-LE TERRORISME est venu frapper à Toulouse, s’introduisant, avec toute sa violence, dans l’actualité. Le choc sera-t-il un électrochoc ? Le cours de la campagne, et le résultat de l’élection présidentielle, va-il en être changé ? C’est la question – en fait, très secondaire – qui parcourt le microcosme.
-LES FRANÇAIS avaient simplement oublié que la menace du fanatisme est toujours persistante. Bien sûr, la tragédie de Toulouse n’a heureusement pas pris la dimension des attentats de New York, de Londres ou de Madrid, on pourrait même dire, avec le recul, que la folie meurtrière de Mohammed Merah relève de l’amateurisme. Il n’empêche, des familles ont été touchées, des enfants ont été fauchés, la République a été atteinte. Et, au-delà de l’émotion légitime qui transporte, les Français (re)découvrent que des acteurs apparemment isolés, des voisins de paliers apparemment intégrés, peuvent être reliés par le réseau insondable des haines les plus sauvages. Et basculer dans la barbarie.
-DANS CE CONTEXTE, celui des violences radicales et des peurs qu’elles colportent (et recherchent), on voit bien que la machine à amalgames peut aussi risquer de s’emballer. Que l’islamisme peut embarquer avec lui, dans la réprobation massive et nécessaire qu’il suscite à juste titre, l’islam des modérés et des démocrates, qui subissent à la fois les foudres des djihadistes (qui les accusent de traitrise et les menacent) et les soupçons de tous ceux qui voient derrière tout musulman un terroriste en puissance.
-LA CAMPAGNE DE LA PRÉSIDENTIELLE, pendant deux jours, suspendu son cours dans une grande dignité. La retenue a pour une fois était perceptible et partagée. Pour de grandes causes, et dans de graves circonstances, la République française peut ainsi montrer qu’elle a de la ressource, et que l’esprit d’unité autour de valeurs essentielles et élémentairement civiques peut prévaloir sur les intérêts partisans, catégoriels, communautaires, et immédiats. Mais on voit bien, aussi, revenir le risque de l’instrumentalisation, de l’exploitation du « filon » xénophobe et ultra-sécuritaire, la peur étant toujours l’allié recherché par les démagogues.
-RESTE À ESPÉRER QUE, dans leur très large majorité, les Français non seulement ne seront pas dupes mais souhaiteront, face aux basses manœuvres, prolonger l’esprit de dignité que devrait imposer durablement la gravité de l’événement.
Jean-Philippe MOINET, fondateur et directeur de LA REVUE CIVIQUE
(23 mars 2012)