« La performance sociale et environnementale », « nouvelle étape » de l’entreprise: Antoine Frérot, Président de Veolia

Le Président de Veolia, Antoine Frérot, était l’invité des « 10èmes dialogues de l’inclusion et de la RSE », organisé deux ans après la « Loi Pacte », qui a instauré la « raison d’être » de l’entreprise. L’occasion pour le patron de ce grand groupe mondial de livrer sa conception non seulement de l’engagement social, sociétal et environnemental de l’entreprise mais de la finalité de l’entreprise, qui doit pleinement intégrer cette dimension pour se développer. Une « nouvelle étape » s’ouvre, observe-t-il, où l’entreprise doit passer de la « responsabilité » sociale et environnementale » à « la performance sociale et environnementale ». Cela induit, selon lui, une exigence commune, de même niveau, avec la performance économique et financière de l’entreprise. Une vision originale, volontariste et audacieuse dans le monde patronal. Extraits ici de cette intervention, sur un sujet majeur pour la vie future des entreprises et leur rôle (et leur perception) dans la société.

« L’utilité d’une entreprise ne se limite pas à ses performance économique et financière », tient d’emblée à observer Antoine Frérot, l’entreprise est et doit être utile à tous ceux qui s’engagent avec elle, et ils sont nombreux – clients, salariés, actionnaires, fournisseurs, territoires, représentants des générations futures, et de l’engagement pour la planète…», « la raison d’être » d’une entreprise doit « évoquer et témoigner de cela » : « pour Veolia, la raison d’être ne doit pas se limiter à ce que l’entreprise veut faire. Elle doit indiquer pourquoi elle est utile. Elle doit aussi ajouter à qui elle est utile. Et, enfin, comment elle est utile. La raison d’être ne se réduit pas à un court paragraphe ou à un slogan » insiste Antoine Frérot.

Antoine Frérot, le Président de Veolia développe une vision stratégique de l’entreprise.

Le président de Veolia pense que nous sommes dans une période où la réflexion stratégique de l’entreprise doit changer, passer à une étape nouvelle et supérieure de prise en compte des enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux dans « une exigence commune », d’objectifs et de moyens, avec les objectifs strictement économiques et financiers. La RSE – Responsabilité Sociale de l’Entreprise – indique-t-il, « a permis de faire beaucoup de progrès depuis une vingtaine d’années » mais, ajoute-t-il, « elle se limite à une responsabilité », elle ne se définit pas en « une finalité », à un objectif qui, à ses yeux, doit donc réunir les performances extra-financières et les performances financières. Car pour lui, ces deux dimensions sont étroitement liées, et font et feront « la force » de l’entreprise, la puissance d’un développement durable, respectueux de l’environnement et porté par la société.

« La performance financière était l’objectif numéro un, la RSE le complément… la cerise sur le gâteau » analyse Antoine Frérot. A l’avenir, ajoute-t-il, « la raison d’être devrait permettre de dépasser ce stade-là : au lieu de responsabilité sociale et environnementale, on devrait parler de performance sociale et environnementale, et apporter des preuves de ces performances ».

Ce grand patron souligne ainsi que l’époque, ses exigences et ses impératifs – à la fois sociaux et climatiques -, doivent inciter rapidement les entreprises, grands groupes en tête, à revisiter leur modèle passé : « c’est en apportant des éléments de preuve (à la performance sociale et environnementale), dans toutes les dimensions de l’entreprise, qu’on apportera la preuve que c’est parce que l’entreprise est utile, et utile à beaucoup, qu’elle est prospère, également du point de vue de ses performances économiques et financières ».

« L’entreprise à performance plurielle n’est pas bisounours. Non, il s’agit d’une entreprise forte, parce que soutenue. Soutenue par tous ceux qui s’y engagent. C’est cette force là qui permettra la pérennité » (Antoine Frérot)

De ce point vue, prospectif et quelque peu iconoclaste dans la bouche d’un grand patron, non seulement les préoccupations économiques et sociales sont liées mais les objectifs et les actions de l’entreprise sont imbriquées, et non hiérarchisées, la dimension économique ne devant pas dominer, encore moins occulter, la dimension sociale et environnementale. « Ce qui ne veut pas dire que l’entreprise à performance plurielle soit une entreprise ‘bisounours’, insiste-t-il. Non, il s’agit d’une entreprise forte, parce que soutenue. Soutenue par tous ceux qui s’y engagent, qui y trouvent un intérêt. C’est cette force là qui permettra la pérennité, avec tous ceux qui bénéficie d’un partage (des objectifs et des actions), par le dialogue ».

Cette vision, qui place le social, le sociétal et l’environnemental, au cœur de la stratégie de développement économique durable, Antoine Frérot est convaincu qu’elle produit de l’efficacité : « c’est la caractéristique de cette force que de solidariser tous ceux qui s’engagent avec elle ». Une « force solidaire » que « l’entreprise doit bâtir » dans une perspective qui n’est pas centrée sur des bienfaits abstraits ou théoriques mais sur des atouts précis en termes d’efficacité et de puissance.

Et Antoine Frérot de résumer en une formule, qui contient sa petite révolution conceptuelle : « c’est parce que l’entreprise est utile qu’elle est prospère, et pas l’inverse, contrairement à ce qui a été professé depuis 20 ou 30 ans ». Performances plurielles, exigence commune, intégration des parties prenantes dans une stratégie – et des décisions – de développement durable, culture de la preuve en matière sociale et environnementale : une démarche audacieuse, de nature à faire débat, et à entraîner dans la société.

JPM

(21/06/21)

LA VIDEO complète ci-dessous: l’intervention d’Antoine Frérot est à 1:02:55 ; puis à 1:49:15 et à 2:06:05.

– Le « Manifeste » Veolia pour « la transformation écologique ».

Antoine Frérot, Président du groupe français Veolia.