Jean-Daniel Lévy : «le civisme, attente actuelle… »

En préambule à l’analyse de Jean-Daniel Lévy, voici les principaux enseignements que l’on peut tirer de l’enquête menée par l’institut Harris Interactive(1):

 

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Analyse d’un spécialiste des sondages

J-D Lévy : «le civisme, attente actuelle… »

Pour ce responsable d’Harris Interactive, «les aspirations touchant la société française sont certes, plus que par le passé, teinté d’individualisme. Pour autant, la notion de bien commun – ou de vivre ensemble – ne doivent pas être considérées comme absentes de représentations». Jean-Daniel Lévy estime même qu’ «aujourd’hui, les Français privilégient nettement la création de nouvelles obligations civiques à l’attribution de nouveaux droits». Extraits d’une analyse qui ne pouvait être développée que dans la Revue Civique !
Revanche ou justice sociale ? Comment qualifier les attentes des Français ? On le sait, les Français ont une propension à mobiliser en toutes circonstances l’Egalité. De notre triptyque, le deuxième terme qualifiant notre pays constitue sans doute le plus vibrant pour nos concitoyens. Lorsqu’elles inscrivent en trame de fond l’Egalité, les mobilisations sociales recueillent un soutien ou, à tout le moins, une forte sympathie de la part des Français. En tout cas, à partir du moment où celles-ci inscrivent comme objectif la défense des intérêts de l’ensemble et non la sauvegarde d’acquis particuliers ou corporatistes. Ces manifestations, objectivement moins nombreuses qu’il y a quelques années, suscitent toujours surprise et étonnement de la part des observateurs étrangers.
Cette surprise peut être réactivée lorsque l’on remarque une relative clémence des Français à l’égard des salariés séquestrant leurs patrons ou encore lorsqu’ils s’affirment favorables à une forte taxation des personnes disposant de revenus dépassant les 4000€, au maintien ou même l’alourdissement de l’ISF… Et l’image d’une France révolutionnaire prompte à « faire la peau » aux riches pourrait qualifier notre pays au seul regard des indicateurs. Les études d’opinion permettent, à certains égards, d’affiner cette analyse.
Harris Interactive a, récemment, réalisé une enquête pour Tilder et l’Institut Montaigne, dans le cadre de l’émission « Face aux idées », rendez-vous mensuel de la Chaîne Parlementaire, LCP (1). On remarquera que les citoyens, dans cette étude, ne s’inscrivent pas nécessairement dans une forme de revanche sociale. Ainsi, alors même qu’il est fréquemment question dans les médias du salaire des patrons, des décalages de rémunération entre le haut et le bas de l’échelle sociale d’une même entreprise, les Français privilégient non pas la création d’un salaire maximum mais bien l’augmentation du salaire minimum. Tout se passe comme si l’on souhaitait avant tout voir son salaire augmenter et non forcément celui des dirigeants d’entreprise réduit.

                «Vivre une forme de sérénité »

Ajoutons que, dans cette enquête, les élus, pourtant fortement brocardés, échappent à un regard critique en ce qui concerne le montant de leurs rémunérations ou indemnisations. Les Français les invitant à plus se concentrer sur une mission (en limitant les possibilités de cumul des mandats) qu’à la transparence de leur rémunération. Ce ne serait donc pas tant « l’autre » qui susciterait critique mais plus soi qui serait interrogé. Et les aspirations touchant la société française sont certes, plus que par le passé, teinté d’individualisme. Pour autant la notion de bien commun – ou de vivre ensemble – ne doivent être considérées comme absentes de représentations.
A cet égard le regard à l’égard de la jeunesse, des jeunesses, est éloquent. Rappelons déjà, qu’à l’automne 2005, à l’issue de ce qui a été qualifié de violences urbaines, les Français privilégiaient un peu plus les mesures permettant d’améliorer le lien social (aide aux associations, développement des Services Publics dans les « quartiers ») que la mise en place d’un couvre-feu. Aujourd’hui, Les Français privilégient nettement la création de nouvelles obligations civiques à l’attribution de nouveaux droits.
On le voit ainsi, de manière transversale que ce qui a trait d’une manière générale au civisme l’emporte sur la dénonciation. La société française souhaite vivre en elle-même dans une forme de sérénité. On le voit nettement à travers cette enquête. On le perçoit de manière nette au cours de la période récente. Peut-être, probablement même, parce qu’il existe aux yeux des Français une forme de singularité de notre pays. Et que la France dispose d’un modèle social, de valeurs, qui la sous-tend et qu’il apparait aux yeux des Français essentiel de préserver. La France, dans sa globalité, dispose d’une forme d’identité nationale. Et ce qui pourrait entrainer une baisse de la puissance de notre pays, ou ce qui pourrait participer d’une baisse de notre présence à l’international, pourrait entrainer des conséquences préjudiciables à notre modèle social…
Jean-Daniel Lévy, Directeur du département Politique-Opinion de Harris Interactive France.
 

(in La Revue CiviqueN°6, automne 2011)

(1): Enquête réalisée en ligne par l’institut Harris Interactive les 30 et 31 mai 2011. Echantillon de 1002 individus issus de l’access panel Harris Interactive, représentatifs de la population française âgée de 18 ans et plus. Méthode des quotas et redressement appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région d’habitation de l’interviewé(e).

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