Voici le point de vue de Jean-Dominique Giuliani, Président de la Fondation Robert Schuman, centre de recherche sur l’Union européenne et ses politiques, sur le Brexit. Publié le lundi 17 octobre 2016 dans Ouest France.
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Bien sûr, on peut voir dans le vote britannique du 23 juin pour quitter l’Union européenne, une nouvelle expression de la perfide Albion !
Les Britanniques n’ont pas réussi à s’opposer à la création de la Communauté européenne en 1951. Elle a réussi et ils l’ont rejointe en 1973. Elle est assaillie de défis et ils la quittent. Mais il ne sert à rien de pleurer sur le lait anglais renversé et de faire du sentiment dans une affaire qui regarde d’abord les relations entre Etats.
Il convient désormais de faire en sorte que ce retrait se passe pour le mieux.
Il aura un coût élevé pour le Royaume-Uni, qui va devoir supporter les conséquences de sa désertion. Il en sortira profondément et durablement affaibli.
Les Européens, pour leur part, devront protéger leurs producteurs, leur marché intérieur et ses règles, leurs expatriés et leurs exportations. Aussi convient-il d’être particulièrement vigilant. L’Union ne doit pas faire d’exception à ses principes pour le Royaume-Uni et devra négocier son retrait calmement, sans esprit de revanche ni de punition.
Encore faut-il qu’il en soit de même outre-Manche où un nationalisme débridé et d’un autre âge est en train de déferler sur une classe politique qui a joué avec le feu et s’y brûle les doigts. La nation du libéralisme et du libre-échange se replie sur elle-même, persuadée qu’elle peut tirer son épingle du grand jeu mondial. Rien n’est moins sûr.
L’Union européenne doit donc aborder la négociation qui va s’ouvrir dans un esprit ouvert et ferme avec quelques principes simples.
La sortie du Royaume-Uni de l’Union est d’abord un problème britannique. Il lui appartient de dire quand et comment il entend le faire dans le respect des traités qu’il a signés avec ses partenaires et qui l’engagent. Il devra dire ensuite quel type de relations il souhaite entretenir avec l’Europe continentale, qui constitue une vraie puissance, souvent sous-estimée en son sein même.
L’Europe, pour sa part devra veiller à ce que ses intérêts soient préservés du fait de la défection britannique. Pour la Bretagne, par exemple, on pense d’abord à la pêche qui, représentant environ 30% de la flotte française, concerne plus de 11 000 emplois directs et indirects, à l’agriculture et l’agro-alimentaire, mais aussi au tourisme (1,2 million de nuitées par an). Plus de 14 000 Britanniques vivent en Bretagne. Les Bretons exportent 860 millions € outre-Manche dont la moitié dans l’agriculture ou l’agro-alimentaire et ils en importent 460 millions €.
Enfin, les impératifs de sécurité et de défense nous obligent à confirmer qu’avec les Britanniques, nous appartenons au même camp, celui des démocraties libérales désormais toutes agressées par un populisme simplificateur et défiées par de lourds challenges, celui du terrorisme, du retour de la force dans les relations internationales, des migrations et de l’instabilité à nos frontières.
Tout le monde a donc intérêt à une négociation sereine, globale et raisonnable, loin des grandes et dangereuses déclarations. Soyons concrets et unis sur le plan européen. N’exacerbons pas les différences entre nous car elles ne sont que des nuances à l’échelle de la planète. N’opposons pas les peuples, nous savons ce qu’il en coûte. Faisons preuve de raison et faisons le sérieusement. Chacun s’y retrouvera. L’Union européenne existait avant l’adhésion britannique. Elle existera après.
Jean-Dominique GIULIANI,
Président de la Fondation Robert Schuman
octobre 2016
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