Elie Wiesel nous parlait de la mort et de « l’indifférence à combattre »…

Elie Wiesel

De passage à Paris à l’occasion de la parution de son livre, « Cœur ouvert », paru après une alerte cardiaque (Flammarion; 2011), le Prix Nobel de la Paix Elie Wiesel se confiait à Jean-Philippe Moinet, pour la Revue Civique, sur trois thèmes : la mort, l’indifférence et la Syrie. Voici ses quelques mots, pour simplement lui rendre hommage, lui qui a passé sa vie à combattre le fanatisme et l’intolérance. 

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  • La mort

« Jusqu’à présent, pour moi, la mort était d’abord la mort de l’autre. Très jeune j’avais vu de face, avec effroi et de très près, la mort dans les camps nazis. La Shoah, c’était la mort sous mes yeux.
Dans ce que j’ai vécu l’été dernier (quand j’ai dû me faire hospitaliser en urgence), c’est ma mort à moi que j’ai rencontrée d’un seul coup,  la mort s’est approchée, je dirais qu’elle est venue en moi. Elle m’a affronté. Avec le sentiment que c’était ma dernière chance. Je me trouvais au bord du gouffre, et il fallait faire vite. J’étais dans cet instant critique où il fallait que la mort sorte de moi. Ce moment a été très spécial…
Dans ce livre, A cœur ouvert, plus que dans n’importe lequel de mes livres précédents, l’écriture se situe dans le sillage direct de La Nuit : ce n’est pas une suite mais une sorte de parallèle avec La Nuit. »

  • L’indifférence

« Pour le patient que j’étais, la personne la plus importante était naturellement le chirurgien ; pour toute l’équipe soignante, la personne la plus importante est le patient. Il n’y a pas, dans ce cas, d’indifférence.
Quand on projette un regard sur le monde, nous sommes dans une situation où, technologiquement, on ne peut plus vraiment être éloignés les uns des autres. En termes d’information, les situations les plus tragiques, les plus cruelles, sont connues. Et pour autant l’indifférence, dans une trop grande mesure, demeure. C’est un mystère.
On meurt encore trop de faim, de maladies, de violences dans le monde. Et comment ne pas voir le danger de l’indifférence ? Certains implorent Dieu face à l’indifférence, pour toucher le cœur des hommes. La simple raison pourrait suffire. Et pourtant, non. Comme je le dis souvent, le contraire de l’amour, ce n’est pas la haine c’est l’indifférence, le contraire de la justice, ce n’est pas l’injustice c’est encore l’indifférence. C’est l’indifférence qui tue, c’est l’indifférence qu’il faut combattre. »

  • La Syrie

« Ce qui me frappe, concernant la Syrie, c’est le retard qu’ont pris les protestations. Contre les massacres perpétrés contre la population syrienne, contre des enfants et des adolescents parfois, oui, il y a eu retard, grand retard… Il aurait fallu réagir beaucoup plus vite, avec une conviction et une énergie bien plus fortes. Le dirigeant syrien utilise la violence contre son peuple, c’est un dictateur qui fait honte à la politique, il fait honte à l’humanité. Il faut qu’il s’en aille. Je pense que cela va arriver, il ne peut pas rester comme cela avec son peuple, pris en otage autour de lui. Espérons que son départ soit le plus rapide possible.
Faut-il une intervention ? Je ne sais pas… J’observe que dans le cas de la Libye, il n’y avait pas autant de victimes dans la population civile. Pourquoi la communauté internationale attend dans le cas de la Syrie ? Je ne sais pas. Ce dictateur continue à tuer et à chaque fois que quelqu’un lève la tête pour défendre la liberté, il risque la mort. Cela est inacceptable. Pourquoi tant d’attente ? Au nom de la moralité la plus élémentaire, au nom de l’humanité la plus simple, il faudrait que ce pays soit libéré de ce dictateur sanguinaire. Je ne sais pas comment il faudrait faire, mais il faut espérer que cela arrive rapidement désormais. »

Elie WIESEL, Prix Nobel de la Paix
(in la Revue Civique N°7, Hiver 2011-2012)

Entretien d’Elie Wiesel pour la Revue Civique sur la question de l’otage

« Nous pleurons Elie Wiesel », par Michaël de Saint-Cheron

Elie Wiesel, Jean-Philippe Moinet et Franz-Olivier Giesbert, c'était en 1996. Mémoire vivante.

Elie Wiesel, Jean-Philippe Moinet et Franz-Olivier Giesbert, c’était en 1996. Mémoire vivante.