La Présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, répond aux questions de La Revue Civique: elle évoque le civisme des usagers des transports publics, la révolution en cours du télétravail, ses évolutions personnelles dans cette crise. Elle évoque aussi les grandes évolutions attendues en ce qui concerne l’Etat, sa gouvernance et le #SeReinventer présidentiel: la Présidente du mouvement ‘Libres’ appelle de ses vœux « un mouvement de décentralisation puissant », qui ne peut attendre. Entretien.
-La Revue Civique : dans la 1èrephase de déconfinement, vous avez relevé « le civisme » d’une large majorité des Français dans les transports publics. Qu’est-ce ce qui vous a le plus étonné, positivement, en ce domaine ?
-Valérie PÉCRESSE : Le port du masque a été très bien respecté, notamment sur les plages horaires de la pointe. Ce qui n’était pas évident. C’est un changement qu’il ne faut pas sous-estimer. Nous l’avons accompagné en faisant des distributions massives de masques aux voyageurs pour amorcer le mouvement. En revanche, nous avons senti un relâchement pendant le week-end pour des personnes qui prennent les transports pour leurs loisirs. Attention, week-end ne doit pas rimer avec mise en danger.
Le télétravail, c’est du temps rendu aux Français»
-Le télétravail s’est imposé comme un recours massif pendant le confinement et provoque une petite révolution culturelle dans les modes de vie, pour des millions de salariés (et entreprises). A terme, pensez-vous que cela peut révolutionner les transports en Ile-de-france, et quelles sont en ce domaine-clé des mobilités les orientations à favoriser le plus en cette période ?
-Oui, je le pense. On en parle depuis longtemps sans avancer réellement. A la région, nous avons profité du déménagement de notre siège en Seine-Saint-Denis pour mettre en œuvre le télétravail. Cela nous a permis d’avoir une continuité de l’administration pendant cette crise avec 98 % des agents en télétravail : tous les dossiers ont été instruits et traités, la compta faite à distance, la paye aussi. Bref, aucune rupture dans le service public. Nous avions déjà expérimenté cela au moment de la grève sur les retraites.
Le télétravail, c’est du temps rendu aux Français, quand on sait qu’un francilien passe en moyenne plus de 2 heures dans les transports par jour. Cela doit rester un acquis de la crise.
Mon évolution personnelle ? Une attention redoublée portée aux plus fragiles »
-Le Président de la République a invité tout le monde, s’incluant lui-même, à #SeReiventer. Quelle est, vous concernant, le (ou les) domaine(s) pouvant être concerné par votre propre évolution, s’il en est ?
-Une attention redoublée portée aux plus fragiles. J’étais déjà engagée dans la lutte contre toutes les fractures au sein de la région. La crise sanitaire -et la crise économique qui va la suivre- sont des aggravateurs d’inégalités. Alors, j’ai décidé de dépasser les compétences de la région pour investir massivement le champ social : plan d’aide alimentaire régional, distribution d’ordinateurs contre la fracture numérique, aide financière aux familles dont les enfants n’ont plus accès aux cantines, maisons solidaires pour les sans-abris, aide aux étudiants précaires, garantie immobilière solidaire pour les personnes ayant été atteints de pathologies lourdes et ayant des difficultés d’accès à l’emprunt.
La concorde nationale devrait désormais passer par une vraie confiance faite aux régions »
-La crise sanitaire a appelé un esprit de « concorde nationale », plus ou moins respecté (pas vraiment du côté de l’extrême droite et de l’ultra-gauche). Avec les élections municipales, la démocratie reprend tous ses droits. Mais le paysage et les usages politiques ne doivent-ils pas se recomposer, et eux aussi de réinventer dans les mois qui viennent ?
-La concorde nationale devrait passer par une vraie confiance faite aux régions qui ont fait la preuve de leur agilité et de leur efficacité pendant la crise. Nous sommes des piliers de la relance de l’économie à venir. La crise sanitaire a mis en évidence la faillite de l’Etat, quand il veut s’occuper de tout, tout seul. Et quand il impose d’en haut des règles bureaucratiques tatillonnes. L’Etat doit lâcher prise, avec un mouvement de décentralisation puissant qui fasse le choix de la proximité et des territoires.
Propos recueillis par Jean-Philippe MOINET
(30/05/20)