Hommage aux soldats tombés en Afghanistan, jeudi 14 juin 2012

Drapeau français (© Jim Barber - Fotolia.com)

Discours du jeudi 14 juin 2012 de M. le Président de la République en hommage aux soldats tombés en Afghanistan.

Le métier des armes n’est pas un métier comme les autres. Il est fait du sens du devoir, de l’amour de la Patrie, de l’esprit de sacrifice. Il appelle de la discipline et du courage. Il comporte l’acceptation du risque.

La France doit à son armée une part éminente de sa grandeur, de son indépendance, de son rayonnement dans le monde aussi.

Elle lui doit d’être restée la France, une Nation libre, et de pouvoir défendre l’idée qu’elle se fait de la dignité de l’Homme.

Elle lui doit de pouvoir veiller sur son idéal.

Tel était l’engagement de ces hommes.

Ils sont morts pour des valeurs justes et hautes.

Celle de la paix.
Celle de la liberté.
Celle de la démocratie.
Celle de la souveraineté des peuples.
Celles de la France.

Notre armée s’est engagée sur le sol afghan il y a onze ans, en 2001, au lendemain des attentats qui ont cruellement frappé les États-Unis d’Amérique. Au nom de ces valeurs et dans le cadre de la légalité internationale, elle a combattu et contenu le terrorisme ; elle a évité que l’Afghanistan n’en devienne le sanctuaire.

Grâce aux femmes et aux hommes qui la servent, grâce à leur patience, à leur persévérance, grâce à leur performance, notre armée a permis, associée aux forces de la coalition internationale, à l’Afghanistan de se relever et de se remettre en marche.

Elle prépare désormais la transition, appelée de leurs vœux par les Afghans eux-mêmes, et qui entendent prendre leur destinée en main, ainsi que me l’a confirmé encore ces derniers jours le Président Karzai. Déjà des secteurs ont été transférés aux autorités afghanes. Ce mouvement se poursuivra et nos troupes combattantes entameront leur départ du sol afghan dans les prochaines semaines. Il s’achèvera à la fin de l’année. Il n’est pas sans danger. Ce retrait se fera dans l’ordre et dans la sécurité. J’y veillerai et je m’y engage.

Lutter contre le fanatisme et la haine aveugle ; aider fraternellement un peuple à retrouver le chemin de sa souveraineté : telle était la noble mission de nos quatre compatriotes.

Je m’incline avec respect et émotion devant chacun d’eux. Je veux leur dire, au nom de la France, notre gratitude.

Aux Invalides, dans ce haut lieu de notre histoire militaire, ces cercueils recouverts du drapeau tricolore nous ramènent à l’essentiel.

Aux raisons de vivre et de mourir.

A l’histoire de notre pays, construite de génération en génération par ceux qui croyaient, qui croient encore, en quelque chose de plus grand que le destin de chacun d’entre nous.

87 soldats français ont donné leur vie dans le conflit afghan.

Ces hommes de toutes origines, de toutes conditions, de toutes confessions, sont morts pour la France.

Mourir pour la France, c’est vivre à jamais dans le cœur des Français.

Nous ne les oublierons pas. Chacun avait un nom, un visage, une histoire, une famille.

Major Thierry Serrat,
Voilà 28 ans que vous serviez notre drapeau. Vous veniez de vous rendre pour la troisième fois en Afghanistan dans le cadre du groupement interarmées des actions civiles-militaires. Votre sens de l’effort, vos remarquables qualités humaines et votre professionnalisme ont, dans toutes vos missions, été salués et admirés. Vous aimiez le terrain, l’action, vous aimiez faire partager votre expérience. Vous étiez, et vous resterez pour vos hommes, une référence incontestée. Je pense, en cet instant, à vos deux enfants. Je voudrais qu’à leur chagrin se mêle aujourd’hui l’immense fierté d’avoir eu un père tel que vous.

Adjudant Stéphane Prudhom,
Vous vous étiez engagé il y a treize ans au sein du 2ème Régiment de Hussards, avec lequel vous aviez pris part à de nombreuses opérations extérieures, dans l’ex-Yougoslavie, au Kosovo, en Côte d’Ivoire ou au Tchad. Vous étiez pour la seconde fois en Afghanistan, avec le 40ème Régiment d’Artillerie. Tous ceux qui vous ont connu ont souligné vos exceptionnels talents de meneur d’hommes. Vous leur manquerez à tous, comme vous manquez déjà à la Nation. Vos enfants ont un an et trois ans. Ils grandiront auprès de votre compagne avec au cœur une absence irréparable, mais avec votre exemple pour éclairer leur chemin.

Maréchal des logis-chef Pierre-Olivier Lumineau,
Vous vous étiez engagé à l’École nationale des sous-officiers d’active il y a deux ans. Deux ans seulement. Mais vous aviez l’expérience de vos parents militaires eux-mêmes. Vous aviez intégré la Batterie de renseignement de brigade de Suippes. Puis vous avez rejoint l’Afghanistan dans une équipe tactique et d’opérations militaires d’influence. C’était votre première mission extérieure. Ce devait être aussi la dernière : l’ignominie de la terreur en a décidé ainsi. Vous étiez réputé pour votre joie de vivre, pour le don que vous aviez de rendre plus simple l’existence de ceux qui vous entouraient, vous étiez un excellent meneur d’hommes. Votre souvenir ne nous quittera pas.

Brigadier-chef Yoann Marcillan,
Vous étiez également issu du 40ème Régiment d’Artillerie de Suippes. Vous vous étiez distingué il y a trois ans au Kosovo, où vous aviez rempli une mission exemplaire. Ceux qui vous ont côtoyé vous décrivaient comme particulièrement prometteur, ayant une haute idée du métier des armes, minutieux et exigeant avec vous-même. Vous aviez 24 ans. La Nation sera aussi exigeante avec elle-même dans la fidélité à votre mémoire.

Dans quelques instants, j’apposerai sur les cercueils de ces hommes morts pour la France les insignes de chevalier de la Légion d’Honneur.

Auparavant, je veux m’adresser aux familles des militaires, qui acceptent une part considérable de l’engagement.

Elles voient un fils, une fille, un père, un mari, un conjoint revêtir l’uniforme et partir pour des combats lointains. C’est un courage discret, silencieux. Mais, parfois si profondément, si insupportablement douloureux.

Ces familles consentent à vivre avec l’éloignement, l’inquiétude, et la peur.

Celle de perdre un proche. Mais celle aussi de le voir revenir blessé.

Mes pensées vont vers nos cinq hommes blessés dans l’attaque du 9 juin. Elles vont vers nos 700 compatriotes blessés en Afghanistan. Elles vont aussi vers ceux que j’ai rencontrés il y a quelques jours à l’hôpital des armées Percy à Clamart et qui ne demandaient qu’une chose : être rétablis pour rejoindre leur poste. Ma reconnaissance va vers le Service de santé des armées qui les prend en charge avec une attention et une générosité sans limite. Je salue les médecins et les personnels.

En cet instant dédié à l’hommage, me viennent à l’esprit les mots prononcés ici même, aux Invalides, par le général de Gaulle. Il y évoquait, dans une adresse aux armées « la flamme de la fierté nationale » : « C’est la même flamme, disait-il, celle qui animait le pays tout entier, qui rassemblait les populations autour des drapeaux, qui brûle toujours symboliquement sous l’Arc de triomphe. C’est la même flamme qui inspirera au long de l’avenir, comme elle le fit au long du passé, l’âme de la France éternelle ».

C’est cette flamme qui animait les quatre soldats que nous saluons solennellement ce matin.

C’est la flamme de la fidélité que nous devons régulièrement rallumer.

Fidélité à eux, à leur courage, à leur dévouement.

Fidélité à l’idée que nous nous faisons de nous-mêmes. De notre République.

Fidélité à la Patrie.

La France comme une famille endeuillée se retrouve aujourd’hui autour du cercueil de quatre de ses enfants.

Elle veillera sur leur souvenir.

Elle sera digne de leur mémoire.

Vive la République !

Vive la France !