Chronique, prononcée en direct sur la chaîne Public Sénat par le fondateur de La Revue Civique Jean-Philippe Moinet.
François Baroin, possible candidat recours, pour LR, à la présidence de la République ? Possible oui, avec quelques autres. On le sait, à LR beaucoup est à « reconstruire » mais le chantier semble ouvert pour les candidats potentiels de cette famille politique à la prochaine présidentielle.
L’élection aura lieu dans trente mois… ca paraît loin, quand on sait qu’à six mois de la dernière présidentielle (d’avril 2017), tout le monde -ou presque- pronostiquait la grande victoire de celui qui venait de gagner la primaire de la droite, François Fillon… On sait ce qu’il est advenu.
Prudent mais alerte, François Baroin teste par son livre « une histoire sentimentale »
François Baroin, comme les autres, est donc très prudent. Mais il a intégré le comité stratégique de sa formation, auprès du nouveau président de LR, Christian Jacob. Et on le sent, avec son livre, « Une histoire sentimentale », prêt à entretenir une relation disons… sentimentale avec son lectorat, et peut-être électorat.
J’étais il y a juste huit jours à Troyes, dans sa ville. Pour participer à un débat (avec diverses personnalités, dont lui) sur « la fracture territoriale » et le centralisme Français. Et tout le monde relevait son allant, à débattre, à argumenter sur le poids de la « centralité » française, à marquer une opposition, à la fois mesurée mais précise, avec le pouvoir central actuel.
Alors, certains sondages le placent actuellement, au coude-à-coude avec Xavier Bertrand, autour de 10-11% des intentions de vote en cas de présidentielle: c’est 9 points de moins que François Fillon il y a 2 ans mais c’est tout de même un socle enviable… surtout sans n’avoir rien fait de très spectaculaire, lui qui était très discret sur la scène politique nationale, habilement replié à la présidence des Maires de France.
Ce socle fait que François Baroin attire les regards, et quelques espoirs d’une droite républicaine d’opposition qui a perdu du crédit et beaucoup de voix, lors des dernières élections européennes: son score historiquement bas (de 8,5 %) a été vécu comme une très douloureuse déconvenue pour ses partisans, et la question était, encore ces dernières semaines: y a-t-il encore un espace d’avenir crédible entre le l’exécutif Emmanuel Macron-Edouard Philippe, et le national-populisme de Marine Le Pen ?
Mais on le sait, rien n’est jamais définitif en politique. Ni perdu. C’est ce que veut croire en tout cas le Maire de Troyes et quelques autres, qui espèrent un retour en grâce, lent mais progressif, relatif aujourd’hui mais peut-être plus important demain.
L’ex-chiraquien a concilié des inconciliables de son camp LR, des sarkozistes aux fillonistes (même si les juppéistes ne sont plus, pour la plupart, restés en cette formation).
Dans l’état major LR on se plaît d’ailleurs à rappeler qu’à un an de la présidentielle de 2017, personne n’aurait parié un kopek sur Emmanuel Macron (qui n’était même pas encore candidat, son mouvement n’étant alors qu’embryonnaire). Et côté Baroin, on relève que le profil consensuel du Président des Maires de France est sa force, lui qui a concilié des inconciliables de son camp: il a été chiraquien du 1er cercle, puis sarkoziste ardent, avant d’apparaître comme Fillon-compatible en 2017.
Aujourd’hui, l’éternel jeune homme semble avoir pris de l’épaisseur, avec ses dernières années consacrées aux territoires, loin du « bull shit pour les médias » entretenu par l’ex-Président de LR, Laurent Wauquiez, qui a contribué à l’échec LR des européennes. Baroin, lui, a donné une image de sagesse, de refus aussi du national-populisme d’extrême droite auquel il est allergique, une image de distance enfin vis-à-vis des jeux politiques récents, qui fait sans doute l’un de ses atouts actuels.
Et contrairement à Xavier Bertrand ou Valérie Pécresse, il n’a pas non plus rompu avec sa formation, LR. Comme un Bruno Retailleau d’ailleurs, il considère qu’une forme de fidélité et de constance peut aussi finir par payer. On verra dans 30 mois, quand la présidentielle aura lieu: beaucoup d’eau coulera sous le pont Mirabeau et personne ne peut prédire quelle offre, côté droite républicaine, s’imposera, ni comment elle s’imposera dans la mesure où l’idée même de primaires semble contestée désormais dans cette famille politique.
Dans l’état de désarroi dans lequel se trouvait ces derniers mois LR, il apparaît assez urgent d’agir pour tenter d’exister à nouveau, d’ici 2022, dans une compétition qui, avec le duel Macron-Le Pen, tend à enfermer la droite républicaine d’opposition dans un étau.
« C’est à partir des municipales que la reconstruction pourra commencer », estime François Baroin.
François Baroin sait plus qu’un autre que la campagne des municipales qui s’ouvre n’est pas le moment d’engager une bataille nationale. Hier dans le JDD, il disait que le chantier serait pour plus tard : « C’est vrai, tout est à reconstruire dans notre famille, soyons lucides » dit-il. En ajoutant : « C’est à partir des municipales (de mars prochain) que cette reconstruction pourra commencer ».
On le voit, le Maire de Troyes – qui fut plusieurs fois Ministre – joue la modestie, et la lucidité. Comme pour mieux avancer progressivement ses pions, s’il se confirme qu’un courant d’opinion le place en tête des candidats potentiels de LR. Des étapes seront à franchir, des obstacles à surmonter.
L’année 2020, en son esprit, pourra préparer les esprits à cette candidature… parmi d’autres. Ces autres (Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Bruno Retailleau ou Gérard Larcher) ne manqueront pas de se rappeler au bon souvenir de l’ex « bébé Chirac », qui est devenu un quinqua, qui n’a encore trop pris de rides, ni -encore- de vrais coups.
Jean-Philippe MOINET, fondateur de La Revue Civique, ex-grand reporter du Figaro, chroniqueur, notamment sur Public-Sénat.
novembre 2019