Lors d’un petit déjeuner de rencontre-débat, organisé par la Revue Civique avec le trimestriel We Demain (le 23/01/17) au CEVIPOF-Sciences Po, le Président du CRIF, Francis Kalifat a abordé la question des dangers de la montée de l’extrême droite, en France et en Europe. Il y a notamment souligné la nécessité de maintenir et de renforcer la vigilance contre le FN et la candidature de Marine Le Pen à l’élection présidentielle. Même si la stratégie de cette dernière est de « dédiaboliser » le parti d’extrême droite, il est important, a-t-il rappelé, que soit maintenu un « cordon sanitaire » contre ce mouvement qui, selon lui, « a initié les mouvements populistes en Europe » et qui reste, « derrière la vitrine », un « mouvement d’extrême droite » aux dangers certains, ce mouvement restant notamment porteur de l’idéologie racialiste dîte « identitaire » d’extrême droite (et le lieu d’accueil et de prise de responsabilité, de partisans actifs de cette idéologie).
Interview vidéo Revue Civique, réalisée le 23.01.17
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Francis Kalifat, évoquant son parcours personnel, a rappelé les grandes missions du CRIF : « Si l’objectif du CRIF, au départ, était principalement d’aider à la création de l’Etat naissant d’Israël, nous nous assignons trois objectifs principaux : la lutte contre l’antisémitisme, la lutte pour les droits humains et la préservation de la Mémoire ».
A propos du FN, évoqué rapidement dans l’échange, Francis Khalifat a rappelé les filiations historiques entre le FN d’hier et celui d’aujourd’hui »: « le père a installé la fille » aux commandes de ce mouvement, devenu le premier mouvement d’extrême droite d’Europe. Pour le Président du CRIF, en terme de stratégie, « il y a un jeu, entre le père et la fille ». Ce qui explique par exemple que le père a été officiellement exclu de la présidence d’honneur du parti (dans des formes qui ont d’ailleurs été remises en cause par la justice, Jean-Marie Le Pen ayant été réintégré) mais que le père et la fille se soient entendus, par exemple pour que la structure financière du père contribue au financement de la campagne présidentielle de la fille.
« La marque identitaire racialiste » au FN,
« bien sûr c’est dangereux »
Le Président du CRIF relève la présence de responsables de la ligne dîte « identitaire » d’extrême droite – les tenants de l’idéologie de la suprématie de la race blanche en Europe – au sein du Front National présidé par Marine Le Pen. Il relève les points communs avec d’autres mouvements populistes d’extrême droite en Europe, « la même base »: une xénophobie virulente et très instrumentalisée, la « marque identitaire racialiste », la radicalité nationaliste et « la volonté de détruire l’idée européenne ». Ces points communs aux mouvements d’extrême droite européens, « bien sûr, c’est dangereux », souligne Francis Khalifat.
« Ce qui est important aujourd’hui c’est de faire un constat : Marine Le Pen a pris le FN en 2011, avec la volonté de conquérir le pouvoir, contrairement à Jean-Marie Le Pen, qui était plus dans la provocation. Ce parti de Jean Marie Le Pen n’avait pas la capacité à arriver au pouvoir et n’avait pas bâti de réel programme pour gouverner la France, c’était un repoussoir. D’où le front républicain de 2002. A partir de 2011 Marine Le Pen arrive avec l’objectif de conquérir le pouvoir, et c’est là qu’a été changé le logiciel du parti. Du moins, pour sa vitrine, pour apparaître comme un parti qui pourrait gouverner la France ».
« Je crois que le Front national a été l’initiateur des mouvements populistes européens. Il ne surfe pas sur cette vague mais en a bel et bien été l’initiateur. D’ailleurs Marine Le Pen fédère ces mouvements au Parlement européen ».
« On reste, avec ce parti, sur un même fil conducteur (…) Marine Le Pen continue de surfer sur l’arrivée des réfugiés en les montrant comme un danger. Le seul point sur lequel elle ne peut pas changer, c’est l’identité qui, au sens des mouvements extrémistes identitaires, conçoit l’identité européenne dans ce qu’elle a de plus détestable, une identité racialiste : voilà le point commun entre tous ces partis d’extrême droite qui trouvent de plus en plus d’audience. Ensuite, les crises économiques et sociales font prospérer ces partis, portés par un désespoir dans certaines couches de la population. Une grande partie de ces désespérés ne croient plus en la capacité, par exemple de la gauche à trouver des solutions à leurs problèmes ».
« Au CRIF, nous tenons à maintenir le cordon sanitaire contre le FN, pour ne pas entrer dans une logique de normalisation des relations avec ce parti. Ce parti entend se servir de la démocratie pour arriver au pouvoir, puis par étapes, détruire la démocratie pour ce maintenir au pouvoir. L’Histoire nous a montré quelles sont les conséquences (d’un tel processus d’accès au pouvoir de ces mouvements), pour les peuples et pour le monde ». C’est pourquoi, pour le Président du CRIF, précisément du fait de la stratégie développée de « dédiabolisation » du FN, la vigilance sur les principes doit non seulement être maintenue mais renforcée.
JPM
(février 2017)
► Le communiqué du Président du CRIF sur les relations à ne pas établir avec les dirigeants du FN
► La déclaration appuyée de Francis Kalifat dans « Actualités Juives »