Il faut « associer les citoyens et dépoussiérer les institutions »: entretien avec Shannon Seban (Renaissance)

Jeune figure du parti présidentiel, élue de Seine-Saint-Denis (elle préside le mouvement Renaissance de ce département), Shannon Seban plaide pour le développement rapide en France d’une démocratie participative et délibérative. Ce développement passe par l’instauration de nouvelles pratiques et, précise-t-elle aussi dans cet entretien avec La Revue Civique, par une réforme des institutions qui doivent être « dépoussiérées ».

-La Revue Civique : au sein de votre mouvement Renaissance, vous plaidez pour le développement rapide de la démocratie participative. Pour quelles raisons ? Est-ce que Renaissance a perdu ce qui avait fait l’une des forces de La République en Marche en 2017, à savoir un vaste mouvement d’engagement de citoyen(ne)s qui, pour une grande part, n’avaient jamais eu d’engagement politique ?

-Shannon SEBAN : En 2017, Emmanuel Macron était le seul candidat à proposer une vision nouvelle de l’engagement citoyen en permettant à des femmes et des hommes issus de la société civile de s’engager en politique. La démocratie participative, il est vrai, est au cœur de l’ADN de notre majorité présidentielle depuis le premier jour. En témoigne la Grande Marche menée partout en France.

La République en Marche était un mouvement audacieux et a su se constituer rapidement. Depuis, notre mouvement politique a évolué et la création de Renaissance, sous l’impulsion de notre Secrétaire Général Stéphane Séjourné, traduit notre volonté de construire un parti politique décentralisé, toujours plus proche des territoires et des besoins de nos concitoyens. La forme a donc changé mais la méthode reste la même : écouter et concerter pour donner toute sa place au débat d’idées et d’opinions. 

– Au-delà de la vie des mouvements politiques, la démocratie participative ou délibérative ne devrait-elle pas se développer fortement en France ? Ne serait-ce pas une voie qui permettrait de réconcilier les Français avec les institutions et la politique ? Quelles sont vos propositions précises en ce domaine ?

-« La démocratie c’est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Lincoln résume très bien l’essence même de ce que doit être notre démocratie. Je suis persuadée que plus notre démocratie associera les citoyens à la décision, et plus ils retrouveront confiance dans l’action politique. Elue locale (conseillère municipale à Rosny-sous-Bois), je mesure à quel point nos concitoyens souhaitent être associés à la prise de décision. Il faut continuer à inciter nos concitoyens à participer aux conseils de quartiers, aux consultations sur les grands projets ou à prendre part aux budgets participatifs. Il n’y a rien de plus précieux que les remontées du terrain pour construire des politiques au plus près des préoccupations des territoires.

« La co-construction des politiques publiques avec les citoyens doit devenir un réflexe de plus en plus systématique. »

A l’échelle nationale, Emmanuel Macron a eu le mérite, au cours du premier quinquennat, d’aller plus loin en matière de participation citoyenne que tous ses prédécesseurs avant lui. Le Grand débat national, puis la Convention citoyenne pour le Climat, étaient des démarches perfectibles certes mais inédites en France, et d’ailleurs largement saluées à l’international. Avec le Conseil national de la refondation, cette ambition continue à monter en puissance. Ma conviction, c’est que la co-construction des politiques publiques avec les citoyens doit devenir un réflexe de plus en plus systématique.

Il y aussi un devoir d’exemplarité que nous devons nous appliquer à nous-mêmes en tant que responsables politiques. Je viens d’être élue Présidente de l’Assemblée départementale de Renaissance en Seine-Saint-Denis et je me suis engagée à mettre en place un référendum d’initiative militante : un militant, une voix.

« Je ne peux pas me résoudre à cette désertion des urnes. L’abstention n’est pas une fatalité »

-Le développement d’une démocratie davantage tournée vers l’expression des citoyen(ne)s peut-elle, selon vous, faire l’objet d’un consensus ou en tout cas de convergences entre diverses forces politiques ? Majorité et oppositions peuvent-elles s’entendre et sur quels types de mesures ?

-J’ai du mal à croire que certains responsables politiques de notre pays puissent s’opposer à ce que nos concitoyens prennent davantage part au débat politique. Le renforcement de la démocratie participative et délibérative dépasse largement les oppositions partisanes. Chacun peut en comprendre l’utilité dans le moment politique que nous vivons. Vous savez, j’habite dans un département touché plus qu’aucun autre, depuis plusieurs décennies, par l’abstention : lors des dernières élections présidentielles, le taux d’abstention avoisinait les 63% au second tour. C’est d’ailleurs ici que la politiste Céline Braconnier a écrit, dès 2007, « La Démocratie de l’abstention », un ouvrage de référence que j’invite chacun à lire pour comprendre les ressorts de l’abstention.

Pourquoi tant de citoyens ne vont pas ou plus voter ? Parce qu’ils ont le sentiment que les politiques ne s’intéressent pas à eux, qu’ils ne comprennent pas leurs préoccupations et qu’ils n’ont plus la capacité de changer concrètement leur vie au quotidien. C’est pour pallier ce sentiment d’impuissance que j’ai construit mon engagement politique et je ne peux pas me résoudre à cette désertion des urnes. L’abstention n’est pas une fatalité mais ce ne doit pas être une option. Peu importe qu’on soit de gauche, de droite ou d’ailleurs !

Pour que les lignes bougent, il y a toutefois une condition sine qua non : que nos responsables politiques prennent de la hauteur et fassent preuve de responsabilité. Je regrette profondément que la NUPES n’ait pas souhaité participer au Conseil national de la Refondation alors même qu’il s’agit là d’un espace de dialogue associant professionnels et citoyens autour de grands enjeux : la santé, l’éducation ou encore l’environnement.

« Nous devons avoir l’humilité de reconnaître qu’il est nécessaire de dépoussiérer nos institutions »

-Pensez-vous que le Président de la République, Emmanuel Macron, devrait cette année (sans élections) prendre une initiative forte en matière de réforme des institutions et des pratiques politiques ?

-Nous devons avoir l’humilité de reconnaître qu’il est peut-être nécessaire de dépoussiérer nos institutions, de les moderniser et de les rendre plus efficaces pour permettre une meilleure représentation de nos concitoyens. Le Président de la République l’a compris et c’est d’ailleurs pour cela qu’il a annoncé son souhait de mettre en place une « commission transpartisane » pour réfléchir à l’avenir de nos institutions. C’est la bonne méthode : concerter, écouter mais surtout entendre, pour réformer nos institutions et revivifier la démocratie dans nos territoires.

Je me réjouis par ailleurs de la création, pour la première fois sous la Cinquième République, d’un ministère dédié au Renouveau démocratique, poste occupé par Olivier Véran. C’est un signal très fort qui produit déjà des résultats concrets : Conseil des Ministres des enfants à Matignon, concertation nationale sur l’avenir du mix énergétique, ou Convention citoyenne pour la fin de vie au CESE. En Seine-Saint-Denis comme partout en France, je suis convaincue que c’est en associant les citoyens à la vie politique de notre pays que nous parviendrons à rompre avec l’abstention et le sentiment de défiance qui peut parfois émerger envers notre classe politique.

(14/02/23)