Spécialiste de géo-politique, auteur d’une vingtaine d’ouvrages, chargé d’enseignements notamment à Sciences Po et l’ENA, Nicolas Tenzer préside le CERAP (Centre d’étude et de réflexion pour l’Action politique; think tank). Dans une tribune argumentée publiée par le site The Conversation, la veille du voyage officiel d’Emmanuel Macron en Russie (23/05/18), cet analyste la relation de « dialogue sans concessions » établie entre le Président français et le numéro un russe, Vladimir Poutine, dans le contexte pour le moins agité des tensions au Proche Orient.
Nicolas Tenzer explique que « la propagande du Kremlin va certainement profiter de la visite présidentielle » pour viser deux objectifs : « d’abord, faire apparaître la Russie comme un contrepoids dans le jeu d’équilibre entre les puissances ; ensuite, de manière plus perverse et indirecte, jeter une ombre sur la crédibilité d’Emmanuel Macron vis-à-vis de ses alliés et ce, précisément parce que ce dernier reste pour beaucoup le dernier rempart contre le danger russe. Il appartiendra au Président français de contrecarrer ce récit », ajoute-t-il.
Iran, Europe : la solitude du Président Macron
Cet analyste précise plus loin qu’un autre « élément de risque est lié à l’Europe »: « celle-ci est fortement divisée et la montée des menaces internes pour les libertés et la démocratie, la faiblesse politique de l’Allemagne et surtout la montée de pays plus favorables à la Russie – avec notamment la nouvelle coalition en Italie – ne peuvent que favoriser le dessein de Poutine d’une division de l’Union européenne. »
« Est-ce à dire qu’il n’y aucune possibilité pour Emmanuel Macron de poursuivre ce dialogue avec une main de fer et de dissuader la Russie de nouvelles agressions tant dans la vie politique des démocraties qu’en Ukraine et au Moyen-Orient ? », interroge Tenze. « La réponse est non, d’autant que nous continuons à avoir des alliés (…) il est essentiel, en même temps, de ne pas laisser prise à une propagande russe qui tentera de montrer qu’il existerait un double jeu de la France.
Dialogue en toute connaissance de cause
« Au-delà des révérences faites parfois au discours diplomatique qui pourraient laisser accréditer quelques naïvetés, Emmanuel Macron est sans illusion sur Vladimir Poutine, affirme l’auteur de cette tribune. « Certes, certains mots – humiliation, néo-conservatisme – involontairement empruntés au registre sémantique des relais discrets du récit du Kremlin figurent-ils encore malencontreusement dans certains de ses propos, mais ils sont contrebalancés par le constat d’une opposition nette avec Poutine tant sur sa politique étrangère que sur sa conception de la démocratie. »
(mai 2018)