Le bébé Kfir, ou la fin de l’humanité. Le Hamas a capturé et tué « les rires de l’enfance »

La libération des otages du Hamas a fait à nouveau découvrir – pour ceux qui veulent ouvrir les yeux – l’horreur des actes et des buts de l’organisation terroriste, qui a pris des bébés en otages le 7 octobre 2023 et les ont tués. Sarah Juvanano est une mère française, indignée et meurtrie, elle a adressé à la Revue Civique ce texte « la fin de l’humanité ».

Il avait 7 mois. Le temps où l’on commence à babiller, à découvrir des saveurs. Le temps où dans les téléphones des proches s’accumulent déjà des centaines de photos des jours heureux. Quelque chose comme 8 kilos et 65 centimètres qui s’appelle communément le bonheur.

J’ai eu longtemps la conviction que Kfir reviendrait. Qu’en dépit des circonstances, il aurait été pris sous l’aile bienveillante d’une femme ou d’un homme de Gaza. Qu’ils en auraient pris soin, au moins a minima. Précisément parce qu’ils étaient avant tout des femmes, des hommes, avant d’être des Gazaouis ou des militants du Hamas et que le regard d’un bébé, son innocence, l’emporteraient sur la folie des hommes, auraient même le pouvoir unique, vertigineux, de gommer, de suspendre cette folie.

Il me semblait que la condition d’humain prévalait toujours sur le reste. Et que l’innocence du regard d’un petit rouquin avait le pouvoir de faire qu’un fusil pointé s’abaisse. Je la voyais cette femme, pas forcément tendre mais présente, avec cet enfant dans les bras. Se débrouillant vaille que vaille pour donner un biberon. Prenant sur elle pour dépasser l’hystérie mortifère, la panique de la débâcle et de la fuite vers le sud pour garder Kfir en vie. Se disant, peut-être même avec un rien de cynisme, qu’avec son dévouement assumé, elle incarnerait l’honneur d’un combat qu’elle croit sans doute juste.

« Ce petit bonhomme, pauvre chéri, a dû être submergé par une ultime peur, indicible »

Et puis non. Non, Kfir ne reviendra jamais. Le miracle d’humanité, le miracle du cœur qui parle n’a pas eu lieu. Quelqu’un, quelque part, a pris la décision exactement inverse. A fait le geste fatal. A lâché la main de ce petit bonhomme, pauvre chéri, qui a dû être submergé par une ultime peur, indicible. Kfir est mort.

Déjà -et dans une proportion très différente- la tuerie des terrasses à Paris, un soir de novembre avait fait vaciller mes certitudes : j’ai toujours pensé que boire des coups avec des amis, s’écharper devant un verre pour critiquer un film ou défendre un livre, pratiquer l’art de la conversation devant un repas, c’était la quintessence de la civilisation. L’art du gratuit, de l’inutile, qui fait la douceur des jours. Tout sauf une scène de drame et de désolation.

Kfir n’aura jamais la place d’une victime collatérale, concept ultra-pratique pour se soulager la conscience, vite fait bien fait. Et que personne ne vienne me jeter à la tête les petits Kfir de Gaza.

On peut considérer que c’est de la mièvrerie. De la sensibilité ridicule bien facile pour bobo privilégié. Mes enfants vont peut-être ricaner, désolés une fois de plus de mon romanesque à la petite semaine. Inutile.

« C’est abominable d’avoir pour ennemis les rires de l’enfance » (Barbara)

On peut aussi considérer que tout est politique. On peut considérer que le combat autorise tout, surtout quand il est question de liberté. Je m’en fiche. Défendez la cause palestinienne, défendez le droit de vivre d’Israël, défendez ce que vous voulez. Ne me demandez plus jamais de m’engager, de défiler, de signer des pétitions.

Moi, j’arrête là. Je me contenterais de faire ce qu’intimement je crois juste. Parce que Kfir ne fêtera jamais ses 20 ans. Parce que son père, Yarden Bibas, de retour parmi les siens, aura éternellement, atrocement, les mains vides.

Car un enfant qui meurt au bout de vos fusils est un enfant qui meurt
Que c’est abominable d’avoir à choisir entre deux innocences
Que c’est abominable d’avoir pour ennemis, les rires de l’enfance

(Barbara – Perlimpinpin)

Sarah JUVANANO

(21/02/2025)

Depuis le 7 octobre 2023, le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) se mobilise, de façon constante et remarquable, pour réclamer la libération de tous les otages du Hamas, qui ont été séquestrés dans d’atroces conditions à Gaza dans les tunnels, et parfois tués. Chaque semaine est ainsi organisée à Paris une cérémonie pour ne pas les oublier.

Le site du CRIF