Le Japon : un allié essentiel (et peu connu) de l’Europe

En Europe, les mentions au Japon sont rares. Pourtant, beaucoup nous unit au pays du soleil levant : le respect de la démocratie et des Droits de l’Homme, la primauté de l’État de Droit, des enjeux de sécurité internationale, la promotion de l’économie de marché sont des indicateurs d’un engagement partagé. À l’occasion de l’aboutissement d’un accord stratégique entre l’UE et cet allié naturel, l’European Policy Centre préconise que les dirigeants européens et japonais soient plus ambitieux et aillent plus loin ensemble, dans plusieurs domaines.

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Le Japon est d’une importance majeure pour l’Europe : c’est notre deuxième partenaire commercial en Asie après la Chine ; il est l’un des plus grands investisseurs sur notre continent ; et les exportations au Japon représentent une source de revenus considérable pour les entreprises européennes, notamment dans les secteurs de l’automobile, de la pharmaceutique et du médical, de l’électrique et de l’optique.

D’un point de vue stratégique, plusieurs territoires, localisés dans l’orbite des deux partenaires, composent un arc d’instabilité internationale : le Moyen-Orient, la Russie, l’intérêt de la Chine en Asie du Sud-Est et en Mer de Chine méridionale et la Corée du Nord sont de bons exemples. Dans la sphère interne aussi, le Japon et l’Europe partagent des défis : les deux souffrent d’une croissance économique insuffisante, de difficultés propres à la conversion du modèle de production à une société post-industrielle et du vieillissement démographique.

Un potentiel de coopération pas pleinement exploité

Pendant les vingt dernières années la collaboration entre les deux pays a été très étroite, même si elle a peut-être manquée de visibilité. Tel est le cas de la participation conjointe dans le processus de stabilisation et de reconstruction postérieure à la guerre des Balkans, de l’Irak et de l’Afghanistan ; des sanctions économiques imposées à la Russie après son intervention en Ukraine ; et de la coordination de leurs activités respectives dans le golfe d’Aden, au Mali, au Niger et au Soudan du Sud.

Le potentiel de la coopération, cependant, n’a pas été pleinement exploité. La croissance du PIB, en effet, aurait pu être plus forte : elle a diminué de 0,7% au Japon et de 0,8% en Europe, selon un rapport publié par Copenhagen Economics en 2009, en raison de politiques commerciales restrictives, sous forme de douanes en Europe ou d’autres types de barrières protectionnistes dans le pays asiatique.

Suite à la déclaration conjointe historique de 1991, des progrès ont été accomplis en matière de collaboration. Cette volonté se reflète dans le plan d’action de coopération euro-japonaise signé en 2001 qui, une décennie plus tard, a été rebaptisé symboliquement comme partenariat stratégique.

En décembre 2012, le nouveau Premier Ministre japonais, Shinzo Abe, prenait le pouvoir et depuis, explique le think-tank bruxellois, il a réussi à donner au pays une direction ambitieuse et stable. Sous son mandat, l’économie japonaise est entrée dans une période d’expansion grâce à une recette à trois ingrédients : la relance budgétaire, l’assouplissement monétaire et les réformes structurelles. Shinzo Abe est aussi l’homme qui a décidé de réviser la politique de sécurité du pays pour transformer le Japon en un acteur international « normal », davantage disposé à jouer un rôle actif en cas de conflit. À cette fin, il a créé le Conseil National de Sécurité dans une réinterprétation de l’article 9 de la Constitution, de façon à ce que le Japon puisse désormais faire partie des conventions collectives de défense.

Les négociations en cours de signature démontrent que les relations entre l’Europe et le Japon sont très fructueuses. Elles doivent aboutir à deux accords distincts : d’un côté, l’accord de partenariat économique et de libre commerce et, de l’autre, l’accord de partenariat stratégique, de nature plus politique. En outre, l’élection du Japon en tant que membre non permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies en octobre 2015 et son rôle en tant que pays organisateur du sommet du G7 en mai 2016 à Ise-Shina sont, selon le think-tank bruxellois, deux bonnes opportunités pour que l’Europe coopère avec le pays asiatique et démontre l’honnêteté de son compromis.

L’économie et la sécurité : domaines de convergence

Selon l’European Policy Centre, il y a deux domaines auxquels l’Europe devrait accorder une attention particulière : l’économie et la sécurité. D’après les auteurs du document, l’accord de partenariat stratégique devrait favoriser l’engagement des deux acteurs dans l’établissement d’un système politique et économique mondial ouvert, coopératif et fondé sur le respect de règles communes. Ainsi, cette collaboration permettrait aux deux parties, chacune dans son domaine respectif d’influence, de faire face aux mesures unilatérales prises par les puissances émergentes. Le Japon et l’Union européenne pourraient, ce faisant, contribuer à l’adoption d’un consensus international en matière de politique extérieure et coopérer étroitement par exemple pour faire le suivi de nouveaux organismes internationaux, tels que la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (AIIB). Par exemple, le Japon et l’Union européenne ferait bien, affirme le document, d’offrir un soutien politique et financier renforcé au secrétariat général de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN).

En ce qui concerne la sécurité, l’European Policy Centre propose d’inclure dans l’accord un cadre réglementaire visant à rendre possible la participation active du Japon dans les missions civiles et les opérations militaires de la Politique de sécurité et défense commune européenne. Cette collaboration serait particulièrement utile dans la résolution des crises au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et sub-saharienne ainsi qu’en Asie du Sud-Est. En outre, les auteurs du rapport préconisent le renforcement de la coopération dans des domaines tels que la lutte contre le terrorisme, la sécurité maritime, la gestion des ressources (eau, alimentaire, énergie, matières premières), la sécurité spatiale, les pandémies et autres catastrophes, la cyberdéfense, le contrôle des armes et la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive. Ce soutien mutuel pourrait, aussi, se concrétiser dans les mesures à prendre pour la mise en œuvre de l’accord climatique de Paris.

Beaucoup a été accompli mais la marge de progression est encore large avec le Japon. Il semble que le moment soit venu pour renforcer les engagements mutuels d’une relation, dont l’Union européenne serait capable de tirer de grands avantages sur le long terme.

Rafael Guillermo LÓPEZ JUÁREZ

(avril 2016)

L’étude concernée :

Faire progresser le partenariat stratégique UE-Japon dans un environnement en pleine transformation : défis, opportunités et perspectives, par Andrea FRONTINI, une publication de l’European Policy Centre (mars 2016, disponible en anglais) 

Les documents officiels:

Déclaration commune sur les relations entre la Communauté européenne et ses États membres et le Japon, Le Hague, 18 juillet 1991 (en anglais)

Plan d’action pour la coopération euro-japonaise, 2001 (en anglais)