Discours du chef de l’État lors de la cérémonie d’hommages aux victimes du terrorisme, 19 septembre 2012

Drapeau français (© Jim Barber - Fotolia.com)

Le Président de la République, François Hollande, s’est engagé, dans ce discours du 19 septembre 2012, dans la lutte «contre toutes les formes de terrorisme», qui fera l’objet d’un projet de loi tirant notamment les leçons des fusillades de Toulouse et Montauban, qui ont eu lieu en mars 2012. La cérémonie à la mémoire des victimes du terrorisme, organisée chaque 19 septembre, était cette année marquée par le souvenir de ces assassinats perpétrés par Mohammed Merah, qui ont fait sept morts, dont trois enfants de moins de dix ans.

Madame, Monsieur les ministres,

Mesdames et Messieurs les parlementaires et élus,
Mesdames et Messieurs les plus hautes autorités civiles et militaires,
Madame et Messieurs les Ambassadeurs,
Madame la déléguée,
Monsieur le directeur général,
Mesdames, Messieurs,

Comment ne pas être bouleversé par cette succession d’interventions d’hommes et de femmes blessés dans leur chair, victimes ou parents de victimes, qui expriment à la fois leur peine, leur douleur, avec une dignité et avec une force qui leur permettent aussi de se tourner vers le futur avec confiance, avec aussi cette sérénité exigeante par rapport à la justice, à la République et à ce qui peut être attendu de la démocratie ?

C’est un souvenir d’un attentat odieux qui nous réunit aujourd’hui. Mais à travers lui, au-delà de lui, c’est le souvenir de toutes les victimes du terrorisme. Il y a 23 ans, jour pour jour, le 19 septembre 1989, le vol 772 d’UTA explosait en plein vol au-dessus du désert du Ténéré. 170 morts. 54 Français.

Le temps qui passe n’efface ni le poids du deuil, ni la douleur des familles, et encore moins l’exigence de justice. Les responsables de ce crime abject, qui sont désormais connus, devront répondre de leurs actes : la République, et j’en prends ici l’engagement, les pourchassera aussi longtemps que nécessaire pour les traduire devant leurs juges.
A l’occasion de cette journée, je veux honorer, au nom de la France, toutes celles et tous ceux qui furent les victimes du terrorisme, leurs proches, les parents, les orphelins, qui affrontent une perte cruelle. J’ai entendu tous ces récits, tous ces témoignages. Je ne les oublierai jamais.
Je veux dire à tous la solidarité de la Nation que je représente ici devant eux.

Le terrorisme, cette haine qui s’en prend à des civils désarmés, cette violence qui s’attaque à des femmes, à des enfants, à des hommes au hasard, est une ignominie. Et ce terrorisme se place lui-même en-dehors de l’humanité.

Notre pays, la France, a été à plusieurs reprises cruellement frappé. Les noms de ses victimes, sont inscrits à jamais dans notre mémoire. Rien que pour ces derniers dix-huit mois, le cortège des drames est effroyable.

Au Niger, en janvier 2011, Vincent DELORY était assassiné, avec son meilleur ami, Antoine de LEOCOUR, qu’il rejoignait pour son mariage.

Peu de temps après eux, Marie DEDIEU, enlevée au Kenya, était tuée par des barbares. Sans aucun égard pour son âge, pour son handicap, ils ont même poussé jusqu’à l’infamie retenant son cadavre en otage.

Au café Argana, à Marrakech, en avril 2011, huit de nos compatriotes étaient emportés par une bombe. Ils s’appelaient Cathy LOMBARD, Jean AUBERT, Marie-Christine BOHIN, Salomé GIRARD, Angélique GAUTIER, Maude SOMBRET, Eric ASNAR, Camille DEWAILLY.

Camille avait dix ans.

Car le terrorisme s’en prend aux enfants. Pas seulement sous l’effet d’une rage aveugle. Parce que pour lui, les enfants sont des cibles.

Il y a six mois, à Toulouse, le 19 mars 2012, un homme qui, l’avant-veille, avait tué trois soldats français : le maréchal des logis chef Imad IBN ZIATEN, le caporal Abel CHENNOUF, le soldat de 1ère classe Mohamed LEGOUAD et blessé grièvement un quatrième : le caporal Loïc LIBERT, qui souffre encore, ce terroriste tirait à bout portant sur cinq personnes, dans une école juive. Parmi les victimes, trois avaient moins de dix ans : Myriam, Gabriel et Arieh. Assassinées avec Jonathan parce que juifs.

Ils rejoignent dans notre souvenir David GRITZ, étudiant parisien assassiné en 2002, à l’université hébraïque de Jérusalem.

A la mémoire de ces Français assassinés, j’associe toutes les femmes, tous les hommes, partout dans le monde, du Caire, c’était en 2009, à Kaboul, c’était en 2010, mais aussi sur notre propre sol. Oui j’associe toutes ces femmes, tous ces hommes que le terrorisme a tués et leurs familles qui ont été meurtries à jamais. J’ai en cet instant une pensée particulière pour Maurice RUDETZKI, blessé en 1983, lors de l’attentat du Grand Véfour, en même temps que sa femme Françoise. Il nous a quittés au début de l’été, vingt-neuf ans après l’épreuve qui a marqué tout le reste de son existence.

Face au terrorisme, la France tout entière a des devoirs, et je vais les rappeler ici devant vous.
Le premier devoir, c’est le souvenir. Rien ne serait pire que d’ajouter le silence à la peine. Ce monument, érigé par vos associations est une arme pacifique contre l’oubli. C’est un lieu de mémoire que la France tout entière doit honorer.

Le second devoir, c’est de venir en aide aux victimes et de reconnaître leur souffrance. Vos associations accomplissent un travail remarquable pour faire entendre les voix des blessés, des endeuillés, et pour leur apporter, le réconfort et le soutien nécessaires.

Je prends ici l’engagement que des moyens nouveaux vous seront apportés. Je sais le rôle qui est le vôtre pour que les victimes d’attentats terroristes soient reconnues comme victimes civiles de guerre. L’Etat continuera de travailler avec vous pour simplifier les démarches. Il sera aussi présent auprès de toutes les familles des otages et j’engage le Gouvernement à examiner les modalités d’un accompagnement financier de ces familles pour leurs démarches. De même, il conviendra de faire bénéficier de la protection juridique toutes les familles des victimes d’attentats.

Mais nous avons aussi un autre devoir, c’est le devoir de vérité. Dire la vérité, rechercher la vérité, faire connaitre la vérité, notamment sur les procédures en cours. La République, en mon nom, vous assure de la transparence la plus entière. Le secret ne devra s’appliquer que lorsque les intérêts fondamentaux de la Nation sont menacés. La justice travaillera en toute indépendance pour que tout soit fait sur chaque procédure pour aller jusqu’au bout, rechercher les auteurs et les traduire devant leurs juges. L’Etat sera toujours à vos côtés pour qu’aucune des familles ne se sente rejetée d’une procédure qui puisse la concerner. Et que chacune, chacun, puisse connaitre tout des conditions qui ont conduit à l’épouvante.

Enfin, le dernier devoir de la Nation, c’est la vigilance et la lutte sans concession contre le terrorisme. Rien ne peut le justifier. Rien. Les assassins cherchent toujours à s’abriter derrière une cause. C’est une lâcheté supplémentaire car en réalité ils la souillent, cette cause, et l’offensent en prétendant la servir. Albert CAMUS le disait ainsi : « Quelle que soit la cause que l’on défend, elle restera toujours déshonorée par le massacre aveugle d’une foule innocente. »

Ce que vise fondamentalement le terrorisme, ce qu’il cherche à affaiblir, à atteindre, à anéantir, au-delà des vies qu’il frappe, c’est la démocratie. C’est la liberté. C’est le droit et la possibilité pour chacune, pour chacun de penser comme il veut, de s’exprimer comme il l’entend. Et pour atteindre ses fins, le terrorisme nous tend des pièges, nous les connaissons : ils ont pour noms la peur, la division, le renoncement.

La peur, ce serait le refus d’agir, la tentation de céder à tous les chantages, à toutes les pressions, à toutes les menaces. Elles existent aujourd’hui. La liberté, la laïcité, la dignité ne se négocient pas et ne se négocieront jamais.

Le second piège c’est la division. Le terrorisme cherche à déchirer les peuples, à mettre en opposition les cultures, à entretenir des guerres de religion. Les religions doivent être respectées dans notre République. La lutte dans laquelle le terrorisme veut nous entraîner, ce n’est pas une guerre entre les civilisations, c’est une guerre contre toutes les civilisations.

Enfin, le dernier piège ce serait le renoncement, céder sur les valeurs de la République alors que ces valeurs sont notre honneur et même notre bouclier. Notre démocratie sera toujours plus forte que ses ennemis. Elle les combattra sans jamais rien renier d’elle-même. L’Etat implacable, reste et restera l’Etat de droit.

« L’Etat de droit, ce n’est pas l’Etat de faiblesse ». Avec le terrorisme, il n’y a pas de compromis possible. Aucun. Jamais.

Nous sanctionnerons, démantèlerons et détruirons, sans répit et sans faiblesse, les réseaux terroristes. Et nous combattrons tous ceux qui, idéologiquement, les entretiennent ou qui les accueillent, ou les financent.

L’action doit être conçue à l’échelle du monde. Tous les continents sont concernés par le terrorisme.

Aujourd’hui, particulièrement l’Afrique, au Sahel, où des groupes se sont structurés, se dotant de moyens tirés de multiples trafics. Avec comme but de déstabiliser l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest ; mais l’Afrique de l’Est est également touchée – la Somalie, le Kenya – et nos ressortissants sont eux aussi visés. Tous les pays doivent s’organiser et combattre ensemble le terrorisme.

La France est pleinement engagée pour faire progresser la coopération sur ce sujet. A la fin de l’année, notre pays aura ratifié l’ensemble des douze conventions des Nations Unies destinées à prévenir et à combattre le terrorisme.

Nous mettrons en place tous les outils afin de coordonner les moyens de prévention, à travers des équipes communes d’enquêtes réunissant des forces de police et des magistrats des pays qui veulent s’engager avec nous.

Le mandat d’arrêt européen permet d’interpeller les auteurs d’actes terroristes et d’obtenir qu’ils soient jugés plus rapidement. Le délai d’intervention, qui était de plusieurs mois, est désormais de douze jours.

La France s’est investie récemment, enfin, avec de nouveaux partenaires –les Etats-Unis, l’Espagne — pour que le développement de l’entraide pénale internationale ne permette plus d’échapper à la justice, c’est-à-dire à la sanction.

Mais je veux aussi m’engager à l’échelle nationale, à l’intérieur de nos frontières.
Notre arsenal juridique est imposant, il doit, chaque fois qu’il est nécessaire, être adapté et amélioré. Le ministre de l’Intérieur présentera, prochainement, un projet de loi tirant toutes les conséquences des drames de Toulouse et de Montauban. Il nous permettra de rendre plus efficace encore notre lutte contre toutes les formes de terrorisme, même les plus élaborées. Il permettra d’étendre la compétence de nos juridictions à des actes commis à l’étranger par des ressortissants français.

Voilà la volonté de l’Etat.

Mesdames, Messieurs,

Le terrorisme a pris les vies de vos proches, de vos enfants, de vos parents. Il a dévasté les vôtres.

Chaque fois, c’était la France et ce qu’elle représente qui était visée. Elle vous doit donc, la France, en retour la plus grande solidarité.

Elle ne doit rien oublier des victimes d’hier pour protéger encore davantage nos concitoyens aujourd’hui. Cette mission est la nôtre. C’est celle de l’Etat. Mais je souhaite que chaque Français y prenne sa part, et que cette cause de la lutte contre le terrorisme, soit servie par une unité nationale sans défaut. Parce que cette unité nationale est notre bien le plus précieux.

La cérémonie d’aujourd’hui est un hommage mais je l’ai conçue aussi comme un appel, l’appel que vous avez lancé. Je vous ai tous entendus. Un appel pour que la vérité soit faite, pour que la justice soit rendue, pour que la responsabilité soit établie.

Cet appel est le vôtre et aujourd’hui il m’engage.

Merci.