Opération Barkhane : action sans relâche, djihadisme à réduire, vigilance permanente

Retour sur l’opération #Barkhane, menée par la France et cinq Etats africains du Sahel, sous mandat de l’ONU et avec le soutien des Etats-Unis et de l’Europe. Le Général Brethous, Commandant en chef de l’opération extérieure Barkhane de l’Armée française, passait cet été là, le relais de ce commandement d’une des plus importantes opérations extérieures (OPEX) (qui mobilise 3 500 soldats; effectif 2016, monté en puissance depuis). Ce Général de grande expérience a fait à Paris (8/09/16), en présence de La Revue Civique, le bilan et tracé les perspectives des actions dans les 5 pays africains partenaires (Mali, Mauritanie, Niger, Tchad, Burkina Faso). Ci-dessous, le reportage effectué au Tchad par le directeur de La Revue Civique, Jean-Philippe Moinet, auprès du commandement Barkhane (début juillet 2016), article de synthèse sur le sens et les contours de cette action militaire et géostratégique de première importance. Pour la sécurité de cette zone, et de l’Europe. Ces fondamentaux sont toujours actuels.

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Le territoire couvert par l’opération Barkhane fait six fois la superficie de la France. Pour endiguer au Sahel le djihadisme armé, qui menaçait d’emporter un pays entier, le Mali, et de déstabiliser dangereusement l’Afrique du Nord et en conséquence l’Europe, les forces armées françaises interviennent sans relâche, appelées par les Etats africains concernés et intervenant dans le cadre d’une résolution de l’ONU: en lien étroit avec leurs alliés (américains et européens) et leurs partenaires (africains), les militaires français mènent des opérations ciblées en couplant des moyens à la fois rustiques et hautement sophistiqués, un esprit d’engagement hors norme et une technicité particulièrement élaborée.

Convoi de véhicules militaires français au Mali, pays du Sahel le plus menacé par le djihadisme.

Les 3 500 soldats français, mobilisés 24 heures sur 24 et répartis en une dizaine de points d’appui permanents ou de bases avancées temporaires, forment le plus important déploiement français en opération extérieure. Couvrant une vaste palette de compétences techniques et de spécialités militaires, engagée en partenariat constant et solide avec les forces armées des cinq Etats africains concernés – qui ont constitué une entité nouvelle, le « G5 Sahel » (qui réunit le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad) – l’opération #Barkhane a réussi à endiguer et à réduire la menace djihadiste dans toutes la zones, même si cette menace perdure.

Forces françaises placées en pointe, ou en appui des forces nationales maliennes ou nigériennes, les autorités soulignent le résultat: les terroristes djihadistes n’ont plus vraiment de zones refuges, ils n’ont plus de sanctuaires invulnérables dans cette immense zone africaine aussi vaste que le continent européen. Bien sûr, le djihadistes peuvent encore frapper, et ils le font, par surprise et avec lâcheté, notamment sur des cibles dîtes « molles », sans défense, mais ils n’ont plus la tranquillité pour lever des troupes, occuper des territoires, menacer et prendre des pouvoirs, se livrer sans impunité à des exactions et des prédations de grande ampleur sur les populations civiles et constituer avec facilité des bases arrières pouvant leur permettre de lancer des actions terroristes d’ampleur en Afrique ou en Europe.

Des groupes terroristes disséminés et fuyants

Les groupes armés terroristes (« GAT », dans le jargon des soldats de Barkhane) sont réduits mais continuent, au Nord Mali notamment, de sévir. Estimés à quelques dizaines, peut-être deux à trois cents hommes (en 2016) – le nombre est bien sûr impossible à évaluer exactement – ces groupes sont disséminés et fuyants. Se sachant poursuivis, ils passent au Nord Mali par l’immense frontière désertique, algérienne ou libyenne. Cachés, ces djihadistes armés vivent de trafics en tous genres, notamment du trafic de drogue. En deux ans au début de l’opération, les actions menées conjointement par les forces françaises et africaines ont été décisives au Mali pour renverser la situation et placer les djihadistes sur une défensive qui les a fait fuir de vastes contrées qu’ils considéraient comme des califats, places fortes islamistes de conquête qui pouvaient s’étendre comme une gangrène dans toute la bande sahelo-saharienne et déstabiliser l’Afrique, aux portes Sud de l’Europe.

Soldat français devant un drone Harfang sur la base Niamey au Niger – Afp

Les capacités d’actions directes de Barkhane ont donc mis un coup d’arrêt à ce redoutable expansionnisme, leurs réussites reposant sur une combinaison de capacités multi-armes, les forces au sol étant appuyées par les forces aériennes, le tout reposant sur une impressionnante capacité logistique (la logistique transport notamment, soutenue par les alliés, américains et européens, espagnols et allemands  en particulier dés les premières années de l’opération) et une haute capacité de surveillance et de renseignement: les satellites, les rafales, positionnés à N’Djamena au commandement de Barkhane, les hélicoptères Caracal, les drones (positionnés sur la base de Niamey au Niger), dont la durée opérationnelle va jusqu’à 18 heures d’action sur zone sans interruption.

Un bouclier commun aux 5 Etats africains réunis en G5

Aucun répit n’a donc été donné aux groupes terroristes: ils ont subi, dans l’année écoulée (par exemple avant juillet 2016), des pertes conséquentes (200 d’entre eux ont été mis hors combat, soit arrêtés, soit tués; des centaines d’armes et de grosses sommes d’argent ont été saisies) et ont été constatée leur incapacité à se déployer à découvert, en nombre et  de manière significative, que ce soit au Mali ou, à fortiori, dans l’un des quatre autres Etats du G5, bloc qui a su former un bouclier défensive commun contre le djihadisme.

Bien sûr, les capacités de nuisance de terroristes n’ont pas été réduite à néant. Là-bas, comme en Europe ou au Proche-Orient, les risques subsistent d’actions isolées mais spectaculaires et malheureusement meurtrières, y compris pour nos soldats. Elles peuvent aussi viser des policiers ou militaires isolés de l’un de ces pays africains, des forces de l’ONU déployées au Mali (la Minusma, Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilité du Mali, avait d’ailleurs décidé d’augmenter ses effectifs pour les porter à plus de 13 000 hommes en 2017), des organisations humanitaires ou des cibles civiles, susceptibles d’être touchées à l’aveugle dans des centres-villes.

La menace, les Africains le savent bien, ne pourra être éradiquée avant de nombreuses années 

L’enjeu est donc clairement de renforcer les capacités des armées nationales du G5 à gérer elles-mêmes, et à terme seules, cette menace djihadiste dont les Africains sont bien sûr les premiers à savoir qu’elle ne pourra pas être éradiquée avant de nombreuses années. Les actions Barkhane ont permis, par de nombreuses opérations bi-partites ou tri-partites (France-Mali-Niger par exemple), de contrôler les zones frontalières entre ces pays. L’action multilatérale est une nouveauté dans cette vaste zone, où les djihadistes se jouaient des frontières entre Etats. L’amorce d’une gouvernance inter-étatique, à dimension militaire mais aussi politique et économique, est l’un des grands acquis de l’opération Barkhane. Ainsi, tous les six mois, les chefs d’états majors des armées des cinq pays africains se réunissent avec le haut commandement de Barkhane, que dirigeait par exemple le Général Bréthous en 2016. Et tous les deux ou trois mois, ce sont les chefs d’opérations militaires des cinq armées qui se réunissent, à la fois pour dresser le bilan des actions menées et projeter les opérations futures.

Les capacités des forces armées maliennes étaient encore limitées ces dernières années, au Nord du pays notamment, où leur déploiement et leur reconnaissance sont conditionnés par l’application effective d’accords politiques entre factions et ethnies anciennement hostiles, application qui se fait attendre malgré les déclarations de principe. L’enjeu est de couper tous les ponts qui ont pu exister dans le passé entre les groupes djihadistes et, par exemple, les touaregs ou autres groupes du Nord, dont les représentants étaient entrés en rébellion contre le gouvernement central du Mali.

Des alliances ont été renversées, sur le papier. Mais sur le terrain, des jeux troubles continuent de laisser un espace à certains groupes djihadistes et surtout à limiter l’action des forces gouvernementales maliennes. Les soldats de Barkhane ont beau déployer toute leur puissance, ils savent que la donne politique doit rapidement changer, au Mali, pour qu’une sécurisation durable puisse voir le jour au Nord de ce pays clé, où tout a commencé et où tout doit être fini.

Le Général Bréthous, à la tête du Commandement de l’Opération Barkhane (N’Djamena; juillet 2016), reçoit le directeur de La Revue Civique, JP Moinet.

Mais les hauts responsables de Barkhane gardent espoir et poursuivent l’action, sans oublier leurs missions vers les populations civiles (actions médicales, aides logistiques, soutiens dans le domaine éducatif aussi) dans chacun des pays du G5. La qualité de planification des opérations militaires est montée en puissance en deux ans, avec une véritable « ingénierie » chiffrée, qui a permis le développement de techniques issues des méthodes de l’OTAN. En terme de préparation et de capacité d’intervention, l’armée française est ainsi devenue l’une des plus respectée du monde et, sans doute, la plus performante d’Europe. Qu’il s’agisse de l’emploi de forces conventionnelles ou de forces spéciales, officiellement distinctes de Barkhane, il ne fait pas de doute qu’alliés et partenaires de la France savent que l’efficacité opérationnelle n’est plus à démontrer.

Jean-Philippe MOINET,
@JP_Moinet,
fondateur et directeur de la Revue Civique.

(25/07/16; actualisé 17/01/20)

Barkhane : instruction opérationnelle au profit de l’armée nationale tchadienne

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L’armée française, avec Barkhane, mène des actions de soutiens (médicales notamment) aux populations civiles (ci-dessous, dans un village près d’Abéché, à l’Est du Tchad)