Les chefs d’État et de Gouvernement de l’UE ainsi que le Président du Monténégro s’étaient rendus à Bruxelles (fin mai) pour assister à une première réunion en face à face avec le Président américain Donald Trump sur les priorités et les défis de l’Alliance Atlantique dans les années à venir. Puisqu’il s’agissait de la première réunion des membres de l’OTAN avec le nouveau Président américain, c’était une bonne occasion, pour Donald Trump, de rassurer personnellement ses partenaires, notamment à propos de sa détermination à défendre l’article V de l’Alliance (qui stipule l’automaticité de la solidarité militaire des membres quand l’un d’entre eux est attaqué). Raté.
Steven Keil, du German Marshall Fund of the United States (GMF), a recueilli l’analyse faite par des experts de quelques pays européens tels que la France, la Roumanie, la Pologne, ainsi que de l’administration européenne, afin de comprendre les attentes nationales en matière de coopération militaire avec les États-Unis.
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Certaines nominations du Président Trump, comme celle du Secrétaire à la Défense et du Conseiller pour la Sécurité Nationale, qui avaient souvent défendu des positions en désaccord avec la rhétorique passée de Donald Trump, ont fait croire aux Européens qu’ils pouvaient garder un certain espoir sur les projets de l’administration Trump en matière de Sécurité et Défense, explique Steven Keil. Ces gestes, ainsi que plusieurs visites en Europe de hauts représentants, y compris du Vice-Président Mike Pence, avaient plutôt apaisés les esprits, atténuant les propos du Président américain qui avait parlé du caractère « obsolète » de l’OTAN. Personne n’aurait pu prévoir que le soutien américain à l’intégrité territoriale de l’Europe et à sa sécurité puisse réellement être remis en question.
Malgré ce va-et-vient du Président Trump, il apparaît évident, aux vues de l’analyse de Steven Keil, qu’il existe encore de nombreux défis auxquels l’Alliance doit faire face, comme la cybersécurité, les communications stratégiques, le renseignement, la dissuasion et les propres capacités de l’OTAN. Face à l’agression russe en Europe de l’Est, à l’instabilité au Moyen Orient et au Sud de l’Europe, les premiers sommets de l’OTAN, au Pays de Galles et à Varsovie, ont mis en place de nombreuses mesures collectives destinés à relever ces défis clés. Cela comprenait des dépenses accrues en matière de Défense contre Daech et le terrorisme. Pourtant, malgré un programme aussi important, une grande partie de la négociation future au sein de l’organisation, aux vues du déroulé de la dernière rencontre transatlantique, portera sur l’adaptation de Trump à l’Alliance et des alliés au nouveau Président américain.
La France sceptique sur le rôle que l’OTAN pourrait jouer en matière de lutte contre le terrorisme
Même si Macron et Trump ont gagné leurs élections respectives sur des bases politiques radicalement opposées, surtout en ce qui concerne leur vision de la mondialisation, la convergence des intérêts des deux nations en matière de Défense, explique Martin Quencez, l’expert du German Marshall Fund of USA en France, contribuera certainement à ce qu’ils trouvent un terrain d’entente. L’objectif de la France, continue-t-il, est de maintenir l’excellent niveau de coopération connu au temps de l’administration Obama et de confirmer le soutien logistique des Etats-Unis. Même si Emmanuel Macron a été pour l’instant relativement retenu sur l’augmentation des dépenses de Défense, ce qui représente un problème aux yeux de l’administration Trump, il espère que les opérations françaises au Sahel et au Mali et la participation active du pays dans la coalition mondiale contre Daesh, globalement l’ampleur de sa politique de lutte contre le terrorisme, permettront d’éclipser les chiffres bruts.
Paris espère que la lutte contre Daech restera un sujet de premier rang, autant au sein de l’OTAN que dans la coopération franco-américaine. Cette ligne de pensée est d’ailleurs assez proche de celle de Trump, qui considère que l’Alliance atlantique devrait se focaliser sur la lutte anti-terroriste. Les Français ne s’opposent pas à une approche antiterroriste de l’OTAN en général mais ils ont résisté à l’idée d’une implication directe de l’organisation dans la lutte Etat Islamique en Irak et en Syrie. Emmanuel Macron est aussi un fort partisan du renforcement de la coopération militaire au niveau européen, il a pour objectif d’inciter ses partenaires à avancer dans le renforcement de la défense du continent, une idée à laquelle Angela Merkel ne s’oppose pas, conclut cet expert.
La Roumanie refuse l’ambiguïté de Trump
Par ailleurs, compte tenu de sa position géographique et de son histoire avec la Russie, ainsi que de l’influence croissante exercée par la puissance russe dans la région, la Roumanie est particulièrement intéressée par le fait que Donald Trump puisse permettre une présence plus forte de l’OTAN sur son flanc Est, selon Alina Inayeh. L’inquiétude la plus pressante pour ce pays provient, d’une part, de la militarisation croissante de la mer Noire, en raison de la forte présence militaire et navale russe en Crimée et, d’autre part, des tentatives russes d’influencer les décisions économiques, politiques et sociales dans toute la région. À ce titre, la Roumanie a commencé à allouer 2% de son PIB à ses dépenses militaires.
Le Président Trump à Bruxelles
Les dirigeants européens ont consacré beaucoup de temps et d’efforts à évaluer le meilleur moyen d’engager le Président Trump dans la défense de l’Europe, explique Ian Lesser, Vice-Président et Directeur du German Marshall Fund of the United States à Bruxelles. Sans succès. Les alliés sont pourtant prêts, pour atteindre leur objectif, à intensifier le rôle de l’OTAN dans la lutte antiterroriste en augmentant leurs budgets de défense, un sujet qui ne déclenche plus aucune polémique dans la majorité d’États membres.
La Pologne vise la mise en œuvre intégrale des décisions du Sommet de Varsovie
Le Président polonais Andrzej Duda a rencontré le Président Trump afin de chercher son soutien dans le rôle régional joué par la Pologne; il a invité le Président américain à rejoindre le « sommet des trois mers » en juillet, sommet organisé par la Pologne et auquel participeront une douzaine de pays de la mer Baltique, de la mer Noire et de la mer Adriatique.
Le gouvernement polonais a été particulièrement déçu par le manque de soutien explicite du Président Trump à l’article V de l’OTAN (automaticité de la solidarité sécuritaire), explique Michal Baranowski, directeur du bureau du GMF à Varsovie, la Pologne étant officiellement devenue le centre de gravité de la défense du flanc Est de l’Alliance atlantique, en raison de la forte présence militaire de l’armée américaine sur son territoire. Ce pays cherche à assurer l’engagement du Président Trump en faveur d’une présence continue des militaires américains dans le pays, le sujet étant jugé essentiel pour l’intégrité de la Pologne.
La Pologne s’est néanmoins montrée satisfaite de la demande de Trump, formulée lors de la réunion de Bruxelles, concernant le partage du fardeau des dépenses militaires au sein de l’OTAN: la Pologne est déjà l’un des cinq alliés qui dépensent 2% de leur PIB pour la Défense; elle envisage même une montée à 2,5% du PIB dans les années à venir. Varsovie se positionne ainsi très nettement en allié fort de Washington sur ce point.
(juin 2017)