Les défis du Président Macron et ses priorités (par l’institut Montaigne)

Marc Lazar, professeur d’histoire et de sociologie politique à Sciences Po, rappelle dans un article pour l’Institut Montaigne intitulé « Les défis du Président Macron » que le nouveau chef de l’Etat, le plus jeune Président de la République française, est arrivé au pouvoir un an seulement après avoir constitué son propre mouvement: « performance que seul, en Italie, dans un tout autre genre, avait réussi Silvio Berlusconi qui, en quelques mois en 1994, avait fondé un parti et gagné une campagne éclair ». Ses propositions sont plutôt libérales en économie et pour le marché du travail, « mais un libéralisme à la française où l’État reste toujours présent » relève-t-il, et plutôt de gauche pour la formation, l’école, l’immigration et les questions de société, dépassant ainsi le vieux clivage qui opposait conservateurs et progressistes. Pour ce politologue, il est évident qu’Emmanuel Macron a tenté d’insuffler de l’optimisme dans l’un des pays les plus pessimistes du monde : « mais la tâche qui l’attend est immense ». Décryptage des priorités politiques du nouveau Président. 

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Tout se joue dans les premiers signes, dans les premiers choix, dans les premiers pas, voici l’histoire que l’on nous a toujours racontée, celle des « cent jours » qui marqueraient le destin du pays. Mais Emmanuel Macron refuse cette logique. Quelques jours avant son élection, il affirmait : « on ne peut pas être dans un pays où la campagne dure deux ans et une présidence se réduit à cent jours ! Ces « cent jours » doivent être les fondations d’une action pérenne ». Pourtant, comme le rappelle Blanche Leridon de l’Institut Montaigne, c’est bien un calendrier millimétré que propose le nouveau chef d’État pour ses trois premiers mois à la Présidence de la République.

Marc Lazar, pour sa part, affirme: « il a vaincu mais pas convaincu », même si ses premiers pas ont été salué par de nombreux observateurs.  Lazar rappelle que Marine Le Pen a certes été battue mais qu’elle a réussi à recueillir 10 millions de suffrages. Un score inédit, avec une abstention élevée aussi. Sur fond d’insatisfaction ou de distanciation, Emmanuel Macron a donc devant lui l’énorme tâche de relancer une économie toujours mal en point (malgré les signes de renouveau de croissance), ce qui constitue un handicap dans la négociation avec l’Allemagne qu’il veut vite engager. Et plus largement, « il devra satisfaire aux exigences contradictoires de citoyens qui veulent un Président qui leur serve de référence mais qui les écoute également car l’aspiration démocratique est forte ». Pas de doute qu’il s’agît là « de vastes chantiers » pour le jeune Président, qui s’est rapidement mis à la tâche.

Le nouveau Président souhaite faire de la moralisation de la vie politique l’une des priorités de son quinquennat. Parmi les mesures envisagées, il souhaite par ailleurs donner une orientation favorable à la proportionnelle (qui sera à doser), interdire aux parlementaires d’exercer des activités de conseil parallèlement à leur mandat, réduire d’un tiers le nombre de parlementaires et rendre inéligibles les détenteurs d’un casier judiciaire de niveau B2. Emmanuel Macron a aussi annoncé qu’il lançait un audit des finances publiques françaises, afin de bénéficier d’une vision complète de la gestion en cours, naturellement utile pour l’élaboration de la prochaine loi de finances.

Une autre priorité du quinquennat est la réforme du droit de travail, qui sera lancée avant le début de l’été. Le Président a annoncé qu’il procéderait par ordonnance en vue de simplifier le droit du travail, réduisant le Code aux principes fondamentaux et donnant ainsi la priorité aux accords d’entreprise. L’objectif est d’assouplir les règles s’appliquant aux entreprises tout en protégeant socialement les salariés, une « flex-sécurité » à la française dont les contours devront être précisés.

Pour l’été, il y a aussi la création d’une task force en charge de la lutte contre le terrorisme, placée directement sous l’autorité du Président de la République. Enfin, dès la rentrée scolaire 2017, le chef de l’Etat souhaite réduire par deux les effectifs dans les classes de CP et CE1 dans les écoles « REP » et pour les établissements « très prioritaires », d’autres mesures en matière éducative devant être mises en place sans tarder.

L’Institut Montaigne, à l’occasion de la constitution du gouvernement Édouard Philippe, a mis en avant d’autres mesures à mettre au premier rang des priorités d’action de l’exécutif. En matière économique et de compétitivité, l’institut considère par exemple essentiel : de baisser les prélèvements obligatoires sur l’investissement productif et le travail qualifié et de remplacer le CICE par un allègement pérenne de charges ; de simplifier la fiscalité du capital en mettant en place un prélèvement libératoire à taux unique aligné sur la moyenne européenne ; et de permettre aux startups, aux PME et aux ETI de croître par le biais d’une politique fiscale attractive pour les investisseurs.

En matière de sécurité nationale, l’institut propose que la France se dote d’une stratégie globale de sécurité s’inscrivant dans une logique interministérielle, qui ne doit pas uniquement concerner les moyens mais également les principes, les doctrines et les organisations ; et que l’on renforce l’effort budgétaire de défense pour reconstituer le potentiel militaire français.

Pour l’Union européenne, l’Institut Montaigne s’inscrit dans la logique du nouveau Président et propose d’urgence le renforcement de la zone euro, en la dotant d’une gouvernance plus efficace pour coordonner les politiques nationales et répondre aux chocs économiques, il suggère aussi la réforme de la politique commerciale commune et de la politique de concurrence en achevant le marché intérieur dans certains secteurs clés comme l’énergie et les services financiers, et en favorisant le développement du secteur du numérique.

Enfin, dans le domaine de la politique étrangère, l’institut parisien souhaite que l’administration Macron maintienne un niveau d’ambition élevé dans la foulée de l’accord de Paris pour le climat, que l’UE poursuive des négociations commerciales internationales afin que la France défende ses intérêts et que les entreprises du continent affirment leurs positions hors de nos frontières. Quoi qu’il en soit, conclut-il, rien ne peut être fait sans la construction d’une position européenne qui permettra à la France d’exprimer sa voix, notamment dans le dossier syrien « face à la menace terroriste et aux crimes commis par le régime de Bachar el-Assad ».

Les chantiers du nouveau Président sont à l’évidence nombreux et très consistants. Il va falloir de la détermination – personnelle et collective – pour que, dans les 100 jours et bien au-delà, des résultats tangibles confortent l’optimisme, montrant qu’au-delà des mots, il a concerné les faits.

Rafael Guillermo LÓPEZ JUÁREZ

(mai 2017)

► Les analyses complètes :

Les défis du Président Macron, par Marc Lazar, pour l’Institut Montaigne (en français)

Les 100 premiers jours du Président Macron, par Blanche Leridon, pour l’Institut Montaigne (en français)

Au travail, par l’Institut Montaigne (en français)

La moralisation de la vie publique : acte fondateur du quinquennat Macron