Les enjeux du travail et de l’emploi, de leur organisation nouvelle, sont au coeur des débats publics, et sont directement concernés par les Ordonnances qui modifie en France le Droit du travail, les relations employeurs-employés, notamment dans les TPE-PME (qui représente 95% du nombre des entreprises en France, et 55% des emplois).
Dans cette tribune, le Président de la Fondation Travailler autrement, Patrick Levy-Waitz, livre son point de vue sur les avancées que portent, à ses yeux, ces Ordonnances mais aussi leurs limites. Selon lui, la mère des batailles, en terme de législation et de réformes, est à venir : elle concerne la formation professionnelle et l’apprentissage, la bataille des compétences qui permettra à la France , au-delà de toutes loi, de (re)devenir un pays de conquête économique et de rayonnement.
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« La France n’est pas un pays réformable, a déclaré récemment Emmanuel Macron. (…) Il faut lui proposer de se transformer en profondeur. » Les ordonnances, le débat qui les a précédées et celui qui en ressort, sont, à l’évidence, une pierre à l’édifice de transformation du pays. Une pierre certes mais une pierre seulement si l’on veut rester objectif. Ceux qui depuis des années faisaient de la réforme du marché du travail l’apha et l’oméga de la reprise de l’emploi devraient, si l’on était rigoureux, rendre des comptes sur l’amélioration des embauches et la baisse future du chômage. En réalité, tout le monde sait bien qu’il ne faut pas s’attendre à des millions de créations d’emplois par la seule réforme du marché du travail.
Quelle est alors l’avancée des ordonnances du travail ?
Elles ont le mérite d’adresser la question des TPE et PME et d’apporter indubitablement à ces dernières une sécurité dans l’exercice, une demande très forte générée par l’incertitude juridique qui les étreignait. En attendant que soit réglée l’incertitude fiscale, les textes auront avant tout un effet psychologique : redonner confiance aux patrons de TPE et de PME.
Mais le pays ne réussira sa transformation que s’il est capable de créer les conditions d’une réelle activité dans le pays et donc de redéfinir une politique industrielle du XXIème siècle à côté de la Start-up nation que la France semble devenir année après année. La réforme efficace de la formation professionnelle est absolument indispensable, pour anticiper les besoins et développer la capacité des personnes à être orientées et à leur apporter les compétences de demain. Notre appareil d’orientation et de formation doit être simplifié et modernisé et surtout, il doit être suffisamment agile pour répondre aux besoins qui émergent à une vitesse jamais vue dans le passé.
C’est la réforme sans doute clé de voûte de la transformation du pays. Je n’ai jamais cru que la réforme du marché du travail serait la mère des bataille… En revanche celle des compétences l’est, à l’évidence.
La réforme de l’assurance chômage devra ensuite apporter sa pierre à l’édifice de la transformation, tout comme les réformes fiscales qui s’annoncent.
On le voit, les enjeux sont nombreux. On peut juger erroné ou pertinent le changement de paradigme qu’a posé Emmanuel Macron. Force est de constater que les réformes envisagées font système et que pour la première fois peut-être, tous les sujets sont mis sur la table. Il y a donc une réelle possibilité de créer un nouvel état d’esprit dans le pays mais à conditions :
Que l’équilibre entre liberté et sécurité pour les personnes soit réel.
Que les partenaires sociaux et les acteurs de la société civile trouvent une place reconnue dans le nouveau modèle économique et social souhaité par le Président de la République.
Que la réduction de la fracture territoriale soit enfin au cœur de notre projet républicain.
Mais au cœur de ces réformes qui s’annoncent, c’est le paritarisme qui est à tout le moins challengé. Je fais partie de ceux qui ne s’attachent jamais un modèle par principe. Je ne fais pas partie de ceux qui sont béats devant le modèle de cogestion à l’Allemande. Mais attention, il faudra néanmoins réinventer un modèle de dialogue social car une société sans représentation sociale forte est une société en risque, en proie aux extrêmes et aux dérives.
A cet égard, la présence renforcée de représentants de salariés dans les conseils d’administration qui n’a pas été retenue par la loi travail n’est pas un bon signal mais le temps des réformes ne fait que commencer et puisque la confiance est essentielle pour permettre au pays de se transformer gageons que le sujet reviendra sur la table d’ici peu.
Bouger les lignes : c’est le défi essentiel. La Fondation Travailler autrement entend jouer son plein rôle pour le relever.
Patrick LEVY-WAITZ, Président de la Fondation Travailler autrement
@plevywaitz