« Où va la démocratie ? », est une enquête internationale de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol), placée sous la direction de Dominique Reynié. L’ouvrage, qui en découle, est disponible en librairie (aux éditions Plon, Paris, 2017, 320 pages – Prix 25 euros).
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Cette étude d’opinion « Où va la démocratie ? », dirigée par le Président de la Fondapol, a été confiée à l’institut Ipsos, qui a administré un questionnaire à plus de 22 000 citoyens de 26 pays différents d’Europe ou d’Amérique du Nord : l’Allemagne, la Bulgarie, la Croatie, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis, la France, la Grèce, la Hongrie, la Suisse, etc. L’enquête aborde de nombreuses questions, parmi lesquelles l’attachement au vote, la confiance dans les institutions, la montée de l’autoritarisme, la confiance dans les gouvernants mais aussi dans les médias, la peine de mort, l’immigration, l’avortement, les réfugiés ou encore l’islam, etc. Le but de cette étude est de mesurer et d’alerter sur la montée d’une défiance à l’égard des institutions, des acteurs politiques et du monde médiatique dans la plupart des démocraties de l’hémisphère Nord, y compris là où le régime démocratique semblait le plus solidement enraciné. L’enquête vise ainsi à démontrer que, sur de multiples thématiques, le régime démocratique, dont l’avenir ne semble plus aussi hégémonique, se voit concurrencé partout par un désir latent d’autocratie, une étude qui s’attache aussi à comprendre pourquoi.
Premièrement, les chercheurs notent qu’aux sources de ce désir d’autorité, voire d’autocratie, se trouve l’incertitude quant à l’avenir : le vieillissement démographique fragilise les politiques de solidarité (des retraites), indispensables à la cohésion sociale ; la globalisation et le basculement démographique et migratoire font douter de la capacité de régulation, voire de gouvernance, des États. Enfin, on ne met pas encore en doute la valeur du vote mais on s’interroge de plus en plus sur son efficacité.
Les symptômes d’une érosion du principe de démocratie dans les pays analysés sont sans équivoque : baisse quantitative des classes moyennes (ce qui peut générer des instabilités politiques), hausse de l’abstention électorale, montée des populismes et des séparatismes, méfiance croissante à l’adresse des technocraties gouvernementales et des parlementaires… Ainsi, une majorité d’Européens (55 %) et d’Américains (54 %) jugent que la démocratie représentative fonctionne mal. Si les indices de confiance dans la démocratie sont au sommet au nord du Vieux continent (60 % à 80 % des sondés y jugent que la démocratie fonctionne bien), dans l’Europe méditerranéenne (notamment en Italie) et la quasi-totalité de l’Europe ex-communiste (notamment en Bulgarie et en Hongrie), le baromètre descend parfois vertigineusement , tout comme dans l’« Amérique de Trump », relève l’étude de la Fondapol, où la défiance à l’égard de certaines institutions s’accompagne d’une sacralisation d’autres : armée, police…. A cela s’ajoutent le contexte géopolitique et économique actuel : prégnance de la question du terrorisme islamiste, crise économique et financière de 2008 ayant au passage décrédibilisé une partie des élites.
En comparaison, le désir d’autocratie, pour ne citer que l’exemple chinois qui en est la quintessence et qui s’accommode fort bien du capitalisme mondialisé et de la révolution numérique, semble concurrencer une nouvelle fois dans l’histoire la démocratie libérale au sein des opinions publiques des différents pays analysés. Réclamant plus de fermeté et moins de dialogue, ces dernières en appellent de plus en plus clairement à une conception « illibérale » de la démocratie. Un nouveau type d’acteurs, analysé dans cette enquête d’opinuion, semble également personnifier cette « autocratie moderne » et efficace : les multinationales, qui n’ont jamais eu autant de puissance.
Théo LABI
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