Responsable de l’association Cheer Up, consacrée aux enfants malades du cancer, Pierre Janicot indique qu’avoir un projet, « c’est être un jeune avant d’être un malade » et c’est forcément « mieux vivre la fragilité »
La REVUE CIVIQUE : Quel objectif principal poursuit Cheer Up , en ce qui concerne les enfants ?
Pierre JANICOT : Cheer Up a pour but d’aider les jeunes malades de cancer (15 à 29 ans) à se projeter dans l’avenir. Ces jeunes, à un moment fondamental de leur construction, vivent pendant plusieurs mois une fragilité passagère. Les bénévoles Cheer Up (400 étudiants en France, chaque année, dans 25 hôpitaux) les rencontrent et leur proposent de les aider à identifier, puis à donner vie à un projet qui leur tient à coeur. Cela peut concerner tous les domaines comme la formation (apprendre une nouvelle langue, passer un diplôme…) ou encore l’activité artistique (préparer un concert, réaliser une oeuvre d’art…). Nous les accompagnons pour qu’ils conduisent leur projet aussi loin que possible, qu’il se réalise ou pas d’ailleurs. Le chemin est plus important que la destination !
Avoir un projet, c’est être un jeune avant d’être un malade : les jeunes se concentrent sur autre chose que leur traitement : ils vivent mieux cette fragilité et préparent ainsi mieux l’après-traitement. Car avoir un projet, c’est déjà être prêt à reprendre sa vie après le traitement.
La maladie du siècle
En quoi, la lutte contre le cancer concerne tout le monde bien sûr et les entreprises en particulier ?
Un chiffre simple suffit de montrer que le cancer concerne tout le monde : chaque jour, 1000 personnes meurent d’un cancer (contre 1 du SIDA et 12 sur la route). En termes de communication, cherchez l’erreur ! Le cancer est LA maladie du siècle et on en parle moins que d’autres causes de mortalité !
Chacun d’entre nous sera confronté un jour à cette maladie : dans sa chair ou dans celle d’un membre de son entourage, personnel bien sûr, mais aussi professionnel. Comment serons-nous en capacité de gérer cette fragilité ? Et de manière générale, comment serons- nous en capacité de gérer toute fragilité autour de nous et en nous ?
Nous sommes persuadés de l’importance de former les jeunes étudiants à cela car ces bénévoles seront un jour des pères de famille, des managers… Au delà de leurs compétences, leur capacité à gérer la complexité, la fragilité au quotidien, sera une force décisive !
En quoi, la solidarité (notamment intergénérationnelle) est une cause nationale ?
Au-delà de la lutte contre le cancer, c’est la fragilité, pourtant au coeur de l’homme, qui a de moins en moins sa place dans les représentations de notre société, et qui grandit dans le même temps sous de multiples formes dans notre société. Il est donc important d’anticiper cela. En formant des bénévoles à appréhender la fragilité (sous la forme de la lutte contre le cancer dans le cas de Cheer Up), nous aidons la société toute entière : faire preuve d’empathie, repérer les fragilités dans son entourage personnel ou professionnel… aider à mieux vivre en société, à mieux manager son équipe professionnelle. En somme, ce genre de fragilité objective qu’est le cancer aide la société à mieux se comprendre.
(In La Revue Civique N°9, Automne 2012)
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