HCR : l’Europe n’est pas la première destination des réfugiées

Depuis la tragédie d’octobre 2013 à Lampedusa, les questions migratoires et l’afflux de réfugiés vers l’Europe sont  au cœur des débats et des préoccupations.

Le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) du Ministère des Affaires étrangères et le Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences  Po ont constitué, en juillet 2015, un groupe de réflexion autour de Vincent Cochetel, directeur du bureau pour l’Europe du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) sur la question de la politique d’asile en Europe. Une réflexion dont a fait état la Fondation Robert Schuman dans l’édition de septembre de sa newsletter.

Selon le directeur du bureau Europe du HCR, Vincent Cochetel, si le nombre de personnes déplacées dans le monde est en augmentation croissante depuis 2010, l’Europe ne constitue pas pour autant leur destination prioritaire. De plus, l’afflux de réfugiés et de migrants sur le sol européen serait un phénomène tout à fait gérable d’un point de vue quantitatif, notamment au regard des crises migratoires auxquelles l’Europe a dû faire face par le passé alors qu’il n’existait aucune politique européenne commune.

L’harmonisation européenne à la peine

L’origine de la crise se situerait par conséquent sur un autre plan et tiendrait davantage notamment à la difficile harmonisation des politiques d’asile des Etats membres de l’Union européenne. Chaque pays construit « sa » politique « individuellement » et œuvre pour ses intérêts propres. La pensée européenne peine particulièrement à se constituer en matière de droit d’asile (comme dans d’autres domaines).

La Grèce, la Bulgarie – et dernièrement la Hongrie – ont érigé des murs empêchant le passage de la frontière.

Chaque pays, de par sa position géographique, son histoire, son passé colonial, sa politique sociale ou sa politique d’accueil des demandeurs d’asile, est confronté à des réalités différentes et des afflux d’intensité variable, qui freinent cette harmonisation au niveau européen. En Italie, les arrivants sont majoritairement des migrants économiques tandis qu’en Grèce, en ligne droite de la Syrie via la Turquie, il s’agit principalement de réfugiés nécessitant une protection internationale.

Une majorité d’Etats membres ne se sent pas concernée par les problèmes migratoires. Les Etats du Sud réclament pour leur part un rééquilibrage du règlement de Dublin, selon lequel la responsabilité de l’accueil incombe au premier pays d’entrée en Europe. Selon Vincent Cochetel, cette disparité entre Etats, si elle n’est pas atténuée par une implication pleine et entière de l’Europe, risque à terme de favoriser un retour général aux politiques nationales et de contrôle aux frontières.

Ce positionnement est d’autant plus important que l’Europe doit se poser en modèle vis-à-vis des pays tiers (d’origine ou de transit), si elle souhaite développer avec eux des programmes de coopération visant à décourager les départs (à travers des programmes actifs d’éducation dans les camps de réfugiés notamment), si l’Europe souhaite diffuser des signaux d’unité et de bonne volonté afin de faciliter les négociations avec ces pays tiers et encourager l’implication de chacun.

L.S.

Source : Fondation Robert Schuman 

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