Incroyable et bien triste histoire. Passée quasi-inaperçue dans le creux de l’été. La vague des vacanciers avait manifestement autre choses à penser…
Un SDF est mort, abandonné de tous, dans les rues de Poissy. On peut mourir dans les rues de France, même si le pays détient le record mondial des prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales; il a assez récemment (2016) dépassé le Danemark en ce domaine ) et des dépenses publiques et sociales. Il y a bien quelque chose qui ne marche pas totalement, depuis longtemps, dans la machine solidaire de « l’Etat-Providence ». Et il y a matière à réflexion sur la « grande pauvreté » à traiter, sur laquelle travaillent de nombreuses organisations caritatives et sur laquelle l’action gouvernementale (avec le plan Agnès Busyn) est attendue.
Il s’appelait Daniel Crépet. Décédé dans la rue à l’âge de 47 ans, en plein été donc, cet homme dont on découvre qu’il a pu avoir une vie, quand celle-ci n’est plus… Un élu local prend connaissance du cas, s’enquiert de l’identité du SDF disparu. On cherche sa famille, d’éventuels amis: rien, ou très peu de choses… Et puis, d’un coup, l’information apparaît, stupéfiante. Cet homme à la dérive, qui a fini dans la rue et par y mourir, de faim, peut-être de maladie, en tout cas d’abandon, a été un soldat de l’armée française ! Brillant et valeureux de surcroît: il avait participé aux opérations extérieures de la France (les « Opex »), il y avait risqué sa vie pour nous en quelque sorte, il avait été distingué, décoré de la Croix de guerre. Des précisions viendront de l’association nationale des participants aux opérations extérieurs (Anopex) et de son Président, qui mobilise ce réseau. Le théâtre d’opération qu’on lui avait confié, parmi bien d’autres de nos soldats bien sûr : l’Afrique et le Moyen Orient. Daniel Crépet avait notamment participé à l’opération « Daguet », organisée par la France dans une large coalition internationale lors de la première guerre du Golfe (en 1990-1991).
Bien sûr, une dérive personnelle a du naturellement en premier lieu expliquer les terribles étapes d’une telle descente aux enfers de la rue. Mais comment ne pas s’interroger sur des liens de solidarité humaine – de la famille, des amis, de la grande famille qu’est censée être celle des militaires et des combattants, même quand ils ne sont plus que de jeunes anciens combattants comme lui ? Comment tous ces liens ont-ils pu se casser, irrémédiablement. On ne réécrira pas cette triste histoire personnelle. Qui mérite tout de même d’être mieux connue. Peut-être que les services de nos Armées, ou de la Ville concernée – Poissy – s’en chargeront-ils. Les hommages posthumes ont heureusement eu lieu, localement, lors d’une cérémonie d’obsèques qui a pu rétablir une certaine dignité, et honneur, pour le défunt. Tragique « clap de fin » néanmoins, pour ce soldat inconnu de la rue, cet illustre SDF qui n’aurait jamais dù tomber dans le trou d’un oubli collectif. Ce terrible oubli, dont on sait qu’il peut tuer les plus valeureux.
Léonard TEMOIN
(août 2018)
– L’article du Parisien, édition des Yvelines, qui évoque cette histoire
– L’article de Ouest-France sur les obsèques payées par des Anciens Combattants