Gestion du « fait religieux »: les entreprises en demande d’éléments référents

La « diversité religieuse », pour employer un euphémisme, est une réalité à laquelle les entreprises sont parfois confrontées. Le « fait religieux », dans un « vivre ensemble » qui appelle le respect de valeurs communes (de l’entreprise et de la République) – articulation nécessaire, réfléchie de longue date à la Revue Civique – implique une gestion appropriée et suppose une bonne connaissance non seulement du cadre législatif et réglementaire en vigueur mais aussi des pratiques, sociales ou idéologiques, en cours.

L’institut Montaigne a consacré la 5eme édition des Entretiens de la cohésion sociale à cette question afin d’envisager les pistes d’action dont disposent les acteurs privés et publics. Laurence De Ré-Vannière, membre du comité direction d’Entreprise&Personnel ; Éric Manca, avocat associé, August&Debouzy ; et Hakim El Karoui, fondateur du club du XXIème siècle et auteur du rapport « Un islam français est possible » (de l’Institut Montaigne), répondent à ce think-tank d’entreprises sur cette question devenue centrale. 

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Les entreprises et leur capacité à gérer le « fait religieux »

Éric Manca affirme qu’en général la France a un vrai problème de gestion du « fait religieux » dans les entreprises en raison notamment d’un manque de moyens et d’une méconnaissance de cette question à la fois complexe et délicate. Laurence De Ré-Vannière, pour sa part, concède qu’il existe un groupe d’entreprises qui ne se saisissent pas du sujet, parce qu’il ne se pose pas la question ou parce qu’elles ne savent pas comment l’appréhender, elles seraient désemparées. Deux grands groupes d’entreprises, qui abordent le sujet de façon globale, sont distinguées. D’un côté, celles qui cherchent à le traiter dans un objectif plus général de prévention des discriminations, en reprenant divers critères de non-discrimination. De l’autre, les entreprises qui s’en emparent pleinement ou en tout cas plus directement: celles-ci en font un axe stratégique de travail et « clarifient la ligne directrice qui est adoptée », la font connaître, la diffusent, afin que « le fait religieux » soit géré au mieux ».

L’Entreprise et l’Islam

Hakim El Karoui rappelle qu’il faut prendre garde à ne pas se faire le porte-parole des musulmans. Pourtant, selon la dernière enquête menée pour l’Institut Montaigne par l’Ifop, il semble se dessiner une double conscience du phénomène, chez les musulmans eux-même. S’il est vrai que 40 % des répondants pensent que l’employeur doit s’adapter aux obligations religieuses de leurs salariés, 48 % considérant même que « l’on devrait pouvoir affirmer son identité religieuse au travail », une majorité de musulmans se plaint tout de même de la place qu’occupe l’islam dans le débat public, place qu’ils jugent disproportionnée par rapport à d’autres enjeux, comme le chômage ou la sécurité, qu’ils voient comme plus importants et à la racine des problèmes de la société d’aujourd’hui.

Des mesures concrètes pour les entreprises ?

Selon Hakim El Karoui, la question des mesures que les entreprises pourraient mettre en place est complexe car la réponse dépend du type d’entreprises, de la taille, de son activité, de ses clients, etc. Pour lui, la meilleure pratique pour l’entreprise, c’est celle qui permet de préserver ses intérêts, dans le respect de la loi, car celle-ci est claire : pas d’interdiction de signes religieux sur le lieu de travail, sauf en cas de problèmes sanitaires, de sécurité ou de préjudice commercial. « Le Code du Travail autorise donc des restrictions aux libertés des salariés », explique-t-il, « si elles sont justifiées par la nature de la mission à accomplir et proportionnées au but recherché ». En cas de conflit, il fait appel au dialogue et à la concertation, sauf en cas d’intimidation, car dans ce cas « la loi doit être la plus claire possible », précise-t-il.

C’est bien, du fait de certaines provocations d’inspirations « radicales », que le cadre de réflexion -et d’action- au sein de l’entreprise doit évoluer.

Les éléments de repères adaptés pour aider à évaluer les situations, comme des documents qui visent à donner des clés de compréhension, les formations, etc. constituent pour Laurence De Ré-Vannière une première base incontournable, surtout pour les managers, dans la mesure où ces éléments peuvent naturellement légitimer les décisions. Ensuite, tout dépendra du terrain, des particularités de chaque entreprise, car « il n’y a pas de solution parfaite ». Pour Éric Manca, il ne faut pas que l’impact religieux devienne un élément à pondérer lors de la prise des décisions dans une entreprise : il est nécessaire de raisonner « uniquement en matière de trouble objectif à l’entreprise », pour assurer son bon fonctionnement.

Pour en savoir plus :

► Gestion du fait religieux : les entreprises ont-elles besoin d’un mode d’emploi ? (Institut Montaigne)

► L’exemple d’action menée par l’entreprise Paprec pour promouvoir la Laïcité

Laïcité et respect mutuel, toute liberté (y compris du culte) a des limites à ne pas dépasser. Dans l'entreprise aussi, naturellement.

Laïcité et respect mutuel, liberté de croire et de ne pas croire : toute liberté (y compris du culte) a des limites à ne pas dépasser. Dans l’entreprise aussi, naturellement.