aider Tsahal: entretien avec Edouard Cukierman

Dans cet entretien pour La Revue Civique, l’homme d’affaires et ancien porte-parole de l’armée israélienne, Edouard Cukierman, explique le rôle d’un système unique de volontaires civils, conçu en 1982 en Israël, qui permet à des volontaires de tous âges, juifs ou non juifs, de venir en Israël pour réaliser des tâches logistiques aidant les soldats et réservistes de Tsahal (l’armée israélienne), ceci sans avoir eux-mêmes une fonction militaire, ni être intégré à une hiérarchie militaire. Explications sur cet exemple exceptionnel de volontariat international.

La Revue Civique : le volontariat civil  « Sar el », qui organise des soutiens venus du monde entier pour l’armée israélienne, existe depuis de nombreuses années. Qu’en est-il aujourd’hui de cette organisation, à l’heure où Israël, après l’attaque terroriste sans précédent du Hamas au sud du pays, mobilise toutes ses soldats et ses réservistes ?

-Edouard CUKIERMAN : les volontaires civils peuvent soutenir de différentes manières Israël. Concernant l’organisation « Sar el », dont je m’occupe plus particulièrement, rappelons qu’il s’agit d’une organisation créée en 1982 pendant la première guerre du Liban par le Général Davidi, qui a permis, alors que tous les soldats étaient au front, d’accueillir des volontaires de tous les pays du monde pour, à l’époque, faire les vendanges (que ne pouvaient faire les soldats et réservistes mobilisés).

Quand la guerre a été terminée, beaucoup de volontaires ont dit qu’ils aimeraient continuer de pouvoir aider, d’une manière ou d’une autre, Israël et les soldats de l’armée israélienne. Ces volontaires se sont donc ensuite organisés en organisation « non profit », l’objet étant de permettre à des volontaires de tous les pays du monde, qu’ils soient juifs ou non juifs d’ailleurs, de venir en Israël travailler dans une base militaire, sachant que ces volontaires restent des civils et ne deviennent pas pour autant des soldats.

Les volontaires restent civils, sans aucune fonction militaire, pour réaliser des travaux dans des domaines logistiques qui, en bases arrière, aident les soldats et les réservistes.

-Ce sont des volontaires qui restent donc civils tout en apportant un appui à l’armée ; quelles sont les types de contributions concrètes qu’ils peuvent apporter ?

-Les volontaires, oui, restent civils, ils apportent un soutien, par exemple en matière de travaux dans des bases militaires dans des domaines logistiques. Il n’y a pas pour eux de ports d’armes, ni d’intégration dans une hiérarchie militaire, ni un quelconque enrôlement dans des unités militaires. Je précise que toute cela est bien sûr légal. Le cas d’un volontaire suisse a d’ailleurs fait l’objet, dans le passé en Suisse, d’une accusation de trahison – en Suisse on ne peut pas servir une autre armée que celle du pays -, mais un jugement a eu lieu en ce pays, qui fait jurisprudence: il a été bien établi juridiquement que le volontaire en question, comme tous les autres volontaires, n’ont aucune fonction militaire.

J’étais moi-même venu témoigner, en tant que porte-parole de l’armée israélienne et responsable de « Sar El », pour bien certifier que le statut des volontaires reste civil, qu’ils n’ont aucune mission, ni fonction militaire, ils aident simplement par exemple à l’entretien de bâtiments, à la confection de paquetages, tout cela étant donc compatible avec les lois du pays en question. Il ne s’agit pas du tout d’un service militaire dans l’armée israélienne, les volontaires ont d’ailleurs une assurance privée, ils paient eux-mêmes leur voyage, ils n’ont pas d’ordre à recevoir de la hiérarchie militaire de Tsahal.

La décision de Justice suisse a servi de jurisprudence, l’accusé a été lavé de tout soupçon et cela est bien sûr très positif. Cette jurisprudence, qui reconnaît le caractère civil du volontariat, sa totale compatibilité avec la loi du pays concerné, vaut pour d’autres pays comme l’Allemagne, où la loi relative à l’engagement militaire est similaire à celle de la Suisse.

Les volontaires aident par exemple à la préparation des kits pour les soldats, avec de l’alimentation, de l’eau, du matériel à mettre en place, par exemple des gilets pare-balles…

-Quel est le nombre actuel de ces volontaires civils ?

-Ils sont environ 4000 par an. Ce nombre va peut-être croitre, il est demandé aux volontaires, en fonction également des besoins logistiques de Tsahal, de se relayer pendant deux à trois semaines pour des travaux divers. « Sar El » est aussi une structure d’accueil pour des volontaires israéliens : le système mis en place pour les volontaires étrangers, par exemple d’un point de vue juridique ou fonctionnel, peut servir pour des civils israéliens qui sont nombreux naturellement à vouloir être utiles, particulièrement en cette période de guerre contre le terrorisme Hamas.

Les réservistes, eux, sont dans une toute autre catégorie, ils ont un tout autre cadre d’actions: eux, ils réintègrent l’armée avec toutes les règles de discipline militaire, avec l’obligation bien sûr d’obéir à la hiérarchie militaire. Les volontaires civils dont nous parlons n’ont pas ce genre d’obligations, ils ne sont là que pour certaines fonctions, ils ne sont pas là, personnellement, pour défendre le pays et manier les armes, pas du tout. Le volontariat se conçoit en fait comme dans certaines grosse organisations privées où il y a des fournisseurs externes, l’armée utilise d’ailleurs des personnes qui ne sont pas militaires pour diverses prestations de services, par exemple pour la fourniture d’électricité, pour la fourniture d’alimentation, etc… Certaines prestations de services logistiques peuvent ainsi être menées par des volontaires de « Sar El ».

-Dans le contexte actuel, qu’est-ce qui sera particulièrement utile venant de ces volontaires ?

Il y a par exemple tout ce qui concerne la préparation des kits pour les soldats, avec de l’alimentation, des conserves, de l’eau, du matériel à vérifier et à mettre en place, par exemple des gilets pare-balles… ce sont, en quelque sorte, des besoins de « back office » qui ont bien sûr leur importance en ces circonstances et où les volontaires, bien orientés et fixés sur ces tâches spécifiques, sont utiles.

Propos recueillis par Jean-Philippe MOINET

(19/10/2023)

-Le site Sar el en France

Une édition en langue anglaise de 2022 sur « Sar-El volunteers
Edouard Cukierman, franco-israélien, avait décidé très jeune, en 1984, de s’installer en Israël, où il a mené une carrière d’hommes d’affaires et eu des fonctions importantes dans l’armée. Il est l’un des coordinateurs de « Sar-El ».