BILLET D'HUMEUR (ET D'HUMOUR)
C’est une histoire drôle qui vient du Figaro. Le fait est réel : la journaliste Anne Fulda a la peine de partager son bureau avec Eric Zemmour (et Ivan Rioufol). Il paraît que ça rigole beaucoup entre ces quatre murs de la rue Haussmann. De bonnes blagues, parfois très grasses. Et le plaisir du polémiste préféré de Marine Le Pen, d’avoir fait la « Une » et trois pages « événements » du journal Libération. Anne Fulda, en langage télégraphique des ex-Républiques soviétiques – « La Pravda » est en effet le nom de code désignant le Figaro pour la diaspora de ses dissidents exilés – vient de se démarquer drôlement de son collègue de bureau : elle précise, dans son dernier bloc note de la semaine, qu’elle n’est pas toujours d’accord, « loin de là », avec l’auteur du « Suicide Français » mais qu’elle regrette beaucoup « la hargne » dont il est actuellement la victime.
Pauvre Zemmour !… Quand il agresse les noirs et les arabes – et les femmes – c’est toujours lui la victime !? Mais le plus intéressant, en fait, dans le petit télégramme d’Anne Fulda c’est le bout de phrase : « loin de là ». Anne Fulda, qui en connaît un rayon en matière de goujaterie des mâles dominants, va « loin » dans le démarquage. Il se dit beaucoup d’ailleurs, dans le journal de feu Robert Hersant , que le Troll du net-FigMag-courant Minute, surnommé « Troll Zemmourzi » (comme paparrazi, qui planque et « shoote » avec éclat pour gagner de l’argent), est en train de polluer l’atmosphère au Figaro : ses saillies xéno-euro-islamo-négro-phobes, contenues autant dans son livre que dans ses séquences auto-promotionnelles, indisposent le « Figaro d’en bas ». Au point d’embarrasser la « Pravda d’en haut » qui, pourtant, a fait avaler beaucoup de couleuvres à son honorable rédaction.
Le Figaro se rappelle avoir été
le journal de Raymond Aron
Le déclencheur du gros malaise a été la « Une » du Figaro-Magazine, récemment réservée au «Troll Zemmourzi» pour lui permettre de lancer la promotion de son « suicide Français ». Ce n’est pas la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, la vague révolutionnaire anti-Zemmour étant encore bien modérée et très polie. Mais de plus en plus de journalistes du Figaro en ont plus qu’assez de voir l’impayable «Troll Zemmourzi» imposer sa trombine à la Une du magazine, et sa posture, vintage xénophobe, se servir du Figaro qui se rappelle heureusement quand même avoir été le journal de Raymon Aron. Alors, aujourd’hui, c’est un peu la honte, au Figaro, de voir le petit homme de la rubrique «insolence», très calculée, organiser sa carrière en utilisant le journal de Dassault comme confortable base arrière. Lui permettant d’envoyer, comme de misérables missiles, ses délires en encaissant au passage de lucratifs droits d’auteur. Pour un livre qui, dernière provocation marketing trouvée, en vient à réhabiliter Pétain en bouclier de la France qui, écrit-il, a épargné de la mort « des juifs français » ! Waouh… triste Zemmourzi qui ne sait plus où donner de la tête, nauséeuse et schizophrène. Et à quand le prochaine épisode, oui, à quand l’apologie d’Hitler, qui a quand même, ne l’oublions pas, remis les Allemands au travail ?!
Il se dit donc, dans les couloirs du Figaro, que le Troll Zemmourzi, plutôt que d’hystériser ce paisible journal, devrait prendre du repos, et la direction de l’hebdomadaire Minute, qui n’a pas vraiment trouvé de digne successeur, depuis le départ d’un autre xénophobe doctrinaire, Patrick Buisson. Les remous sont du même acabit, et serait même plus ample encore, à I-Télé où trône chaque semaine ce « polémiste » sulfureux, complice de l’antisémite Alain Soral qu’il aime citer en référence. Au point, parait-il, d’embarrasser au plus haut point le groupe Canal Plus, la racialisation du débat étant l’une des spécialités marketing de ce Troll goguenard, qui aime déborder Marine Le Pen… sur son extrême droite. Mais la loi de l’audimat est encore la plus forte, semble-t-il, pour cette chaîne, qui cherche à combler son retard dans la frénétique compétition qui l’oppose à BFM TV.
La folie mégalomaniaque
et xénophobe
Mais revenons à la fronde rentrée, et feutrée, du Figaro, qui mérite d’être contée, l’auteur de ces lignes ayant passé une douzaine d’années dans ce quotidien, sous la direction de Franz-Olivier Giesbert qui avait une toute autre éthique journalistique. Dans les années 90, il avait même considéré, en libéral, qu’être journaliste et fondateur d’un « observatoire de l’extrémisme pour une vigilance républicaine » n’était en rien incompatible. Bien au contraire. Aujourd’hui, les choses – et le contexte, dirons-nous – ont bien changé. Le directeur de la rédaction n’est pas venu du Nouvel Obs mais de Valeurs Actuelles. Il doit néanmoins préserver une certaine « tenue » à son quotidien, ne serait-ce que pour sa réputation internationale ! Homme intelligent et de synthèse, Alexis Brezet n’est pas du genre Troll frénétique et aveuglé par son égo. Il n’a pas du tout envie que le débat interne à son journal soit pourri par une plume électrisée, fut-il bon vendeur de livres populaires et délirants. Non, le directeur du Figaro veille, avec sa garde rapprochée, à empêcher toute dérive pouvant alimenter l’injuste caricature, touchant une Pravda tendance zemmouro-brejnevo-lepéniste.
Le « loin de là » d’Anne Fulda a donc sa plus haute importance, vous l’avez bien compris. La brillante et digne journaliste voit « loin », et fait très bien son travail, stoïque. Dans ses écrits, elle résiste toujours (au ridicule du Troll). Et son télégramme de la semaine a bien fait rire, boulevard Haussmann. Un projet de pétition circule d’ailleurs, disent les blagueurs du Figaro, au sujet d’Anne Fulda, qui a de très nombreux soutiens : qu’elle puisse enfin être exfiltrée de ce bureau des horreurs pour que le Troll Zemmourzi soit seul, en position de chien (battu) de faïence, avec son compère Ivan Rioufol. Il laisserait ainsi bien plus facilement libre cours, avec un tel interlocuteur exclusif, à sa phobie anti-immigrés, anti-musulmans et… anti-femmes ! Il est vrai, que le Troll et Ivan le Terrible, dans leur espace des pages « Opinions », emplissent d’aise une certaine frange néo-brejnevo-lepéniste des lecteurs de la Pravda. Cette frange n’est pas très nombreuse au sein de la rédaction mais elle n’est pas négligeable du tout dans le lectorat, disent en tout cas les études marketing, qui avaient été régulièrement commandées du temps impérial d’un « sondeur » : Patrick Buisson ! L’ex « hémisphère droit » de l’ex-chef de l’État a été marginalisé par ses propres pratiques, d’enregistrements clandestins et d’affairismes suspects. L’histoire (la vraiment petite) nous dira si le Troll Zemmourzi va lui-même être emporté, prochainement ou non, par le mécanisme autodestructeur propre à toutes les folies, mégalomaniaques et xénophobes, de l’extrémisme.
Jean-Philippe MOINET,
a été grand reporter au Figaro,
président de l’Observatoire de l’extrémisme.
Chargé d’enseignements en Master,
il est directeur de la Revue Civique
et éditorialiste à JOL Press.
(le 13.10.2014)