Législatives: « des misères d’une campagne électorale ». Par l’historien Marc Knobel

Tribune ici de l’historien et essayiste Marc Knobel qui s’inquiète de la faible qualité de la campagne des élections législatives.

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Je n’ai jamais vu une campagne aussi chaotique. Était-on seulement en campagne, d’ailleurs ? A-t-on vu des débats faire porter la contradiction autour de valeurs, autour de segments forts, autour de programmes politiques cohérents ? Ou bien n’avons-nous vu qu’une caricature de la politique ?

D’un côté, l’autoritarisme forcené d’un pseudo premier ministre autoproclamé qui vend son illustre personne comme on vendrait des camemberts. Sûr de son fait, sûr de sa victoire, sûr de sa grandeur, sûr de son dévouement, sûr de sa force et avec une dose certaine de mégalomanie, le tribun se voit déjà changeant le monde, balayant et pas seulement du revers de la main, le capitalisme pour imaginer une autre République. Une sixième de quelque chose qui ressemblerait plus à ce que l’on fait au Venezuela que ce que l’on ferait en France, ordinairement. Avec une incroyable brutalité, il est sûr de son fait et de sa bouche sort des mitrailles.

« Si la Nupes est la gauche, qu’est devenu la gauche ?… »

Et ces petits pions malins ou qui croient l’être et qui troquent et sans état d’âme quelques valeurs pour quelques strapontins électoraux. Un parti socialiste moribond qui perd ses couleurs, la rose, la tige et dont il ne reste que quelques épines, pour nous faire croire que la NUPES, c’est la gauche. Mais, si la NUPES, c’est la gauche, qu’est devenue la gauche ?  Celle qui ne vendait pas ses principes pour se soumettre à quelques démagogues ? Celle qui était pro-européenne, celle qui n’aurait jamais voulu composer avec Poutine ? Celle qui savait encore ce qu’elle était et ne devrait pas être. Les nouveaux « zombies » de l’ancienne gauche avancent et vont se fracasser sur un mur, celui de la soumission à l’insoumission. Le parti socialiste n’est plus qu’une caricature qui prépare son enterrement de première classe, sans fleurs, ni couronnes.

De l’autre côté, Marine Le Pen qui rabâche sa France et son identité et qui proclame à la face du monde, la misère et le désespoir comme on proclamait un slogan publicitaire. Elle flirte avec le peuple et populisme aidant, flatte le peuple. Mais, cette énième d’une famille d’un jeu -comme celui des sept familles- et qui comprend le père, les sœurs, les tantes, la nièce… fatigue. Un brin démagogue mais n’oubliant jamais de se lifter comme on se ferait une beauté, elle n’oublie pas de vendre au supermarché, tous les produits de l’extrême-droite, sans la moindre réduction et avec cette conviction de l’opportuniste et de la démagogue.

Et puis, il y a ce chevalier qui rêve de la France d’avant, se voit en Jeanne d’arc boutant l’étranger et l’immigré ou l’anglais, mais surtout les musulmans. Il nous parle quelquefois du Maréchal plutôt que de la bohème et de Maurras ou de Barrès. Son Panthéon sent la vieille garde, sent la poussière et suinte de toutes les peurs et les angoisses de celles et ceux qui rêvent d’une France éternelle et fantasmée. Ah, si seulement Napoléon était là ? Il en coûterait au grand remplacement. En tout cas, le voilà qui moufte. Il est vrai que la scène politique, ce n’est pas un jeu.

« Nous pleurons déjà la politique, avec un grand P »

Il y aussi cette droite républicaine, qui s’est faite bouffée. D’avant, il ne reste que quelques souvenirs, un brin de mélancolie, un chouia de grandeur gaulliste. Comment s’opposer à celles et ceux qui l’ont déserté, préférant la copie à l’original ? Même Sarkozy a délaissé cette malheureuse candidate à la présidentielle pour un silence assourdissant et une obole de 2000 euros.

Enfin, il y a, au zénith, Jupiter.  Réélu mais probablement parce qu’il avait en face de lui, l’épouvantail de l’extrême droite. Le voilà qui annonce fièrement les grandes réformes qui vont épuiser et faire rager la classe ouvrière et les « sans-dents ». Entend-il le mécontentement qui enfle dans notre pays ? Comprend-il que son quinquennat sera probablement le plus dur que nous n’aurons connu ces dernières années ?

Nos politiques s’étripent dans les limbes et les tréfonds de notre ancienne grandeur et de cette campagne électorale, dont il ne reste que les excès, l’arrogance ou la violence, nous pleurons déjà la politique, avec un grand P et l’abstention record.

Marc KNOBEL, historien, essayiste.

(15/06/22)

-La tribune de JP Moinet qui en appelle dans La Croix à une profonde rénovation démocratique