Attali : ses 7 leçons (spontanées) du scrutin présidentiel

Jacques Attali

Sous le titre « Joies, inquiétudes, défis et mea culpa », l’essayiste Jacques Attali, Président de la Fondation Positive Planet, énonçait sur son espace LinkedIn, au soir du 2d tour de l’élection présidentielle, « sept leçons sur l’importance de choses dont je ne mesurais pas assez la gravité, et qu’il ne faudra pas oublier, en particulier pour les élections législatives à venir ». Dont : 1/ « Le pays va très mal »… 2/ « Le pays souffre terriblement »… 3 / « Le pays est divisé »… 4/ « Les corps intermédiaires sont en miettes »…

► Le court texte de Jacques Attali, publié le soir de l’élection présidentielle :

Au-delà de l’immensité de la joie que je ressens ce soir, et des immenses enjeux qui attendent le nouveau président, j’aimerai, à chaud, tirer sept leçons de cette campagne présidentielle.

Sept leçons sur l’importance de choses dont je ne mesurais pas assez la gravité, et qu’il ne faudra pas oublier, en particulier pour les élections législatives à venir.

  1. Le pays va très mal : la misère y est énorme, la précarité gigantesque, la méritocratie est en panne. Nous en avons eu dans cette campagne des démonstrations innombrables, bien au-delà des statistiques sur le chômage et la pauvreté.
  2. Le pays souffre terriblement : bien des gens s’angoissent de cette misère, même s’ils ne la vivent pas eux-mêmes. Parce qu’ils la craignent pour eux-mêmes pour plus tard, ou pour leurs enfants, ou parce qu’ils ne peuvent pas tolérer de vivre dans un pays où tant de misère existe.
  3. Le pays est divisé très profondément entre ceux qui pensent que l’avenir peut être meilleur et ceux qui pensent que seul le retour au passé peut sauver notre identité. Entre ceux qui pensent que le scandale c’est la richesse, et ceux qui pensent que le scandale c’est la pauvreté. Il ne faudrait pas en venir à considérer le succès comme suspect et la réussite comme malsaine.
  4. Les corps intermédiaires sont en miette. La conscience éthique du pays n’existe plus. Tous les principes qui nous unissaient sont remis en cause. Les partis politiques existants depuis un siècle se sont effondrés, face à trois partis qui n’existent que par le talent d’une personnalité.
  5. Les médias sociaux sont le lieu de la violence libérée. Et même si elle est anonyme, elle dit une vérité : quand on est faible, il faut crier, insulter même pour se faire entendre. Sans doute faudra-t-il cependant compléter les mécanismes existants, pour faire disparaître au plus vite, dans le respect de la démocratie, tous les mensonges et diffamations que les réseaux sociaux véhiculent aujourd’hui trop souvent.
  6. Toute parole doit être pesée en fonction de cette situation, et de tous ceux qui peuvent l’écouter, même hors de son contexte ; et même de ceux qui peuvent, de mauvaise foi, la caricaturer. (Et cela vaut aussi pour ce que j’aurai pu dire, blessant involontairement ceux qui auraient mal interprété tel ou tel de mes propos).
  7. L’avenir serait sombre, si nous n’avions pas vu aussi, à cette occasion, surgir une relève de la classe politique en place, par des jeunes de tout horizon, de toutes convictions, dont nous verrons bientôt l’expression première dans les prochaines élections législatives, dans tous les partis, et en particulier dans celui du nouveau président.

Si l’on sait tous tirer ces leçons, et quelques autres, non seulement Emmanuel Macron aura les moyens de rassembler le pays, pour affronter les enjeux de l’avenir, mais nous pourrons tous ensemble redonner du sens à la si belle et si précieuse démocratie française.

Jacques Attali, Président de la Fondation Positive Planet

(07/05/17)