Mère d’Imad, soldat français qui figurait parmi les victimes de Mohammed Merah en mars 2012, Latifa Ibn Ziaten porte une parole forte : avant les attentats qui ont frappé à Paris, en présence de la Revue Civique, elle était (le 9/12/14) à l’Université inter-âges de Versailles pour une conférence intitulée « Vivre ensemble à l’heure des conflits ». Dans une salle bondée, elle a pris la parole aux côtés de Samuel Sandler – dont le fils et deux petits enfants sont aussi tombés sous les balles de Merah – et de Hayet El Yamani, ingénieure élevée dans la bi-culturalité. Un témoignage émouvant qui incite au courage et à développer la réflexion, notamment sur l’importance de l’éducation « à la maison », dit-elle.
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Latifa Ibn Ziaten a transformé la tristesse de la perte de son fils en une force, malgré sa souffrance. Lors de la conférence, elle raconte son choc lorsqu’un jeune du quartier de Merah, qu’elle avait décidé de visiter, lui a déclaré que s’il avait su que son fils était musulman il ne l’aurait pas tué. « Musulman ou pas, personne ne prend la vie de quelqu’un », s’insurge Latifa: « on est tous pareils, il n’y a pas de différence ».
Au sein de «l’Association Imad Ibn Ziaten pour la Jeunesse et la Paix », créée en mémoire de son fils à qui elle a dédié son livre «Mort pour la France» (Éditions Flammarion), elle œuvre aujourd’hui pour le vivre ensemble, la paix, la tolérance et le respect, la lutte contre le fanatisme et toutes formes d’extrémisme. Et pour cette femme, il n’y a pas de secret, tout passe par la famille : « l’éducation doit démarrer à la maison, l’école ça commence à la maison ».
« Si on ne fait pas une partie nous-mêmes,
le prof n’y arrivera pas… »
Latifa Ibn Ziaten a ainsi rappelé le rôle indispensable des parents, en amont de l’éducation à l’école. « Chaque mère, chaque père est responsable de son enfant, personne ne peut éduquer ses enfants à part eux », explique t-elle. Une éducation qui passe par un travail complémentaire des parents avec le professeur, car selon cette femme « à l’école le prof fait tout son possible, mais si on ne fait pas une partie nous-mêmes, le prof n’y arrivera pas ».
L’importance de la présence des parents auprès de leurs enfants et leur vigilance concernant des comportements révélateurs d’un chemin pouvant amener à l’extrémisme ont également parmi les sujets été évoqués. Car Latifa souhaite tendre la main à ceux qui pourraient basculer. « Je veux aider ceux qui m’ont fait du mal », a-t-elle expliqué, en référence aux jeunes candidats à la radicalisation et à un djihad illusoire, synonyme à la fois d’échappatoire et de terrorisme.
Une « secte » de l’intolérance
Des jeunes, elle a rencontré de trés nombreux, « cité par cité, quartier par quartier »; elle explique la perdition de certains par plusieurs facteurs : l’échec scolaire, la vie dans des cités fermées, des parents qui ont baissé les bras et le sentiment d’un rejet de la société.
Mal-aimés, sans perspective d’avenir, certains se tournent alors vers une religion métamorphosée. Un islamisme concrétisé par le djihad, qui prend des allures de « secte » de l’intolérance, et que Latifa Ibn Ziaten s’attache désormais à combattre. « Il y a des jeunes qui manquent d’amour, de dialogue, d’une structure familiale », décrit-elle, « et tout de suite il y a quelqu’un d’autre qui les récupère pour combler ce vide ». « On doit dialoguer avec nos enfants » répète t-elle, inlassablement, elle qui a perdu son fils: « si on voit qu’un enfant a des problèmes, on ne doit pas fermer les yeux ». Un rappel aux parents qui ne devrait pas rester sans écho.
Emilie GOUGACHE
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