Selon l’analyse proposé par Bruno Lete, expert en tendances géopolitiques (sécurité internationale et de politique de défense) au German Marshall Fund of the United States, l’Ukraine devrait se concentrer sur ses propres développements afin d’attirer l’attention de l’OTAN. Au lieu de se demander ce que l’Alliance pourrait faire pour elle, l’Ukraine devrait se demander comment elle serait capable de contribuer à l’union militaire. Décryptage.
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La première priorité de l’Ukraine doit être sa politique intérieure, car la réussite à l’intérieur de ses frontières conditionnera son succès international. Afin de démontrer que Kiev est un partenaire fiable pour l’Alliance, affirme Bruno Lete, il faut d’abord que le pays commence à moderniser la structure de base du gouvernement, de l’armée et du secteur privé : cela serait la meilleure façon de prouver à l’OTAN, et à soi-même par ailleurs, que l’Ukraine peut mener à bien les réformes nécessaires et lutter contre la corruption. Selon Bruno Lete, les éléments dont l’Ukraine devrait tenir compte pour avancer dans un accord avec l’OTAN sont les suivants :
Dans ses rapports avec l’OTAN, se concentrer sur les objectifs déjà accomplis, et moins sur ses attentes. Aujourd’hui, explique Bruno Lete, le récit de l’Ukraine dans l’Alliance est trop construit autour de ses propres attentes mais il faut apprendre à communiquer sur les réussites de sa transformation après l’Euromaïdan pour offrir des arguments démontrables qui favorisent une réponse positive de l’OTAN.
Investir dans une meilleure communication stratégique avec sa population et avec les autres partenaires. L’Ukraine a du mal à gagner les cœurs et les esprits des États membres de l’OTAN. Si le pays améliore sa stratégie de communication et de diplomatie publique, cela se traduirait par une meilleure compréhension de l’Ukraine à l’extérieur.
Réfléchir à ce que l’Ukraine peut faire pour l’OTAN, et pas seulement à ce que l’OTAN peut faire pour l’Ukraine. Les États aspirants à devenir membres de l’Alliance doivent démontrer la valeur qu’ils ajoutent à la sécurité collective de l’OTAN. Par exemple, Kiev pourrait partager sa flotte aérienne ainsi que ses connaissances stratégiques dans des opérations de l’OTAN. Kiev pourrait contribuer à l’amélioration de la sécurité régionale, explique Bruno Lete, en reproduisant le modèle de la brigade militaire lituanienne-polonaise et ukrainienne avec d’autres alliés de l’OTAN, ou en soutenant l’idée d’une mission maritime dans la mer Noire. Il y a plusieurs domaines qui permettraient à l’Ukraine de partager son savoir-faire, comme dans l’utilisation de drones militaires dans des zones de conflit, ou dans la mise en place de la surveillance, de l’intelligence et des missions de reconnaissance dans des milieux urbains.
Mettre en œuvre un centre spécialisé en guerre hybride. Un tel centre, propose Lete, devrait être multinational et s’occuper de trois activités distinctes. Tout d’abord, il serait utile pour le développement des méthodes d’analyse, des concepts et de toute la doctrine concernant la guerre hybride. Deuxièmement, il pourrait offrir une formation solide par des cours réguliers et la diffusion d’information. Troisièmement, il devrait avoir un rôle opérationnel en déployant des experts pour renforcer des actions concrètes au niveau opérationnel, stratégique et politico-militaire.
Donner la priorité au secteur militaire et de défense en Ukraine pour qu’il se développe rapidement. Selon Bruno Lete, le secteur de la sécurité et de la défense ukrainienne devrait se moderniser au plus tard en 2020. Pour cet analyste, entre autres, il faudrait avancer sur deux points : la formation des effectifs militaires doit être liée à des perspectives de promotion d’une carrière au sein de l’armée ; la base industrielle ukrainienne de défense aurait besoin d’un contact plus étroit avec les industries de la défense européenne et nord-américaine.
Renforcer la coopération avec ses pays voisins. L’Ukraine est géographiquement bien positionnée pour devenir un centre d’expertise pratique et un noyau de structures militaires. Par exemple, explique Lete, Kiev pourrait profiter des similitudes culturelles avec la Biélorussie pour fournir des renseignements sur la situation intérieure du pays et pour y promouvoir les valeurs libérales. L’Ukraine serait aussi capable de favoriser le partenariat des alliés de l’Alliance avec d’autres États autour du bassin de la mer Noire afin de renforcer la défense face aux stratégies d’escalade militaire de la part de la Russie. Ainsi, par exemple, les relations avec la Géorgie, alliée de l’Occident et État aspirant à l’OTAN, mériteraient un peu plus d’attention.
(octobre 2016)
► L’analyse complète (en anglais How Ukraine Can Open Its Door to NATO)