Hommage à Jean-Michel Cadiot, un journaliste de conviction : par Anicette Sangnier

Journaliste et essayiste, qui a été correspondant notamment à Téhéran, Jean-Michel Cadiot est mort récemment. Anicette Sangnier, secrétaire générale de l’institut Marc Sangnier, petite-fille du fondateur du « Sillon » et du journal « La Démocratie », livre ici à La Revue Civique un bel hommage à ce regretté « spectateur engagé ».

Nous n’entendrons plus la voix de Jean-Michel Cadiot. Ancien journaliste à l’AFP, homme de conviction et de passion, il nous a quitté brutalement, le 1er juin dernier, à la suite d’une opération du coeur, il avait 67 ans.

Parmi la quinzaine de livres que Jean-Michel Cadiot a écrit, deux d’entre eux pourraient tenir lieu de guide pour arpenter sa vie, figurant les deux axes autour desquels, satellites en mouvement, tournent ses engagements et ses écrits :

  • Francisque Gay et les démocrates d’inspiration chrétienne, 1885-1963, (Salvator, août 2006).
  • Les chrétiens d’orient, Vitalité, souffrances, avenir (Salvator, octobre 2010).
Livre préfacé par Jean Lacouture.

La voie tracée: le journalisme, l’édition et l’inspiration chrétienne ».

Francisque Gay, c’est l’empreinte familiale et une fidélité faite d’admiration et de reconnaissance quant à la voie tracée: le journalisme, l’édition et l’inspiration chrétienne. Dans la passionnante et minutieuse biographie dédiée à son grand-père, préfacée par Jean Lacouture, Jean-Michel Cadiot trace avec rigueur et finesse le parcours multi-faces de Francisque Gay, celui-ci sera en effet tour à tour éditeur, journaliste, résistant, député, ministre, écrivain, ambassadeur, là où il sait servir au mieux son pays et sa foi.

Proche de Marc Sangnier, par les idées et les actes, Francisque Gay défendait comme lui la justice sociale et la paix entre les peuples. A sa manière, différemment concrète, ancrée dans la cité par la presse – il fonde La vie catholique en 1924 et le quotidien l’Aube en 1932 – , et jouant sa partie au niveau diplomatique par sa fonction d’ambassadeur au Canada, Francisque Gay, à l’instar de Marc Sangnier, a lutté pour la démocratie, la paix et l’Europe.

Jean-Michel va retenir l’inlassable engagement ».

De ce parcours, Jean-Michel va retenir l’inlassable engagement. Confronté à ce qui est pour lui inacceptable, il choisit, dans le sillage de ce grand-père admiré, de lutter sans relâche à ce qui peut relever de la discrimination, à ce qui peut nuire à la paix, ou mettre à mal le respect et le lien entre les hommes. Il le fait par l’écriture – ses livres -, il le fait comme correspondant de l’AFP en Irak et en Iran – ses articles et ses interventions-, il le fait sur le terrain en politique – trois campagnes où il a payé de sa personne -. Jamais en pause, animé d’une intranquilité créative.

Les Chrétiens d’Orient, c’est l’autre face d’engagement, inséparable de la première. En 2010, avec la même rigueur et précision qu’il avait mis à évoquer la vie de son grand-père, Jean-Michel Cadiot retrace l’histoire et l’actualité des Chrétiens d’Orient: « Ils sont entre 80 et 120 millions, majoritaires dans des pays comme l’Éthiopie et l’Arménie, minorités longtemps, souvent encore persécutées, mais bien vivantes au Moyen-Orient…. Chrétiens de la terre d’Orient, qui ont rompu avec Rome dès le quatrième siècle, ayant pour certains, une récente réconciliation. Entre le VIIe et XIIIe siècle, ils étaient plus nombreux que les Chrétiens « occidentaux ». Ils le sont dix fois moins aujourd’hui ! »[1].

Cette communauté dispersée à travers divers pays d’Orient et traversant les drames, que nous n’ignorons pas et dont l’actualité nous rend tristement témoins, fait pourtant preuve d’un dynamisme certain, résilience dirait-on aujourd’hui. Dans ce livre ,-M Cadiot déploie l’aventure de cette communauté polymorphe, il présente les migrations ou les installations dans tel ou tel territoire, les guerres qui déciment, les Conciles qui ont structuré ou opposé, les rites et traditions qui animent chacune des églises, leur gouvernance.

Une rigoureuse analyse géopolitique et une somme précieuse, pour comprendre et espérer ».

Rigoureuse analyse géopolitique qui permet de saisir l’ampleur et les enjeux de cette dispersion. C’est une somme précieuse non seulement parce qu’elle permet de savoir et de comprendre, mais surtout parce qu’elle permet d’espérer: « La chaleur, la foi des Chrétiens orientaux, leur force de caractère, qu’ils soient sur place, libres ou opprimés sur leur terre ancestrale, ou qu’ils vivent, libres ou pour raison de guerre ou d’aspiration au mieux être à l’étranger, sont le meilleur atout pour que cette communauté, un des visages et une des voix de l’Eglise universelle, connaisse un avenir à la mesure de ce qu’elle a apporté à l’humanité »[2].

De ses nombreuses rencontres, tant dans sa vie personnelle que professionnelle, sans que rien dans ses engagements ne vienne jamais séparer les deux, Jean-Michel Cadiot devait retenir la nécessité d’apprendre de l’autre ce qui fait sa différence et nous transmettre que c’est là le coeur de toute communauté humaine et l’éthique d’une démocratie. Ce livre et ceux qui ont précédés et suivis en sont le vivant témoignage.

Voici pourquoi nous sommes tristes que cette voix se soit tue, qui nous laisse cependant de pouvoir penser l’avenir, à la seule condition d’y mettre du sien.

Anicette SANGNIER


[1] Cadiot J.-M., Les Chrétiens d’Orient, Salvator, 2010, avant-propos, p.7

[2] Ibid., p. 305

(19/06/20)

La passion de comprendre, et de transmettre.
Jean-Michel Cadiot était un passionné d’Histoire. Notamment du « personnalisme » et des engagements humanistes.