Les images de la colère mélenchoniste sont désormais connues, et même devenues célèbres. Elles portent naturellement une part de la vérité – personnelle et politique – de Jean-Luc Mélenchon. Que nous disent ces images ?
Elles nous donnent à voire de la tonitruance. Une colère, et une forme de violence. Une véhémence en tout cas, et de l’outrecuidance aussi : « C’est MOI, la République » ?!?… Fallait oser, il l’a fait !
Mais ces images – et la réalité d’une entrave faite à une perquisition de Justice, qui a mis hors de lui le « lider maximo » de LFI au siège de ce parti – renvoient à des mots, prononcés, écrits, répétés et assumés par ce dirigeant qui a misé, depuis des années, sur un populisme « éruptif », celui de la provocation par le conflit, et la fameuse « polarisation ».
Une tactique propre aux mouvements radicaux, et où la formation personnelle de Mélenchon – qui est passé par le trotskisme aussi – a évidemment son importance, c’est même une clé d’explication (et de compréhension) du personnage. Dont on voit la trace, le fil très rouge pourrait-on dire, dans son livre « Et ainsi de suite. Un procès politique en France » (Plon), qui dit beaucoup bien sûr du personnage et de sa stratégie du conflit à l’oeuvre.
Pour Public Sénat, j’ai fait une recherche sur les nombreuses références à cette stratégie et j’ai trouvé notamment ces mots, très éclairants dans le contexte actuels. Le 7 oct 2012, le « lider maximo » évoquait « la voie révolutionnaire » qu’il faudrait emprunter en France, et la leçon qu’il a reçu de Chavez (« tchavèz » prononce-t-il à la vénézuélienne) :
« 1/ Transformer un peuple révolté, en peuple révolutionnaire… ce qui n’est pas la même chose », dit-il des années avant la séquence #GiletsJaunes. « 2/ Créer un parti de la Révolution ». Et d’ajouter ce passage clé, d’actualité: « La conquête de l’hégémonie politique a UN préalable : Il faut TOUT CONFLICTUALISER ! », lance-t-il à la tribune, oui « TOUT CONFLICTUALISER !!! » répète-t-il pour encore mieux faire entendre sa consigne.
Un livre pamphlet, truffé d’outrances, de caricatures même…
Alors, dans ce livre sorti pour le procès qu’on connait (sur les assistants parlementaires et le financement de sa campagne présidentielle de 2017), livre pamphlet conçu en fait pour faire une rentrée tonitruante sur la posture victimaire, les références au conflit ne sont pas nombreuses… elles sont permanentes, quasiment sur 180 pages, écrites au vitriol !
Pour tenter de faire croire en un grand « complot », « procès politique » mené par le pouvoir et, dit-il, ses affliliés, juges et médias forcément serviles, amalgamés dans un ensemble à combattre bien sûr… au nom du peuple que lui, seul contre tous, défend naturellement… On connaît la chanson, et le livre est truffé d’outrances et caricatures même, comme celles-ci:
« La France ressemble à Hong Kong » (p 17); « on passe de la justice individualisée à la justice d’exception » (même page) ; « Est-ce encore un Etat de droit que la Macronie ? » (p 14) ; « J’ai l’honneur d’être parmi les trois premiers députés Insoumis, inculpés politiques depuis la guerre d’Algérie !» (p 25); « La haine de caste dont j’ai été accablé annonçait celle qui allait se déchaîner contre les Gilets Jaunes… » (p 86). Autant de propos nuancés donc… qui cherchent à faire croire en ce « grand procès politique » dont il veut être LA victime iconique !
Est-ce que ça va marcher ? Pas sûr, tant la ficelle paraît énorme et grossière. Même si une part – pas majoritaire du tout mais non négligeable – croit ou veut croire aux thèses des manipulations et complots en tous genres…
Est-ce que ça va convaincre les juges, arc-boutés, eux, sur des faits et non des incantations ? On a comme l’impression que tout cela a pu les froisser – c’est bien sûr un peu du mépris que prétendre qu’on est manipulé… – voir les braquer.
Une chose est gagnée, en revanche, par Mélenchon ; et on se demande si ce n’est pas son premier objectif : présenter son parti LFI comme une bastille assiégée (par toute une série d’adversaires, dont policiers et magistrats…), c’est aussi FAIRE BLOC en interne, et… faire silence dans les rangs !
Or, on sait qu’après la grosse déconvenue des élections européennes (6% des voix en juin 2019)… le leadership de Mélenchon pour la présidentielle de 2022 commençait à être contesté, très interrogé en tout cas…
Avec ce procès, le « lider maximo » a donc trouvé un bon moyen – aussi – de faire taire toute contestation interne : le vacarme populiste est une fuite en avant qui a aussi des mécanismes… disons moins idéalistes que pratiques, pour un leader qui a besoin de rester en selle.
Jean-Philippe MOINET, auteur, chroniqueur (notamment pour Le HuffPost) est fondateur et directeur de La Revue Civique. Il intervient en débat et analyses pour divers médias TV (dont BFMTV et LCI), il est membre du « club » de chroniqueurs par exemple de Public-Sénat.
– Le site de la chaîne Public-Sénat avec des replays
Et ici, le lien vers une vidéo #BFMTV, dans laquelle Jean-Philippe MOINET intervient, en plateau débat sur le procès Mélenchon (alors en cours): et où le « lider maximo » des « Insoumis » joue – surjoue – la stratégie du complot politique contre lui. Le lien vers ce direct ,où le directeur de La Revue Civique est aussi en présence notamment du chef du service investigation de L’Express, Laurent Léger, et la chef du service politique de BFMTV, Camille Langlade.
(septembre 2019)