La « Defense Innovation Initiative », également appelée « troisième stratégie de compensation » (Third Offset Strategy – TOS), avait été annoncée, en novembre 2014, pour « identifier et investir dans des moyens innovants afin de soutenir et de faire progresser la domination militaire américaine pour le XXIe siècle » et la dissuasion conventionnelle. Le Département de la Défense des États-Unis a annoncé cet ambitieux programme à long terme, axé sur l’innovation pour compenser la concurrence d’États rivaux ou adversaires géopolitiques du bloc atlantique. Les évaluations qui ont servi de base à cette stratégie (la modernisation rapide de la défense chinoise, les ambitions et capacités russes émergentes, la nécessité de favoriser les échanges entre acteurs publics et commerciaux de l’innovation militaire et la généralisation des munitions de précision et des systèmes d’armes guidées, etc.) sont restés pertinentes après les élections de 2016.
Une note d’analyse britannique (publiée en Anglais dans le German Marshall Fund of United States, et résumée ci-dessous) se veut une réponse expliquant comment cette initiative américaine pourrait affecter la coopération militaire à long terme avec les alliés des États-Unis et comment elle est complémentaire de la stratégie géopolitique du Royaume-Uni.
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Accroître l’investissement militaire face à la Russie
L’analyse s’ouvre en notant que si, sur le plan de la politique intérieure, le Royaume-Uni est traversé par de forts clivages notamment sur la question du Brexit, sur les questions de politique extérieure c’est l’inverse : l’immense majorité de la classe politique de ce pays s’accorde sur le maintien d’une géopolitique « suiviste » des États-Unis.
Ainsi, malgré les contraintes financières imposées par la crise économique, Londres partage et fait sien le constat américain, émis par la Third Offset Strategy (TOS), sur la nécessité de maintenir voire d’accroître le soutien financier à la technologie militaire afin de ne pas se laisser distancer par les pays rivaux du bloc atlantique. Et ce d’autant plus qu’il importe, pour les Anglais, de maintenir la « relation d’exception » avec l’Amérique à l’heure de l’isolement diplomatique du Royaume-Uni avec l’UE suite au Brexit. Ce dernier étant porteur d’un risque (relatif) de divergence entre les îles britanniques et le Vieux Continent sur les questions de Défense.
En fait, la détermination britannique sur ce sujet puise son renforcement surtout depuis la crise ukrainienne de 2014 et la révélation au grand jour de l’impérialisme, des capacités de cyber-guerre, de contre-information et de projection militaire de la Russie, dont l’agressivité est particulièrement redoutée par le Royaume-Uni au même titre que par son allié américain. L’étude souligne qu’au-delà d’un réflexe lié aux réminiscences de la Guerre froide, ce ressenti britannique est aussi dû à l’implication forte du Royaume-Uni dans l’OTAN et aux liens stratégiques de longue date tissés entre les Britanniques et les pays d’Europe de l’Est, dont beaucoup redoutent des ingérences perturbatrices de Hard ou Soft power émanant de la Russie.
Contenir la Chine et l’Iran
L’étude rappelle que le Royaume-Uni fait aussi chorus avec les États-Unis sur le plan statégico-militaire dans deux autres zones : l’Asie pacifique (face à la Corée du Nord et les visées chinoises sur Taiwan et les îles Paracels) et le Moyen-Orient (contre l’Iran). Chine et Iran sont aussi redoutés par le Royaume-Uni pour une raison commune avec le cas russe : l’investissement et la concurrence technologique avec l’Ouest dans le complexe militaro-industriel.
La note du German Marshall Fund note que le retour du Royaume-Uni dans la course à l’investissement militaire sera particulièrement difficile pour ce pays qui part d’un point très bas : en 2010, les Britanniques n’investissaient que 1,2% de leur PIB dans la Défense, soit à peu près autant que l’Allemagne et bien moins que la France.