Amitié franco-allemande, coopération transfrontalière, Traité de l’Elysée d’Adenauer-de Gaulle à Macron-Merkel… non, contrairement au flot de fake news colportés, aucun accord ne « livre à l’Allemagne l’Alsace et la Lorraine » ! Bien au contraire, une entente se renouvelle pour développer des coopérations sur un pied d’égalité entre les deux pays, en bien des domaines: Education, Défense, diplomatie, Culture…
Dans le domaine de l’énergie, beaucoup de progrès sont encore à faire, on le sait, pour rapprocher les stratégies des différentes Etats de l’Union Européenne, celles de la France et de l’Allemagne en particulier. Un grand événement en ce secteur, les Assises de la transition énergétique (à Dunkerque), a permis de faire « focus » sur un cas à la fois particulier et emblématique, une phase d’expérimentation engagée en matière de « coopération énergétique » et de « transition énergétique partagée » entre les deux pays. Objectif: dépasser les obstacles – et les handicaps en ce domaine – des frontières trop rigides pour engager « une coopération transfrontalière d’optimisation énergétique locale ». Nom de l’opération: « l’initiative Smart Border (SBI) ».
Secrétaire général d’ENEDIS, l’opérateur français de la distribution d’électricité, Michel Derdevet s’est exprimé en expert de ce sujet, lui qui avait remis au Président de la République, en 2015, un rapport publié à la documentation française (lien en bas de page), qui contenait cette proposition (numéro 3) qui a fait son chemin. Ce projet, qui pourra essaimer avec ses leçons d’expérience, concerne une zone frontalière clé, située entre le territoire Lorrain (région « Grand Est ») et le puissant Land allemand de la Sarre (et le Luxembourg), zone qui couvre une population d’un million d’habitants et concerne plus de 100 000 travailleurs transfrontaliers.
Dans le viseur de l’expérience, l’objectif est bien de favoriser une « stratégie de mobilité transfrontalière à faible émission de carbone » et de favoriser concrètement par exemple la programmation du bon « positionnement des bornes de recharge pour les véhicules électriques ». Quand on est dans la vie réelle et quotidienne de ces territoires, on voit bien que les thèses nationalistes qui tendent à séparer les pays plutôt qu’à les rapprocher contrevient aux intérêts des citoyens dont les usages, en matière d’énergie et d’environnement, dépassent naturellement la limite des frontières.
Dépasser « l’effet frontière » pour le bien commun de « l’efficacité et de la transition énergétique ». En particulier en perspective du développement du véhicule électrique, et des énergies renouvelables.
A quoi répond cette expérimentation originale, en ce domaine énergétique où les logiques nationales et les usages techniques peuvent parfois se contredire ? Il répond d’abord à une perspective d’avenir: « répondre au développement de la production locale d’énergie renouvelable » et « à la croissance des nouveaux usages, parmi lesquels figure au premier plan la mobilité électrique », en particulier celle de la voiture. L’enjeu, en vue d’une évolution accélérée des pratiques en ce domaine des véhicules électriques, est de « déployer des réseaux de distribution (d’électricité) de part et d’autre de la frontière », de manière cohérente et fluide, « tout en facilitant l’augmentation de la production d’énergie renouvelable, en permettant le transfert de cette production de part et d’autre de la frontière ».
Techniquement et réglementairement, le sujet n’est pas forcément simple mais l’idée, portée dans cette expérimentation de coopération par les deux opérateurs (le français ENEDIS et l’allemand INNOGY), est de dépasser « l’effet frontière » en ce domaine « de l’efficacité et de la transition énergétique ». Ingénieurs, techniciens et opérateurs des deux côtés de la frontière franco-allemande sont donc entrain d’expérimenter concrètement des systèmes de coopération, pouvant correspondre aux intérêts des citoyens-usagers d’énergies, qu’ils soient français ou allemands.
Michel Derdevet soulignait dans son intervention l’objectif majeur de réaliser à terme une « véritable Union (européenne) de l’énergie ». En rappelant la fameuse formule de Jean Monnet, pour lequel l’Europe se doit de devenir une entité entraînante, « qui ne coalise pas uniquement des Etats mais unisse aussi des hommes ».
Léonard TEMOIN
(janvier 2019)