Cédric O: la nécessaire régulation numérique est en cours. Entretien avec La Revue Civique (vidéo) et le Cevipof

Chargé au Gouvernement du Numérique, Cédric O était le premier invité de « Questions de #confiance », série d’entretiens avec de hautes personnalités conçue et réalisée par le CEVIPOF (centre d’études de la vie politique française, de Sciences Po, laboratoire qui produit chaque année le « Baromètre de la confiance ») et La Revue Civique. Ce membre du Gouvernement a abordé cet enjeu de la confiance à la fois d’une point de vue général – et global, en terme de comparaisons avec d’autres pays et continents – et d’un point de vue plus particulier, celui de son champ de compétence, le numérique où s’opère « une révolution », observe-t-il. Et où « la France et l’Europe ont beaucoup à faire », ajoute-t-il.

Dans son propos et au cours des échanges, qui se sont déroulés sur environ une heure (l’intégral sera ici prochainement disponible en images), ce membre du Gouvernement a notamment évoqué son propre parcours personnel et politique, soulignant l’intérêt du « va-et-vient » entre l’engagement politique et l’engagement professionnel au sein de la société civile (diplômé de HEC, il a été actif dans un groupe industriel, Safran, avant de s’engager dans la fondation du mouvement La République en Marche, puis la campagne d’Emmanuel Macron en 2017). Cédric O a souligné l’importance des « allers-retours » entre les deux univers, la professionnalisation des élus étant à ses yeux une source de « distorsion », et du problématique écart entre les politiques d’une part, les citoyens d’autre part.

Durant le webinaire « Questions de confiance », Cédric O répond aux questions de Martial Foucault, directeur du CEVIPOF, et Jean-Philippe Moinet, directeur de La Revue Civique.

Il relève à ce sujet que 90% des députés LREM ne faisaient pas de politique active avant 2017. C’est « un atout », selon lui, qui est à réfléchir aussi pour le lien de confiance à renforcer en général entre les élus et les citoyens. Cédric O considère que les retours des élus vers la société civile devraient être facilités et plus réguliers, les règles en vigueur visant à éviter les conflits d’intérêt pouvant être, estime-t-il, « contre-productives ». Dans la durée, l’engagement politique ne devrait donc pas être conçu, à ses yeux, comme une carrière forcément durable mais comme une expérience passagère, ce qui permettrait à la fois un renouvellement du personnel politique mais aussi un renforcement du lien de proximité – et donc peut-être du lien de confiance – avec les citoyens.

« L’esprit de confiance est à mettre en lien avec la foi dans le progrès », relève Cédric O, progrès qui peut provenir de la science notamment. Or, un différentiel de perception distingue la France et l’Europe d’un côté, l’Asie de l’autre.

Par ailleurs, Cédric O a évoqué le lien qui lui apparaît entre esprit de confiance et « foi dans le progrès », projection dans l’avenir aussi. En ce domaine, il s’est dit frappé par le différentiel de vision qui distingue la France et l’Europe d’une part, et l’Asie d’autre part, où la perception de la notion même de progrès est différente et bien plus positive. Le progrès scientifique en particulier, indique-t-il, n’est pas vu de la même manière par les Français ou par les Asiatiques, les perceptions par exemple de l’apport des vaccins ou encore de la 5G, cite-t-il, sont des indicateurs représentatifs des niveaux de confiance, à la fois dans la science et dans l’avenir. De ce point de vue, on le sait, les perceptions européennes, et les représentations françaises tout particulièrement, sont davantage en proie au doute, voire à des formes de méfiance ou de défiance.

Aussi, concernant le vaste monde d’Internet, Cédric O a souligné que « nous sommes entrés dans une très grande transformation » et même d’une double « révolution » à échelle planétaire, qu’il s’agisse de la transition énergétique et environnementale ou de la « transformation numérique », qui touche tous les grands domaines de notre vie : l’éducation et la formation, l’activité économique, la puissance géopolitique, les relations de travail, la démocratie et les relations interpersonnelles avec les réseaux sociaux.

La régulation des communications numériques, et des réseaux sociaux en particulier, est un chantier très actuel, et qui n’en est sans doute qu’à ses débuts. De ce point de vue, Cédric O a rappelé au cours des échanges que la Loi française allait prochainement permettre de franchir une étape, en matière de lutte contre les haines et violences en ligne, dans le cadre de la Loi dite « séparatisme ». Interrogé sur ce point précis par le directeur de La Revue Civique, Jean-Philippe Moinet, le Secrétaire d’Etat a bien indiqué dans la discussion (et dans la courte interview vidéo, réalisée à l’issue de l’échange; cf cidessous), qu’après l’assassinat du professeur Samuel Paty, le Gouvernement était déterminé à faire aboutir une nouvelle disposition législative. Celle-ci qui doit permettre à l’avenir au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel d’agir en sanctions sur les opérateurs numériques, si ceux-ci ne prennent pas de mesures opérationnelles suffisamment efficaces pour évacuer des réseaux sociaux les messages haineux, injurieux et violents. Dont on sait malheureusement qu’ils peuvent armer des comportements physiquement violents. Lutter contre ces violences, qui peuvent passer des paroles aux actes, est à la fois une difficulté et une nécessité.

« Les grands opérateurs des réseaux sociaux ne sont pas, actuellement, régis par la Loi mais leurs seules conditions générales d’utilisation. Il faut remettre de la supervision publique et doter le CSA, Conseil supérieur de l’audiovisuel, d’un pouvoir de sanctions financières fortes en cas de non coopération des plateformes ». L’assassinat du professeur Samuel Paty a été un déclencheur de la détermination à légiférer en ce domaine.

(19/03/2021)

-La présentation de la série « Questions de #confiance » par Martial Foucault, directeur du CEVIPOF et Jean-Philippe Moinet, directeur de La Revue Civique