Dominique Moïsi, dans une analyse pour l’Institut Montaigne, examine les changements dans la perception que le monde a de l’Europe après l’élection d’Emmanuel Macron à la tête de la France. Il affirme que sa victoire ne constitue pas seulement « un tremblement de terre politique » national, mais qu’elle permet à la France et à l’UE de montrer que « la montée des populismes n’est pas inéluctable ».
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Tout le monde croyait qu’après le Brexit et l’élection de Donald Trump le moment de Marine Le Pen pouvait arriver, comme si la tendance était irréversible. Comme si le choix des Français s’était consolidé autour de la candidate d’extrême-droite. Ce sentiment « inéluctable », explique le géo-politologue Dominique Moïsi, était particulièrement fort chez les Américains : ils avaient élu Donald Trump, mais l’Europe avait, avec le référendum britannique en faveur du Brexit, précédé les États-Unis dans la voie du populisme ; « la France ne pouvait donc pas brandir l’étendard de la révolte contre celui-ci » !
L’Amérique hésite et la Chine s’en réjouit
En réalité, explique Dominique Moïsi, les électeurs de Donald Trump accordent très peu d’attention aux événements de France. Ils sont partagés entre la surprise et l’hésitation : pour la frange la plus populiste de ces électeurs de Trump, « sur un plan idéologique, ce n’est certes pas une bonne nouvelle, mais sur un plan géopolitique, la victoire d’Emmanuel Macron renforce le pilier européen de l’OTAN et bénéficie donc au monde occidental dans son ensemble ». Et Moïsi d’ajouter : « Donald Trump le pragmatique, contrairement à certains de ses soutiens d’extrême-droite, ne peut que s’en réjouir ». À Pékin en revanche, continue l’auteur, on voit d’un bon œil les résultats des élections françaises : « les Chinois n’aiment pas l’incertitude, surtout pas celle des marchés ».
Une déception pour Poutine
Contrairement à ce que prétendait la Russie de Poutine, souligne l’expert, le vieux continent n’est pas en pleine décadence, il donne encore des signes de vie : « à l’affirmation sans nuance du cynisme et de la force, dans ce qu’elle peut avoir de plus noir, Emmanuel Macron réplique en célébrant sa victoire au son de « l’Hymne à la joie » de Beethoven, devenu l’hymne européen ». En effet, la victoire d’Emmanuel Macron est « incontestablement » une source de déception pour la Russie de Poutine, qui souhaite une Europe « divisée et faible ».
Le géo-politologue considère que 2017 pourrait entrer dans l’histoire comme « l’année de la France », surtout si le nouveau Président peut s’appuyer sur une majorité à l’Assemblée nationale pour réformer en profondeur le pays. Il prévient des conséquences d’une situation inverse : « ce qui est en jeu, ce n’est pas l’avenir de telle ou telle famille politique mais celui de notre pays et, au-delà, celui de l’Europe dans le monde », estime-t-il.
Rafael Guillermo LÓPEZ JUÁREZ
(mai 2017)