Halte aux dérives des antivax radicaux: ils mettent en danger la vie d’autrui ! (JP Moinet)

Bien sûr, la liberté de manifester – sans violence – est une liberté essentielle qu’il faut savoir défendre et protéger en toutes circonstances. Même quand on est en désaccord avec les causes invoquées, c’est la force des démocraties de laisser toutes les convictions s’exprimer. Cette liberté là fait partie du bloc de principes constitutionnels garanti de toute atteinte, depuis la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Il n’empêche qu’il appartient à la liberté de chacun(e), qui peut être aussi être un devoir civique, de dénoncer tel ou tel banderole scandaleuse, de mettre en cause tel mot d’ordre insensé, une intention malveillante ou comportement dangereux. On y est.

Les manifestations du samedi, derrière l’étendard libéral anti #PassSanitaire, ont en fait colporté cet été de sales thèses et réuni un nombre qui peut être estimé à la fois important (pour un été) et faible (quand on considère l’ensemble de la population française). Près de 200 000 personnes, c’est beaucoup mais cela représente 0,3% de la population. Les vaccinés ? Fin août, ils étaient environ 70%. Il y a donc une petite minorité, bruyante et incivique. Et une très large majorité, silencieuse et civique. Le bruit protestataire fait les médias du samedi – les gilets jaunes radicalisés avaient trouvé le filon pour entretenir des mois les rendez-vous de la violence – mais il ne représente en rien la sagesse populaire, bien au contraire, ce bruit est tout l’inverse.

Un des centres de vaccination saccagé (ici, en Isère). Un indice de radicalité et d’intolérance.

Imposer la liberté de contaminer les autres, est-ce acceptable sous prétexte qu’on est en démocratie ?

Naturellement, il y a dans les rangs de ces manifestants, cohabitant curieusement avec dingos complotistes et des antisémites à peine masqués, des personnes sincères, éduquées, qui mettent en avant leur petite liberté individuelle pour rejeter, en cette crise sanitaire mondiale qui perdure, le principe même de se doter d’un simple certificat indiquant soit qu’on est vacciné, soit qu’on a réalisé un test à résultat positif, soit qu’on a eu la maladie dans une période récente, ce qui produit une immunité. Ce refus catégorique pose une série de problèmes. Un problème de rapport du citoyen à la Loi commune, d’abord : ce type de refus, militant et collectif, non seulement peut conduire, si on suit une tendance « antitout », à un désordre social ingérable en ce qui concerne notamment toutes les questions de sécurité (sanitaire, routière, sociale, assurantielle, publique…) mais il porte atteinte très frontalement et concrètement à la liberté des autres: celle de se protéger, individuellement mais aussi collectivement, des risques de contamination. Refuser le désagrément des gestes barrières qui ont faire leur preuve – et le pass sanitaire (certificat de test ou de vaccination) n’en est qu’un prolongement – en vient finalement à imposer un droit à contaminer les autres : la liberté de contaminer est-elle acceptable, sous prétexte que nous sommes en démocratie ? Cette question mérite d’être fortement posée.

Si beaucoup de pays, bien au-delà de la France (Danemark, Iltalie, Autriche, Irlande, Hongrie, Israël…) ont jugé utile d’adopter la formule du pass sanitaire pour accéder à certains lieux publics, ce n’est évidemment pas pour le plaisir de contraindre les citoyens mais pour contribuer, par ce acte complémentaire, à freiner les contaminations et à endiguer les risques d’une nouvelle vague de la pandémie, pouvant se traduire par des hospitalisations massives, des morts ou des malades à lourdes séquelles et, accessoirement, par les lourdes contraintes collectives comme celles du reconfinement ou de couvre-feux qui ont un lourd coût humain, psychologique, économique et social. La méthode du pass sanitaire n’est évidemment pas idéale, elle a ses inconvénients mais elle a été jugée nécessaire, vues les circonstances du début d’été et les dangers avérés d’une reprise de la pandémie, et efficace aussi pour inciter à la vaccination.

Un autre centre de vaccination vandalisé (dans les Pyrénées). Intolérable atteinte à la liberté de se protéger.

Tout le monde (ou presque) a compris chez les responsables (de tous secteurs, tous bords et tous pays) que la bataille à gagner en 2021 était celle de la vaccination, « geste muraille » contre le Covid

De ce point de vue, le phénomène estival a été impressionnant: en deux mois, le nombre des vaccinations s’est accéléré en France au point de placer notre pays en tête des pays à forte protection vaccinale. En début d’année 2021, la France subissait un déplorable retard, pour des raisons liées aux productions et livraisons progressives des doses, aux lourdeurs administratives françaises mais aussi au choix (louable) des pouvoirs publics de cibler les premiers efforts sur les publics les plus fragiles, exposés aux risques mortels (les plus âgés notamment). Ce retard français avait été critiqué et, pour partie, pour de bonnes raisons. Mais six mois plus tard, la situation a été spectaculairement inversée, la machine logistique ayant été lancée et la France est apparue comme l’un des plus efficaces, dépassant par exemple l’Allemagne ou l’Italie. Cela mérite d’être salué.

Car tout le monde ou presque – au-delà de quelques démagogies persistantes – a bien compris que la grande bataille à gagner en 2021, en complément des gestes barrières devenus des habitudes sanitaires en 2020, était celle de la vaccination, de ce « geste muraille » qui freine efficacement (sans le réduire à néant) la circulation du virus et surtout geste qui protège fortement contre les formes graves de la redoutable maladie. C’est pour cela que les médecins hospitaliers notamment, qui n’en peuvent plus de se battre contre la mort Covid depuis près d’un an et demi, ne cessent d’appeler à la vaccination. C’est pourquoi les manifestations publiques et comportements des antivax radicaux sont irresponsables et même, d’un certain point de vue, criminels.

De curieux militants, anonymes – du mouvement d’extrême droite « Les patriotes » de Florian Philippot par exemple – ont investi les manifs antipass et antivax.

Et pourquoi ne pas agir en justice contre ces campagnes et démagogues qui mettent en danger la vie des autres ?

80% des hospitalisations touchent des personnes non vaccinées: ce chiffre estival met en colère beaucoup de soignants, de scientifiques, de responsables publics qui voient opposer des arguments de croyance ou de conviction aux réalités de la science et des statistiques. Une petite minorité très active – et souvent intolérante, voire violente (des pharmacies et centres de vaccination ont été saccagés !) – en vient de fait à militer, sous couvert de petite « liberté » individuelle, pour l’encombrement de services hospitaliers ! Ces irresponsables, radicaux, militants et accompagnés de démagogues professionnels, sont souvent fermés à tout raisonnement rationnel: si ces manifestations durent et s’amplifient, ils deviennent des dangers publics pour la collectivité car leur prosélytisme inconséquent met, de fait, en danger la vie d’autrui.

Face aux suractifs et illuminés antivax, qui entraînent des personnes crédules et apeurés, la majorité silencieuse comme la communauté scientifique et médicale doit-elle forcément supporter longtemps des inconséquences aussi graves et flagrantes ? Ne doit-elle pas au contraire réagir concrètement, protester plus fortement contre le fléau des mouvements antiscience et, pourquoi pas, agir en justice contre ceux qui mènent des campagnes démagogiques, qui propagent des idées et des comportements portant atteinte à l’impératif de protection, individuelle et collective, et mettent donc la vie des autres en danger ? Les manifestations des samedis, de loin, ont pu paraître folklorique à certains. Ce qu’elles colportent d’obscurantisme, de radicalités et de nocivité publique ne doit pas être sous-estimé, mais au contraire clairement et courageusement dénoncé.

Jean-Philippe MOINET, auteur, chroniqueur, fondateur de La Revue Civique

(24/08/21)