François Heisbourg : Poutine « n’est pas du bon côté du présent »

"Rebond" avec LCP

François Heisbourg, conseiller spécial à la Fondation pour la Recherche Stratégique et auteur de La fin du rêve européen (éditions Stock, 2013), était l’un des invités d’Arnaud Ardoin, sur le plateau de l’émission « Ça vous regarde » (le 4 mars) sur La Chaîne Parlementaire. La discussion portait sur le conflit en Ukraine et la possibilité ou non d’une sortie de crise avec la Russie. À l’issue du débat, la Revue Civique lui a posé trois questions. Ses réponses font « rebond » sur les relations entre la Russie et l’Ukraine, mais également sur la volonté d’intégrer cette dernière à l’Union européenne.

François Heisbourg, sur le plateau de Ça vous regarde (capture d'écran)La Revue Civique : L’Ukraine pourra-t-elle redevenir un État tampon entre l’Ouest et l’Est, où devra-t-elle choisir entre la Russie ou l’Europe ?
François Heisbourg : Faute d’interlocuteurs, il n’y a plus actuellement de relations entre la Russie et l’Ukraine. La conséquence de l’action russe en Ukraine au cours des dernières semaines, et plus spécialement des derniers jours, à savoir l’entrée dans une logique où l’Ukraine était sommée d’adhérer à « l’espace eurasiatique » de Poutine, a conduit à la fin de « l’État tampon ». Cette situation, en d’autres circonstances, pourrait être réversible. Poutine pourrait changer d’avis, et les relations revenir à la normale, mais il a envahi la Crimée, et même s’il ne l’annexe pas formellement, dorénavant, il a créé un fait accompli où la Crimée est sous contrôle de la Russie de Moscou et des russes de Crimée. Ces derniers, que j’appelle les « Pieds-Noirs », ne lâcheront pas le pouvoir qu’ils ont du prendre dans ces circonstances. L’Ukraine se trouve donc avec son Alsace-Lorraine. Donc la relation entre l’Ukraine et la Russie sera dorénavant une relation hostile. C’est le produit de la politique de Poutine.

Leur droit démocratique

Vu d’Ukraine, le rêve européen existe-t-il toujours ?
Nous condamnons tous l’action de la Russie, et nous souhaitons tous que les Ukrainiens puissent exercer leur droit démocratique. Mais je n’ai pas entendu de déclaration claire et forte disant qu’il faut offrir une perspective d’adhésion européenne à l’Ukraine. Elle a pourtant vocation, si elle remplit les critères d’adhésion, à devenir à long terme membre de l’Union européenne. Le fait qu’on n’ose pas dire cela, alors que ces gens veulent aller vers l’Europe, montre que nous avons perdu la « part du rêve ».

Pensez-vous, comme Barack Obama l’a affirmé, que la Russie est « du mauvais côté de l’Histoire »?
Madame Merkel avait dit la même chose, mais sa phrase a été moins relevée.  Je pense que sur le fond il a raison, mais ce n’est qu’une formule, c’est l’avenir qui nous le dira. En tout cas, il n’est vraiment pas du bon côté du présent, le résultat n’est probablement pas celui recherché…

Propos recueillis par Émilie Gougache
En partenariat avec LCP


LCP

► Voir sur LCP.fr l’émission Ça vous regarde « Crimée: retour à la case départ ? »