Olivier Poivre d’Arvor, une certaine idée de l’attractivité de la France

(Ci-dessus, Olivier Poivre d’Arvor : l’ancien Directeur de France Culture, Ambassadeur pour l’attractivité de la France, invité d’un petit déjeuner du club Viavoice ; ici, en compagnie du journaliste Gérard Leclerc -à droite- et de Jean-Philippe Moinet, fondateur de la Revue Civique; photos Laurent Semmel)

Olivier Poivre d’Arvor, Ambassadeur en charge l’attractivité de la France, invité d’un petit déjeuner du club Viavoice (fév 16), s’est confié sur son parcours et exposé le sens de sa mission. Interrogé sur ses étapes de vie, riches et variées, il a commenté : « les vies ne sont jamais linéaires… ». L’une de ses confidences a concerné son enfance, « terrible », vécue à Reims en « reclus » (cf. plus loin, ci-dessous).  Philosophe de formation, cet homme de Culture devenu diplomate a connu de nombreux chemins d’évasion, dans sa vie d’adulte : il a notamment été directeur de centres culturels français, à Alexandrie et à Prague, directeur de l’institut français du Royaume-Uni et conseiller culturel auprès de l’Ambassade de France à Londres.  La puissance culturelle de la France a, selon lui, de formidables potentiels. Et « que certains hommes politiques français mésestiment la culture, c’est aussi invraisemblable que voir les qataris négliger le pétrole !»

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Olivier Poivre d’Arvor, qui a aussi dirigé pendant cinq ans France Culture, auteur de romans, souligne qu’il « croit en la culture car elle n’est pas seulement une ressource économique, elle est aussi un lien social, une source de bien-être personnel et un instrument pour comprendre les autres, pour être bien avec eux ».

Interrogé sur les étapes clés de son parcours personnel, il en évoque deux. Le premier est un souvenir d’enfant, il avait 12 ans, quand sa mère l’a emmené à la cathédrale de Reims pour écouter un concert d’orgue. Choc d’émotion et d’ouverture, se  souvient-il, « moment de partage et de vérité ». Il a alors compris à quoi servait la culture : le bonheur de partager une émotion avec les autres.  Et de s’évader.

Autre moment-clé de son expérience personnelle, l’engagement pour la cause des enfants « oubliés ». Olivier Poivre d’Arvor a adopté une petite fille togolaise et s’attarde sur l’un des drames, souvent oublié : près de 30 millions d’enfants dans le monde sont sans état civil car leurs parents ne les enregistrent pas, parfois en raison de l’éloignement géographique, souvent à cause du coût de la démarche. Le résultat est calamiteux : des enfants « qui n’existent pas », qui ne pourront pas être scolarisés, qui ne seront pas soignés dans le cadre d’un régime de protection sociale, qui n’auront ensuite pas le droit de vote, qui ne disposeront pas de passeport et donc pas la possibilité de voyager. Pour sensibiliser à cette cause, et faciliter les démarches d’état civil pour ces millions d’enfants sans reconnaissance, Olivier Poivre d’Arvor s’engage et promeut une association, « Les papiers des enfants », en cours de constitution.

Croiser deux dynamiques

Concernant sa mission d’Ambassadeur chargé de l’attractivité culturelle de la France, il explique que son objectif est de croiser une dynamique économique, que la culture peut contribuer à relancer, et une « dynamique de connaissance », en lien avec les grandes écoles, les universités et les acteurs du tourisme :  la France accueille plus de touristes qu’elle n’a d’habitants, elle constitue la première destination au monde, avec plus de 85 millions d’étrangers qui viennent chaque année dans notre pays. Dans le cadre de sa mission, le Ministère des Affaires étrangères espère que ce chiffre atteindra les 100 millions en 2020, notamment grâce à l’intérêt croissant que notre pays suscite chez les asiatiques.

Contrairement aux conceptions parfois véhiculées en France, en réalité, explique Oliver Poivre d’Arvor, la France est bien placée pour l’accueil des étudiants étrangers : il est en troisième position, après les États-Unis et le Royaume-Uni, ce qui fait de la France la première destination académique non-anglophone. Preuve est ainsi faite, ajoute-t-il, malgré les idées préconçues, de la qualité de l’enseignement supérieur français. Un atout d’attractivité pour les jeunes qu’il faudra savoir valoriser encore davantage, à l’avenir.

Olivier Poivre d’Arvor en dialogue, notamment avec le rédacteur en chef de La Croix, François Ernenwein

Olivier Poivre d’Arvor en dialogue, notamment avec le rédacteur en chef de La Croix, François Ernenwein

La France est aussi l’un des pays les plus riches du monde en termes de patrimoine – le château de Versailles  est ainsi l’un des monuments les plus visités au monde -, ou de création culturelle – avec par exemple le festival de Cannes, véritable vitrine de la culture française, qui lui permet de rayonner dans le monde entier. Dans cette France des sites et des festivals, « des caves aux greniers », souligne  Olivier Poivre d’Arvor,« l’enjeu d’avenir est celui de la rénovation et de l’innovation », en faisant notamment éclater les frontières étroites des disciplines, en reliant traditions et modernité, vie des territoires et vie artistique. D’où l’idée de « Grand Tour » qui, de la Cité du vin de Bordeaux, au festival d’Angoulême de la BD en passant par Arles et la photographie ou Marseille avec la Villa Méditerranée, vise à promouvoir une idée ouverte et conquérante de la Culture (cf. en bas d’article la présentation du « Grand Tour », porté par le Ministère des Affaires étrangères et du Développement international).  Olivier Poivre d’Arvor l’a souligné : la richesse et la créativité sont permanentes, il faut juste s’attacher encore davantage à les promouvoir à l’étranger, sachant que ces événements ou projets sont aussi des leviers salutaires pour l’économie.

La stratégie d’avenir du Ministère, explique-t-il par ailleurs, vise particulièrement les publics des pays les plus peuplés, comme la Chine, l’Inde, la Corée, la Russie ou le Brésil, mais aussi les touristes des pays voisins européens (Grande Bretagne, Allemagne, Espagne, Italie…)

Concluant sur les visionnaires, Olivier Poivre d’Arvor a laissé deux idées pour le débat et la réflexion. Primo, le développement de l’attractivité de la France passe par la langue française. Comment prendre soin d’elle, la faire évoluer et la promouvoir pour, à travers elle, faire connaitre notre culture, ses beautés, nous-mêmes ? Une question à mettre au centre du débat culturel porté par les institutions. En ce domaine, le rôle des instituts français est moteur : ils diffusent la langue et peuvent organiser de nombreux évènements destinés aussi à attirer les publics des pays où ils sont situés. Il y a aujourd’hui plus de 200 millions de francophones dans le monde et, selon toutes les prévisions, ce chiffre sera en forte expansion d’ici 20 ans. Le moment est donc venu de valoriser cette communauté francophone.

Secondo, la France doit devenir l’un des vecteurs de la culture européenne. Il est essentiel d’établir de nouveaux liens, en particulier dans le domaine culturel, avec nos voisins européens, créer une plate-forme commune d’échanges et de créations, tels que des centres culturels européens dans chaque capitale européenne : un bon moyen de promouvoir une vision européenne de la Culture, où la France serait un lien, actif et attractif, entre les différentes cultures de notre continent. Même si les replis nationalistes menacent, le dernier mot de l’audacieux Olivier Poivre d’Arvor reste optimiste : « vivent les visionnaires ! ».

Bruno CAMMALLERI et Rafael Guillermo LÓPEZ JUÁREZ

Photos : Laurent SEMMEL

(mars 2016)

Les quatre clés pour renforcer l’attractivité culturelle de la France