Roch-Olivier Maistre, Président de l’Arcom (ex-CSA): des actions pour renforcer la confiance envers les médias (entretien Revue Civique & Cevipof)

Le Président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), Roch-Olivier Maistre, était l’invité des « Questions de #confiance », série lancée par le CEVIPOF-Sciences Po et La Revue Civique, entretien sur l’enjeu de la confiance appliquée aux médias coanimée par Jean-Philippe Moinet, le fondateur de La Revue Civique, et Martial Foucault, le directeur du CEVIPOF (centre d’études de la vie politique française, centre de recherches rattaché à Sciences Po et au CNRS). Synthèse et vidéo complète de ce webinaire.

La discussion était amorcée sur le faible niveau de confiance que suscitent les médias, pris dans leur ensemble, et tel que ce niveau est mesuré par le baromètre de la confiance réalisé chaque année par le CEVIPOF et ses partenaires. En effet, les médias apparaissent tout en bas du tableau des organisations qui, selon les Français, suscitent la confiance. A peine plus que les partis politiques, qui sont les moins appréciés de cette liste (cf le tableau ci-dessous).

Les médias sont parmi les organisations suscitant le moins la confiance des Français. Mesure faite annuellement par le CEVIPOF-Sciences Po (la dernière enquête a été faite en début de l’année 2021)

Le Président du CSA a donc analysé ce faible niveau de confiance. Il touche toutes les institutions, a-t-il néanmoins commencé à observer en indiquant aussi que d’autres études, comme le baromètre conçu et réalisé annuellement par le journal La Croix, contenaient des signaux pour partie plus positifs, comme la hausse de crédit accordé par les Français aux radios et télévisions. L’univers des médias n’est naturellement pas uniforme et les Français, sévères quand il s’agit d’un jugement global sur ce secteur, ne sont pas moins grands consommateurs des médias qui ont leur préférence.

Roch-Olivier Maistre cite notamment, venant des médias, les actions de consultations des citoyens; et le chantier, à sans cesse renouveler de l’éducation aux médias, que doit développer l’Education nationale.

Mais ce faible niveau de confiance ne doit pas moins « nous interroger » a fait observer Roch-Olivier Maistre dans son analyse (dont l’intégralité est disponible en images, ci-dessous), le Président du CSA énonçant diverses pistes de réponses, qui ne peuvent qu’être plurielles, à ce défi. Il place en tête « l’action des opérateurs » eux-mêmes, qu’il s’agisse du développement d’une offre médiatique de qualité ou d’actions de « médiations » avec le public. Et de citer en exemple, en matière de consultation des citoyens, les actions menées en ce domaine par le groupe Radio France (et ses 7 antennes) et France Télévisions. Il cite aussi, pour les publics jeunes, le chantier toujours à renouveler de l’éducation aux médias, telle qu’elle peut être développée par l’Education nationale, par le biais de convention, récemment renouvelées, avec le ministère concerné.

Roch-Olivier Maistre a tenu aussi à souligner l’importance, pour lui et les membres du CSA, de « préserver le pluralisme » des et dans les médias audiovisuels, pluralisme facilité et garanti selon lui depuis les années 80 avec les mesures de libéralisation du paysage télévisuel (qui était, auparavant, dominé par l’Etat) et l’instauration d’une Haute autorité indépendante de surveillance et de régulation. Il a souligné le rôle essentiel du CSA en la matière pour faire respecter par exemple la bonne expression de tous les courants de pensées politiques sur les chaînes de radio et de télévision.

Le Président du CSA en échange pendant la séquence de « Questions de #confiance », coanimée par Jean-Philippe Moinet (à gauche) et le directeur du CEVIPOF, Martial Foucault (en bas)

Il a évoqué aussi les actions entreprises par le CSA en faveur de la parité et de la diversité. Qu’à l’antenne, les représentations audiovisuelles de la société soient conformes aux réalités de la société (qu’il s’agisse notamment de la parité hommes-femmes ou de la diversité des origines ou des conditions sociales) est, à l’évidence, l’une des voies d’établissement d’un lien de confiance entre les médias et les citoyens. Cela fait partie de la « mission sociétale » du CSA, a fait remarquer son Président.

En cas de manquement manifeste à leurs obligations, les opérateurs – comme récemment CNews – se voient directement sanctionnés, financièrement, par le CSA.

La « déontologie des programmes » est un autre axe d’action et de veille du CSA. Le rôle de « gendarme de l’audiovisuel » est à la fois, a-t-il estimé, « la mission la plus connue » et celle qui suscite « des malentendus ». Roch-Olivier Maistre a indiqué que, quand il y a à l’antenne des radios ou télévisions des incitations à la haine, à la violence ou aux discriminations, l’autorité administrative indépendante était amenée à sanctionner les opérateurs. Ce qui a été récemment le cas, par exemple, à l’encontre de la chaîne CNews qui a été l’objet d’une sanction financière de 200 000 euros pour des propos ostensiblement discriminatoires et xénophobes tenus par le polémiste Eric Zemmour.

Nous intervenons quand il y a manquement manifeste aux obligations des chaînes, c’est un devoir inscrit dans les missions du CSA, mais « nous ne sommes pas un tribunal de l’opinion », a-t-il aussi fait remarquer lors de cet échange avec la Revue Civique et le CEVIPOF : « nous sommes garant de la liberté de communication », de la liberté éditoriale des chaînes, le CSA devant veiller à « préserver la liberté, y compris sous ses formes polémiques ». Un équilibre subtil est donc à assurer. Le Président du CSA a observé que son instance, à la fois indépendante du pouvoir et collégiale, était amenée à intervenir en cas de manquements graves à l’encontre des opérateurs. Mais qu’en ce qui concerne les auteurs de propos illégaux et dangereux, c’était à la Justice d’intervenir, dans le cadre des procédures de droit commun, à l’encontre donc des auteurs de propos condamnables. Le CSA, en ce domaine, met en avant sa vigilance. Il a d’ailleurs été amené à saisir lui-même le Procureur de la République, par exemple dans le cadre de propos particulièrement provocateurs – et contraire au Droit français – dont le polémiste de CNews a été l’auteur.

Dans son intervention, approfondie et argumentée, Roch-Olivier Maistre a évoqué aussi les fonctions en devenir du CSA, ses missions se voyant actuellement élargies et renforcées notamment dans le cadre de la régulation d’internet et des réseaux sociaux. Le projet de loi « séparatisme », a-t-il confirmé, octroie des pouvoirs étendus au CSA en vue de contribuer à la lutte contre les propos haineux et violents diffusés sur les réseaux sociaux. Là encore, tout en garantissant le principe de liberté de communication, l’autorité présidée par Roch-Olivier Maistre se voit reconnaître un rôle majeur, de veille et, le cas échéant, d’intervention et de sanction, quand des manquements (dus aux opérateurs) seront avérés. Un chantier de régulation, national et européen, qui n’en est qu’à ses débuts.

(13/04/21)

L’intégralité du webinaire « Questions de #confiance » avec le Président du CSA, Roch-Olivier Maistre (coanimé par JP Moinet et M Foucault) ici :