Publié depuis 2002 à l’initiative de Reporters sans Frontières (RSF), le classement mondial de la liberté de la presse fait état de la situation dans 180 pays, évaluant leurs performances en matière de pluralisme, d’indépendance des médias, de respect de la sécurité des journalistes et de leur liberté. En publiant l’édition 2017 de son classement, Reporters sans frontières s’inquiète: la liberté de la presse n’a jamais été aussi menacée. L’ONG pointe essentiellement trois marqueurs de cette tendance : la banalisation des attaques contre les médias, la montée en puissance de certains dirigeants autoritaires, avec « un basculement dans l’ère de la post vérité ». RSF parle même du risque de « grand basculement » pour la liberté de la presse, notamment dans certains pays démocratiques. Notre modèle de démocratie pluraliste en Europe est en jeu.
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Le classement annuel de la liberté de la presse dans le monde 2017 souligne le profil de dirigeants inquiétants et autoritaires dans « une galerie des prédateurs de la liberté de la presse » comme Vladimir Poutine (Russie), Recep Tayyip Erdogan (Turquie), Nicolas Maduro (Venezuela), Paul Kagamé (Rwanda), auquel est ajouté, en Occident, Donald Trump (même si, bien sûr, aux Etats-Unis, la liberté de la presse est fondamentale et assurée par de nombreux acteurs de la société civile). Au total ce sont 34 profils de dirigeants qui sont cités par Reporters sans frontières. Une triste liste dans laquelle on retrouve Bachar Al Assad (Syrie), Robert Mugabe (Zimbabwe), Kim Jong Un (Corée du Nord), Alexandre Loukachenko (Bélarus), mais aussi des organisations comme Etat islamique (Syrie, Irak, Afghanistan, Libye), les Shebab (Somalie), ou ISI (Pakistan).
En parallèle à cette montée en puissance autoritaire, le « medias bashing » demeure un signal de ce risque de grand basculement anti-démocratique dont parle RSF. Cette multiplication des attaques antimédias se fait sur fond de complotisme paranoïaque, avec également la propagation des rumeurs et fausses informations : en 2016, l’élection de Donald Trump et la campagne du Brexit auront symbolisé cette double tendance à la fois anti médias et anti vérité. Un relativisme entourant les faits (d’actualité) en étant une résultante, déplorable.
Climat violent et délétère en France
Côté positif, ce classement mondial de la liberté de la presse est dominé par un quatuor scandinave : Norvège, Suède, Finlande et Danemark. La 5ème place est occupée par les Pays Bas, devant le Costa Rica, la Suisse et la Jamaïque. La Belgique et l’Islande complètent ce top 10. Il faut remonter au 39ème rang pour trouver la France, qui remonte de 6 places par rapport à 2016, un effet mécanique après une année 2015 marquée par la tuerie de Charlie Hebdo. RSF relève néanmoins pour la France un « climat violent et délétère », avec des attaques verbales contre « les médias menteurs » pendant la campagne présidentielle « où il devient normal d’insulter les journalistes, de les faire siffler et huer lors de meetings ». Le « media bashing » accompagne les pulsions populistes.
En bout de classement, l’Erythrée (179e), qui a autorisé l’accès au pays à des équipes de médias étrangers étroitement surveillées, et pour la première fois depuis 2007, a cédé la dernière place du classement à la Corée du Nord qui continue de maintenir la population dans l’ignorance et la terreur. On retrouve également le Turkménistan (178e), l’une des dictatures les plus fermées au monde dans laquelle la répression contre les journalistes ne cesse de s’intensifier, et la Syrie (177e), plongée dans une guerre sans fin, qui reste le pays le plus meurtrier pour les journalistes, pris en étau entre un dictateur sanguinaire et des groupes djihadistes.
(avril 2017)
► Le détail du classement mondial de la liberté de la presse sur le site de Reporters sans frontières