Au lendemain d’une vague « verte » déferlant dans les municipalités françaises, le Président de la République Emmanuel Macron a ostensiblement reçu à l’Elysée les membres de la « Convention citoyenne pour le Climat », reprenant 146 de ses 149 propositions (issues de 9 mois de travail) et annonçant une réforme d’innovation démocratique.
Non seulement la formule de « démocratie délibérative » est retenue sur cet enjeu clé du Climat mais elle est étendue comme une innovation à prévoir pour d’autres sujets importants. Le chef de l’Etat a ainsi présenté le tirage au sort de 150 citoyens et leur travail élaboré sur plusieurs mois comme une formule qui vient « en complément » pour « enrichir » la « démocratie parlementaire », et non la contredire. Une petite révolution dans « le système » institutionnel française.
» La voie est rouverte pour une réforme des institutions et des pratiques démocratiques, qui semblait placardisée depuis 2018″.
Dans un système institutionnel français particulièrement concentré au sommet et soumis à critique récurrente pour son caractère « pyramidal » et « jupitérien », le chef de l’Etat a ainsi tenu à rouvrir la voie à une réforme des institutions et des pratiques démocratiques, qui semblait placardisée depuis l’été 2018: le surgissement de « l’affaire Benalla » et l’opposition du Sénat avaient semblé bloquer un processus de réforme constitutionnelle, qui était pourtant annoncé comme essentiel par le pouvoir exécutif. La séquence des manifestations houleuses des « Gilets jaunes » avaient certes, au printemps 2019, ouvert la voie à un « Grand débat national » mais sans déboucher sur une réforme profonde des institutions et de la démocratie françaises.
A l’exception notable de la formule de la « Convention citoyenne pour le Climat », qui est progressivement apparue comme un test, à la fois du caractère réaliste des propositions qui pouvaient en sortir et des capacités de synthèse, portées par les citoyens eux-mêmes, entre des mesures vertueuses écologiquement et viables économiquement: « entre la fin du mois et la fin du monde », quelles conciliations possibles ? En reprenant au bond si amplement les propositions citoyennes (146 sur 149), le chef de l’Etat ouvre donc un nouveau cycle d’actions et d’ambitions réformatrices, que ce soit sur l’enjeu environnemental lui-même ou que ce soit sur la question démocratique plus largement. L’Elysée souhaite ainsi sans doute faire coup double, en paraissant entendre l’expression des électeurs, telle qu’elle est apparue lors des élections municipales, et qui ont émis un double signal.
Au record d’abstention (près de 60% des électeurs français n’ont pas souhaité participer à ces élections municipales), signe d’un désintérêt grandissant pour la politique telle qu’elle se pratique traditionnellement, il faut sans doute apporter une réponse forte et structurée : sinon une solution miracle, en tout cas une orientation nouvelle, que peut offrir l’horizon porteur de la « démocratie délibérative », qui permet aux citoyens eux-mêmes de tenter de construire des propositions contribuant à résoudre les problèmes actuels.
» A la percée écologiste d’EELV, Emmanuel Macron se devait de manifester un ‘Je vous ai compris !’, tant l’aspiration environnementaliste traverse l’opinion publique ».
A la percée spectaculaire des écologistes d’Europe-Ecologie-Les Verts (EELV), Emmanuel Macron se devait aussi de manifester un « Je vous ai compris ! », tant l’aspiration écologiste semble amplifiée avec la crise du Covid, et traverse les divers courants et catégories de l’opinion publique. Une manière aussi de dire que « l’écologie et l’économie » sont bien « conciliables », à partir du moment où une bonne synthèse est réalisée entre la nécessité de la production, donc de la croissance économique (pourvoyeuse d’emplois et de pouvoir d’achat), et un respect renforcé de l’Environnement et des Accords de Paris, conclus pour une lutte active contre le réchauffement climatique.
Un train de 146 mesures est donc lancé, à la fois par le Gouvernement (pour les mesures d’ordre réglementaire) et par le Parlement (pour les mesures de niveau législatif), avec même le projet de changer l’article Premier de la Constitution de la Vème République, qui devra intégrer l’impératif écologique dans les principes fondamentaux de la Loi constitutionnelle française. Emmanuel Macron indique aussi à cette occasion que si le train de mesures venait à être ralenti – au Parlement, sous-entendu par le Sénat -, il se gardait la possibilité de passer en force en 2021 par la voie d’un référendum, selon la procédure de l’article 11 de la Constitution, comme a pu le faire le Général de Gaulle au début de la Vème République.
Une manière de prendre date devant l’opinion publique. Et de mettre « le peuple » – tant invoqué par les forces national-populistes – en position de potentiel arbitre en 2021, un an avant l’échéance de l’élection présidentielle. Où l’enjeu écologique et la question démocratique seront sans doute au cœur des débats.
Jean-Philippe MOINET, fondateur et directeur de La Revue Civique, chroniqueur et intervenant en débat et analyses pour divers médias, notamment TV.
(juillet 2020)