Influence : du latin classique influere, couler dans. Action, généralement continue, qu’exerce quelque chose sur quelque chose ou sur quelqu’un. Ascendant de quelqu’un sur quelqu’un d’autre. Pouvoir social et politique de quelqu’un, d’un groupe, qui leur permet d’agir sur le cours des événements, des décisions prises.
Hérodote, lui, disait que le pouvoir n’est rien, et que seul compte l’influence. L’historien grec avait déjà saisi la complexité de cette notion aussi subtile que cruciale pour un Etat. A l’heure de l’Europe des 28, la France subirait un déclassement, passant d’un statut de grande puissance à celui d’une puissance moyenne : elle s’interroge sur elle-même, sur ses valeurs, sur ses capacités économiques et doute de son rayonnement… et donc de son influence. Alors s’agit-il de pessimisme, d’auto-bashing ou d’un réel déclassement ?
Pour en savoir plus, l’Institut Montaigne nous oriente vers un rapport d’information de 116 pages sur l’influence française en Europe (fev 2016) rédigé par Christophe Caresche, député socialiste de Paris, et Pierre Lequiller, député LR des Yvelines. Ce rapport accrédite la thèse d’un affaiblissement du poids de la France sur la scène européenne, pour des raisons d’ordre géopolitique, économique, financière et politique, notamment pour les motifs suivants : « Elargissements successifs à l’Est, difficultés du pays à moderniser son économie, crédibilité atteinte par le non-respect des engagements budgétaires ».
Christophe Caresche et Pierre Lequiller s’appuie aussi sur la langue, outil de puissance et d’influence ‘soft power’ ô combien important, pour soutenir leur thèse : sur la période 2005-2016, on est passé de 16.5% de textes de la Commission rédigés en français à seulement 5%.
Pour une vraie vision prospective
L’inquiétant constat se poursuit du coté du Parlement européen, où les parlementaires français demeurent peu impliqués par rapport à leurs homologues européens, avec deux principaux maux relevés : un taux de démission en cours de mandat plus important que la moyenne européenne, et un taux de cumul avec un mandat national lui aussi plus élevé. Ajoutons qu’en France les élections européennes sont souvent perçues comme une voie de garage, entre espoir de rebond politique (en attendant mieux) pour certains et recasage pour d’autres. Qui dit moindre implication, dit absentéisme, et un plus grand turn-over. Voilà qui n’arrange ni la crédibilité, ni l’influence française.
Outre le redressement de ses finances pour retrouver du crédit auprès de ses partenaires européens, le rapport préconise notamment de se préoccuper de la pérennité de la présence française au sein de l’administration européenne. Cela passerait par une meilleure information des candidats aux concours européens, ainsi que par un meilleur suivi et accompagnement des nouveaux lauréats. Christophe Caresche et Pierre Lequiller encouragent également à mieux comprendre le fonctionnement et les rouages des institutions européennes. Globalement, l’enjeu serait de muscler l’influence et la présence française au sein de l’UE, avec plus de moyens humains et financiers, ce qui pourrait prendre la forme d’une véritable politique publique.
Si le rapport s’inquiète de cette forme de déclassement, c’est surtout au niveau politique, qu’il déplore un manque d’idées lisibles et en appelle à une vraie vision prospective. Un renforcement du ministre des affaires européennes est proposé, celui-ci pourrait être rattaché au Premier ministre, en ayant sa propre administration.
Bruno Cammalleri
Rapport sur l’influence française en Europe, de Christophe Caresche et Pierre Lequiller