Chronique pour la chaîne Public-Sénat, le lendemain de l’annonce de la mort, au Mali, de 13 soldats français de l’opération Barkhane.
Le deuil est tombé sur les familles. 13 familles, des 13 soldats tués dans cette action de combat nocturne au Mali, où deux hélicoptères sont entrés en collision… C’était naturellement un choc pour ces familles mais aussi pour toute l’Armée française, toujours très solidaire quand un combattant tombe en mission, quelles que soient les circonstances.
Une épreuve qui touche aussi beaucoup les citoyens, qui connaissent le courage de nos soldats, la dureté des combats contre les djihadistes, dont la menace perdure, là-bas comme ici…
Barkhane, cette opération extérieure a été enclenchée en 2013, à la demande du Mali, pour empêcher que ce pays bascule et deviennent une base de déploiement terroriste, et donc une menace terrifiante pour cette vaste région d’Afrique, mais aussi pour la France et l’Europe.
Le djihadisme meurtrier n’a pas de frontière. C’est pourquoi la France, 5 pays du Sahel, ont décidé ensemble dans le cadre des Nations Unies, de mettre sur pied cette opération, qui mobilisent 4 500 soldats français, en lien étroit, de combat, avec les armées de ces 5 pays : Mali, Tchad, Mauritanie, Burkina Faso et Niger.
Une action de vaste ampleur, où les alliés interviennent aussi :
Les Etats-Unis, par un appui important, financier mais aussi en matière de renseignements : par les drones et les satellites américains, qui favorisent nos actions aériennes ou au sol.
Les Européens – espagnols, allemands et britanniques notamment – par des appuis logistiques qui ont une réelle importance, pour les matériels et le ravitaillement de nos soldats.
Le deuil a frappé les familles mais cela n’a pas empêché une polémique politique…
Le jour même où le recueillement pouvait s’imposer, certains élus, de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon en tête, ont mené une critique frontale contre Barkhane s’interrogeant ouvertement sur l’utilité de cette opération militaire. Ce qui a suscité émotion et polémique, oui, pour deux raisons :
D’abord le moment : était-ce le moment ce jour-là d’alimenter un questionnement alors que dans le deuil, l’unité aurait pu –au moins 48 heures – réunir la classe politique ?
Alors qu’un parlementaire, le sénateur Jean-Marie Bockel, ancien Secrétaire d’Etat à la Défense, venait d’apprendre que son fils était tué, était-ce vraiment le moment de s’en prendre à l’opération Barkhane où il servait ? Beaucoup de parlementaires, de tous les rangs, ont été choqués par le moment choisi. On les comprend.
Alors que la France est lourdement touchée, faudrait-il baisser la garde contre le djihadisme ?
Il y a le fond aussi : précisément parce que la France subit de lourdes pertes face aux djihadistes, faudrait-il baisser la garde ? Et quelque part flancher, céder aux assauts des groupes armés terroristes ?
Précisément à cause de ces pertes et du sacrifice de ces 13 soldats, ne faut-il pas au contraire, serrer les coudes et les rangs, renforcer la résistance française et des alliés dans ce combat, qui se durcit contre le djihadisme ? Combat qui va sans doute se prolonger, au Sahel et peut-être ailleurs ?
Dans ces circonstances, il est assez consternant de voir certains élus non pas ouvrir un débat légitime – nous sommes en démocratie, le débat est ouvert et les questions militaires ne sont pas taboues – mais se tromper de moment pour polémiquer et, au fond, sur cet enjeu de Sécurité, se montrer assez irresponsable.
D’autant aussi que le contexte est incertain. Des vies ont été sacrifiées, dans ce combat au Sahel. Et des vies sont toujours en jeu en matière de terrorisme, on le sait trop en France… La menace peut surgir à tout moment
Jean-Luc Mélenchon aurait donc pu avoir la décence minimale, d’attendre que les cercueils de nos soldats soient rapatriés, que la cérémonie d’hommage national soit passée.
L’ancien Ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a d’ailleurs eu cette charge, contre le leader de La France Insoumise : « Je ne l’ai jamais vu tenir, sur aucun sujet, une parole de responsabilité ». C’est clairement dit.
Jean-Philippe MOINET, fondateur de La Revue Civique, est chroniqueur (notamment pour Le HuffingtonPost), intervenant en analyses et débats pour divers médias TV. Il a été président de L’Observatoire de l’extrémisme.
(novembre 2019)