Nicolas Tenzer: « nous engager davantage contre la Russie de Poutine pour nous protéger » (entretien avec Jean Corcos)

Nicolas Tenzer, enseignant à Sciences Po Paris, senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA), président du Centre d’étude et de réflexion pour l’action politique (CERAP), a été notamment chef de service au Commissariat général du plan, il est membre du conseil scientifique de La Revue Civique. Auteur de trois rapports officiels remis au gouvernement français et de 23 livres – dont « Quand la France disparaît du monde » (Grasset, 2002), « Philosophie politique » (PUF, 1994), « La France a besoin des autres » (Plon, 2012) et « Le monde à l’horizon 2030. La règle et le désordre » (Perrin, 2011). Il tient un blog de politique internationale Tenzer Strategics. Son dernier ouvrage Notre Guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique (Ed. de l’Observatoire, 2024), déjà retiré trois fois depuis sa parution (en janvier), est devenu l’ouvrage de référence sur la guerre russe contre l’Ukraine. Il propose une relecture en profondeur de nos concepts stratégiques à partir d’une analyse serrée des fautes, potentiellement mortelles, des dirigeants occidentaux. Entretien ici avec Jean Corcos pour la Revue Civique.

-La Revue Civique : Vous écrivez en introduction : « Pendant 22 ans, Poutine n’a fait qu’avancer et le monde libre n’a fait que reculer devant lui ». Et vous rappelez ce qui a précédé l’invasion de l’Ukraine, la Géorgie en 2008, le Donbass et la Crimée en 2014, le recul d’Obama concernant la Syrie en 2013 puis l’aide décisive de la Russie qui a sauvé Assad en 2015. Vous dites aussi : « Le monde dans lequel nous entrons devra prendre la Syrie comme ce point zéro de nos cécités du passé ». Pourquoi cela ? Pourquoi ce long aveuglement ? Et pourquoi les crimes russes passés n’ont pas, pendant si longtemps, marqué les Occidentaux ?

-Nicolas TENZER : On pourrait certes invoquer, à raison, la complaisance, sinon la corruption, l’absence de sens moral ou encore la couardise. Mais il est sans doute une raison plus fondamentale en particulier chez des dirigeants qu’on ne peut a priori accuser de ces travers : l’absence de compréhension intellectuelle de ce qui était à l’œuvre dans la Russie de Poutine et, plus profondément encore, l’usage désuet de concepts géostratégiques inadaptés à la spécificité de la menace russe. J’évoque en particulier dans ce dernier livre le manque de compréhension de l’idéologie poutinienne, voire même l’absence de souci de la considérer. Ce n’est pas parce que le maître du Kremlin n’a pas écrit de Manifeste du Parti communiste, de Mein Kampf ou de Petit Livre rouge qu’il n’existe pas une idéologie, faite de bribes certes décousues, mais visant à saborder les principes de liberté, de droit et de dignité.

« En massacrant en toute impunité, le régime russe défiait les démocraties. Poutine entend bien détruire l’ordre international instauré à Nuremberg »

Ces dirigeants n’ont pas non plus voulu voir que, pour le régime russe, le crime était le message. En massacrant en toute impunité, d’abord en Tchétchénie, puis en Géorgie, plus encore en Syrie et en Ukraine, sans parler de certains pays d’Afrique, il défiait les démocraties en leur signifiant que les principes mis en place après la Seconde Guerre mondiale n’étaient pas si sérieux qu’ils l’avaient proclamé. Poutine entend bien détruire l’ordre instauré à Nuremberg. De fait, ses meurtres délibérés de civils ont été encore plus nombreux que ceux combinés d’Al-Qaïda, de Daech et du Hamas. Nous avons des groupes terroristes, mais aussi un État terroriste qui doit être considéré comme tel sur le plan juridique. Le fait que les dirigeants occidentaux aient détourné les yeux des crimes massifs, commis en plein jour et en direct, est non seulement une faute morale, mais aussi un péché stratégique. Ce n’était pas du réalisme, comme certains le proclamaient, mais son exact contraire. Déjà du temps de l’URSS, Raymond Aron, sur lequel je m’appuie souvent dans ce livre, avait mis en garde contre le pseudo-réalisme.

De ce point de vue, la Syrie constitue un tournant, à la fois par la propagande qui s’est déchaînée à ce moment-là et, plus encore, par l’inconscience qu’elle a provoquée. Le refus d’Obama d’appliquer les lignes rouges qu’il avait lui-même fixées après les attaques chimiques contre la Ghouta en 2013, puis sa non-intervention au moment du siège puis de la chute d’Alep, ont fait du « plus jamais ça » une terrible plaisanterie forte de conséquences stratégiques majeures. Si Assad, la Russie et l’Iran avaient été arrêtés en Syrie, Poutine n’aurait jamais attaqué l’Ukraine. Antérieurement d’ailleurs, l’absence d’intervention en Géorgie en 2008 a eu pour conséquence la Syrie et l’Ukraine. Le retrait des troupes d’Afghanistan, engagé par Trump et décidé par Biden en août 2021, fut comme un blanc-seing donné à Poutine pour lancer sa guerre totale contre Kyiv. Tous ceux qui, depuis plus de dix ans, alertaient sur le danger russe, pas seulement moi, ont été comme marginalisés, pas seulement en France bien sûr, et considérés comme de dangereux fauteurs de guerre. Cette faute historique a non seulement coûté des centaines de milliers de vies, mais également accru la menace sur la sécurité même de l’Europe. Notre réponse aujourd’hui sera certainement plus coûteuse que si elle avait eu lieu il y a dix ans ou avant.

« Dans l’idéologie de Poutine, ceux qui n’acceptent pas d’être esclaves sont destinés à la mort (par exemple en Ukraine). Cette politique de terreur n’épargne pas celles et ceux qui lui résistent en Russie »

-La Revue Civique : Pour vous, l’essence même du régime de Poutine est le crime. « Il devient l’idéologie, et la suscite », et vous établissez ainsi une analogie avec les régimes nazi ou communiste, où l’idéologie a justifié la mort de millions de personnes. Quelles sont les dimensions criminelles spécifiques à son régime ? Pourquoi avoir choisi le qualificatif de « révisionniste », à propos de la Russie, de l’Iran et de la Chine ? Et que répondre lorsque sont opposés des crimes de guerre passés des États-Unis, au Vietnam ou en Irak ?

-Nicolas TENZER : Le crime est assurément propre à la personne de Poutine lui-même. Comme agent du KGB en Allemagne, il a vraisemblablement aidé la Rote Armee Fraktion, mouvement terroriste allemand. Puis, il devient un petit mafieux à Saint-Pétersbourg, en lien avec le grand banditisme. Comme Premier ministre en 1999, pour se faire élire Président en 2000, il devait déclencher la seconde guerre de Tchétchénie en demandant au FSB de fomenter trois attentats meurtriers en Russie même, les attribuant aux Tchétchènes, pour justifier sa guerre. Le crime est d’abord une chose concrète chez Poutine. Puis, il a compris que c’était une arme à plusieurs tranchants : tenter de terroriser les populations civiles pour les soumettre, menacer directement les démocraties, et, sans doute plus encore, mettre à exécution un projet d’éradication, particulièrement visible en Ukraine, et dont il n’avait jamais dissimulé l’intention. Ne pouvant obtenir la reddition des Ukrainiens, il a décidé de les éliminer – physiquement. Il tue tout ce qu’il peut tuer. Le meurtre de certainement plus de cinquante mille civils à Marioupol, les exécutions sommaires, parfois d’enfants, les frappes délibérées sur les hôpitaux, les écoles, les marchés, les gares, sans aucun objectif militaire, participent d’un projet d’élimination. Ceux qui n’acceptent pas d’être esclaves, dans son idéologie, sont destinés à la mort. Cette politique de terreur n’épargne d’ailleurs pas celles et ceux qui lui résistent en Russie même. Son projet n’est pas la « grandeur » de la Russie, mais, dans la réalité des faits, sa destruction. On retrouve une sorte d’idéologie millénariste d’ailleurs chez plusieurs de ses soutiens qui prend la forme d’une sorte de culte de la mort dont je donne plusieurs exemples dans Notre Guerre. Un esprit « normal », pour paraphraser ce que David Rousset disait des nazis, ne peut pas concevoir que c’est seulement possible, que tout est possible. Or, c’est précisément cet extrémisme dans la destruction que certains dirigeants, tout à leur désir d’enfermer la guerre dans une sorte de guerre classique, se refusent à comprendre. Ils ne parviennent pas à penser radicalement devant le mal précisément radical. Ils pensent pouvoir traiter avec mesure ce qui n’a aucune mesure.

Quant au révisionnisme que vous évoquez, il comprend deux éléments. Le premier est le révisionnisme historique qu’on voit à l’œuvre en Russie avec la glorification de Staline et le silence sur le pacte Molotov-Ribbentrop, comme en Chine avec le refus de regarder en face les crimes de Mao pendant la Révolution culturelle et le « Grand Bond en Avant », et après avec les massacres de la place Tian’anmen. C’est comme si vous aviez en Allemagne un dirigeant qui refusait de considérer la réalité de la Shoah. Le second est la révision par la force des frontières établies par le droit international. C’est aussi directement la résultante de la faiblesse des dirigeants démocratiques à son endroit. Il est notamment frappant de considérer que certains spécialistes des questions internationales refusent même de l’inclure dans leur analyse.

« Le whataboutisme consiste à dévier de sujet pour refuser de se prononcer sur les crimes actuels »

Alors oui, bien sûr, certains évoquent les crimes commis par les États-Unis ou par les puissances coloniales. Cela relève certes d’une technique bien documentée : celle du « whataboutisme », qui consiste à dévier de sujet pour refuser de se prononcer sur les crimes actuels. La différence fondamentale est que vous avez, aux États-Unis et dans les démocraties européennes, des débats sur les crimes commis au Vietnam ou pendant la seconde guerre d’Irak. A l’époque même, vous aviez des manifestations-monstre. La France, le Royaume-Uni, l’Espagne et le Portugal notamment acceptent de faire la vérité sur les crimes commis pendant les guerres coloniales. Cela continue d’ailleurs de nourrir le débat public. Vous n’avez rien de tout cela en Russie : si vous contestez ce que le régime nomme « l’opération militaire spéciale » en Ukraine et, a fortiori, si vous dénoncez les crimes commis, vous perdez la liberté, sinon la vie. Au demeurant, autant je condamne la seconde guerre d’Irak, autant je ne mettrais pas en balance l’intentionnalité purement criminelle du Kremlin et les exactions, qui doivent être condamnées et jugées, commises par les Américains en Irak.

« Poutine veut aller beaucoup plus loin dans son annihilation de l’ordre juridique mondial que les dirigeants soviétiques »

-La Revue Civique : Vous dites dans votre livre que nous ne vivons pas le retour de la « guerre froide », formule commode pour reproduire un schéma passé ; pourtant, à l’époque, les conflits aux marges de chaque bloc avaient été aussi très meurtriers ; et on était également dans une rivalité entre les États démocratiques et des dictatures : en quoi la situation présente est-elle à la fois différente et plus dangereuse – vous parlez même d’une « guerre absolue » ?

-Nicolas TENZER : D’abord, je me méfie des analogies historiques. Le fait est que la guerre directe de Poutine contre l’Ukraine est très différente des guerres de procuration pendant la guerre froide. L’URSS voulait étendre sa domination et celle de son idéologie mais paradoxalement ne remettait pas, au moins dans le discours, l’ordonnancement juridique du monde. Fait sans doute trop peu remarqué, le risque de conflit nucléaire était beaucoup plus important alors que maintenant. Aujourd’hui, certes, Poutine entend rétablir la zone d’influence perdue par la Russie lors de l’effondrement de l’URSS – il est en cela néo-impérialiste et néo-colonialiste. Mais son objectif fondamental est plus de détruire que de conserver. Il souhaite aussi aller beaucoup plus loin dans son annihilation de l’ordre juridique mondial que les dirigeants soviétiques. Il y avait sans doute une forme de rationalité chez les dirigeants soviétiques, du moins après Staline, qui n’existe pas, sauf sur le mode instrumental, chez Poutine. Sa volonté de « guerre totale », on ne le note pas assez, n’a aucune frontière, ni limite conceptuelle. Il est même prêt à sacrifier la Russie pour cela – et il a déjà commencé à le faire en envoyant ses hommes se faire tuer par centaines de milliers. Il pourrait en sacrifier des millions que cela ne lui poserait aucun problème, ni moral, ni stratégique.

« La réalité est qu’on ne peut gagner une guerre, notre guerre, par procuration, sans une forme d’engagement de notre part. On ne trouve aucun exemple historique de cela »

-La Revue Civique : Concernant la guerre en Ukraine, vous soulignez que l’article 51 de la Charte des Nations Unies aurait pu permettre une assistance militaire directe depuis deux ans, et même sans adhésion à l’OTAN. Vous êtes optimiste sur le rapport des forces conventionnelles, en disant aussi que la dissuasion nucléaire n’est qu’un épouvantail de part et d’autre. Cette assistance n’est-elle pas maintenant vitale, alors que l’armée russe retourne à l’offensive ? L’hypothèse d’un lâchage américain vous semble-t-elle crédible ?

-Nicolas TENZER : Dès le 24 février 2022, date de déclenchement total de la guerre russe contre l’Ukraine, j’appelais à une intervention directe, sans nécessairement des troupes au sol à l’époque, contre les troupes russes ayant envahi l’Ukraine. A vrai dire, je l’affirmais déjà en 2014. L’article 51 permet en effet non seulement à l’État agressé de frapper des cibles militaires et infrastructures logistiques en territoire ennemi mais aussi à tout pays qui se porterait à son secours de le faire également. Cela s’appelle la légitime défense, consacrée par le droit international. A l’époque, les dirigeants occidentaux l’ont refusé, en large partie parce qu’ils étaient eux-mêmes influencés par les récits russes. Je les démonte dans mon livre : pendant 22 ans, et malheureusement pour partie encore aujourd’hui, ces prétendues lignes rouges de Poutine ont entravé notre action et la Russie s’est renforcée militairement.

Je montre aussi comment, depuis longtemps, Poutine utilise le chantage nucléaire, qui trouve aussi des résonances dans le discours apocalyptique de certains de ses affidés. Je vois aussi certains conseillers américains reprendre le récit d’une guerre généralisée entre la Russie et l’OTAN, sinon d’une Troisième Guerre mondiale, qui sont là aussi des idées instillées par la propagande russe dans leur esprit. Entre parenthèses, je crains beaucoup plus la propagande douce, dont je montre les chevilles rhétoriques, qui influence les dirigeants que la dure à destination d’un public crédule, car elle a beaucoup plus de conséquences en termes d’action, ou plutôt d’inaction. Je suis d’ailleurs heureux qu’Emmanuel Macron, ayant rompu avec ses illusions passées, ait depuis le 26 février considéré la possibilité d’envoi de troupes conventionnelles en Ukraine, que je suggérais depuis plus d’un an. La réalité est qu’on ne peut gagner une guerre, notre guerre, par procuration, sans une forme d’engagement de notre part. On ne trouve aucun exemple historique de cela. Nous devons agir donc sans limitation, autre que nucléaire. La Russie n’a pas les moyens, devant les forces de l’OTAN, même si elle est passée en économie de guerre et bénéficie du contournement des sanctions, de mener une guerre victorieuse.

Je crains bien sûr toujours un abandon américain soit, hypothèse la plus inquiétante, que Trump l’emporte le 5 novembre, soit même qu’un Joe Biden réélu continue toujours à jouer au fond du court. Une non-défaite radicale de la Russie serait un sombre présage pour la sécurité de l’Europe et au-delà, elle serait un signal désastreux envoyé à Pékin. Nous devons aller jusqu’au bout, d’abord en Ukraine, puis au-delà, partout où Poutine maintient son joug.

« La Russie de Poutine doit être totalement vaincue, car sinon elle poursuivra ses guerres là et ailleurs »

-La Revue Civique : Vous l’écrivez plusieurs fois, au-delà de la survie de l’Ukraine il faut stopper le projet de mettre à bas toutes les normes qui sous-tendent les relations internationales. Pour vous et malgré des analogies « Poutine n’est pas Hitler » ; mais la Russie doit être totalement vaincue et traitée comme l’Allemagne en 1945 car ce régime restera une menace durable s’il n’est pas éradiqué : et vous évoquez le paiement de dommages de guerre, ainsi que le jugement de tous ses dirigeants. Mais comment l’obtenir sans révolution improbable du peuple russe ?

-Nicolas TENZER : En réalité, je montre à la fois que Poutine n’est pas littéralement Hitler, parce que les circonstances sont différentes, mais aussi que dire qu’il ne l’est pas serait une erreur aussi, parce que cela reviendrait à relativiser son objectif criminel de grande ampleur. Je mène aussi une longue réflexion dans mon livre sur la catégorie du « mal absolu » et je montre que Poutine et son régime obéissent bien à cette définition. Il faut penser la guerre russe sur l’horizon de la guerre de Hitler, non sur celle de 1870 ou des guerres du XVIIIe siècle. C’est pourquoi la Russie de Poutine doit être totalement vaincue, car sinon elle poursuivra ses guerres là et ailleurs. Poutine, c’est le projet de guerre perpétuelle.

D’abord, il faut refuser toute perspective de négociation, même reculée, avec ce régime. Les seules négociations de paix possibles, comme avec l’Allemagne et le Japon bien après 1945, l’ont été avec des régimes devenus démocratiques et aux conditions des vainqueurs. Ensuite, admettre que l’Ukraine pourrait céder des territoires, ce serait faire du droit international un chiffon de papier, laisser à Moscou le temps de se réarmer et accepter que demeurent des territoires sous son joug, ce qui signifie torture, exécutions sommaires et déportations d’enfants – un crime de génocide selon la Convention du 9 décembre 1948 – comme on le voit avec les territoires qu’elle occupe. Cela signifierait que les démocraties accorderaient à Poutine un permis de tuer.

Dans mon livre, je consacre aussi tout un chapitre au devenir de la Russie après la victoire de l’Ukraine et des démocraties. Vous avez raison : je n’imagine pas un renversement immédiat du régime russe, avec Poutine ou quelqu’un d’analogue. C’est pourquoi les dirigeants démocratiques doivent avoir un plan de long terme que je développe : maintenir les sanctions et même les renforcer, refuser toute forme de business as usual avec la Russie, conserver en quelque sorte une pression maximale tout en envoyant, par tous les canaux possibles, des messages au peuple russe. Cela prendra peut-être des décennies mais ni la punition des crimes, ni le retour des enfants ukrainiens déportés, ni le paiement des dommages de guerre ne sont négociables. Il faut seulement espérer qu’un jour les enfants russes apprendront les crimes qui ont été commis au nom de leur pays, que s’esquissera dans leur âme une culpabilité russe comme il y eut une culpabilité allemande telle qu’en parlait Karl Jaspers et qu’un dirigeant russe prononcera, comme le président allemand Richard von Weizsäcker le 8 mai 1985, quarante après la capitulation nazie, un discours où il célébrera la défaite, en l’occurrence russe, et la victoire alliée. C’est sans doute un espoir ténu, mais si nous n’agissons pas dans ce sens les sombres temps seront à nouveau devant nous. Cela serait un moment 1945 à l’envers.

Propos recueillis par Jean CORCOS

(12/05/2024)