L’imbroglio politique autrichien n’est pas fini…

En Autriche, après une élection palpitante, Alexander Van Der Bellen (soutenu par les Verts) a battu de justesse son adversaire d’extrême droite, Norbert Hofer (du Parti de la liberté d’Autriche ou FPÖ), devenant ainsi le nouveau Président du pays avec 50,3% des voix (contre 49,7% à son adversaire). Le directeur et co-fondateur de VoteWatch Europe, Doru Peter Frantescu, sous l’égide du Centre for European Policy Studies (CEPS) et de l’European Policy Institutes Network (EPIN), a publié l’analyse « Austria’s thrilling elections will have far-reaching impact on political developments in the EU», où il examine les conséquences de cette élection à moyen terme pour la politique autrichienne et européenne.

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Le premier constat à faire, estime l’auteur du document, est que le candidat écologiste n’a réussi à gagner que grâce aux votes postaux comptés le jour même après la clôture du scrutin, alors que l’antieuropéen Hofer était en tête par quelques 144.000 votes le soir précédent. Un tel dénouement, avertit Frantescu, est susceptible d’avoir des implications à moyen terme pour la politique autrichienne, en vue des prochaines élections législatives qui se tiendront au plus tard en 2018, et aussi pour la politique européenne, en raison de l’effet d’appel au populisme dans d’autres nations du continent. Face à cette situation ambigüe, l’auteur préconise, pour les partis traditionnels, qu’ils agissent vite et de façon intelligente s’ils souhaitent éviter une vraie consolidation de l’extrême droite en Autriche lors des prochaines élections.

Ce qui peut expliquer en partie la montée de l’extrême droite en Autriche, affirme Doru Peter Frantescu, est que, dans ce pays alpin, on trouve la plus féroce opposition au partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP). Il est selon lui prévisible que la pression sur le gouvernement va encore augmenter sur cette question et sur les enjeux migratoires, qui sont les deux axes du discours extrémiste. En termes pratiques, cela signifie que le gouvernement autrichien acceptera difficilement d’approuver l’accord commercial par crainte de perdre encore du terrain face au FPÖ. Sur la question migratoire, l’exécutif précédent, avec Faymann, avait déjà menacé de prendre des mesures drastiques pour endiguer l’afflux de réfugiés à la frontière italienne. Cependant, étant lui-même fils de réfugiés, le Président Der Bellen s’opposera sans doute à l’imposition de quotas trop restrictifs sur le nombre de réfugiés à accueillir.

Même si pour l’instant le pays a échappé à un Président issu de l’extrême droite, le futur proche, semble moins certain, selon Fratescu : le FPÖ est actuellement en tête, avec une nette avance dans les sondages, en perspective des prochaines élections législatives et si un tel résultat se produisait la participation du FPÖ dans un nouveau gouvernement ne serait pas à sous-estimer. Or, le nouveau Président a affirmé à plusieurs reprises qu’il n’acceptera jamais un gouvernement composé avec des membres du FPÖ. Tout cela conduirait donc à une crise politique, dont les conséquences se feraient sentir bien au-delà des frontières de l’Autriche, avertit l’auteur. D’autant plus que le débat sur le Brexit pourrait aussi déclencher un enthousiasme démesuré dont d’autres partis d’extrême-droite ou eurosceptiques, en pleine croissance partout en Europe, pourrait profiter. Francescu cite comme exemple le rôle que jouera la rhétorique politique du Front National français aux prochaines élections présidentielles ou la menace croissance d’Alternative für Deustchland en Allemagne. Faut-il encore attendre d’autres signaux alarmants, pour mener à l’action convaincante les partis de gouvernement en Europe ?

Rafael Guillermo LÓPEZ JUÁREZ

(juin 2016)

Pour aller plus loin :

Les élections en Autriche auront un grand impact sur le développement politique de l’UE, 25 mai 2016, par Doru Peter FRANTESCU, de l’European Policy Institutes Network (en anglais)