Pendant toutes les périodes de crise, les thèses complotistes prospèrent. Présentation ici, par Philippe Foussier pour La Revue Civique, de « L’Opium des imbéciles », l’un des ouvrages de référence en ce domaine, signé Rudy Reichstadt (Grasset; 2019 192 p) .
Fondateur et directeur du site de référence Conspiracy Watch, Rudy Reichstadt propose dans ce livre un panorama actuel et saisissant des théories du complot, du conspirationnisme et de leurs avatars. En plagiant dans son titre à la fois Raymond Aron (le marxisme étant « l’opium des intellectuels ») et August Bebel (« le socialisme des imbéciles » étant l’antisémitisme de gauche), l’auteur ne dissimule pas son aversion pour ces théories, ni sa volonté de les combattre mais il s’efforce ici d’en démonter les mécanismes et d’en illustrer concrètement la nocivité.
Pour lui, leur « expansion n’est pas seulement le symptôme d’une crise de la démocratie libérale, elle en est aussi un facteur d’aggravation à part entière. Sur le marché noir des idées douteuses, les théories du complot s’échangent avec la même frénésie que les superstitions, les pseudo-sciences, les nouvelles spiritualités et les idéologies radicales ».
Le 11 septembre, un épisode singulièrement fondateur du conspirationnisme de l’époque »
Rudy Reischtadt fournit quantité d’exemples de ces théories du complot dans leurs versions contemporaines, avec en exergue la date du 11 septembre 2001 et l’attentat islamiste commis sur le sol américain. Car cet épisode apparait en effet comme singulièrement fondateur du conspirationnisme de l’époque, ayant suscité ou provoquant encore des scenarios plus ou moins fantaisistes sur un prétendu coup monté.
A cet égard, l’auteur y insiste, « le complotisme n’est pas un trouble mental. C’est un discours politique ». Et il en retrace la logique, depuis les théories du complot anciennes, visant les francs-maçons ou les juifs, à celles d’aujourd’hui qui peuvent prendre des formes très diverses, les idéologies extrémistes en étant évidemment les plus friandes. Rudy Reichstadt souligne aussi la convergence de ces théories entre certains courants politiques, organes de presse ou même universitaires qui alimentent ou « ménagent » les théories du complot.
Ce livre, en alternant les illustrations concrètes et la démonstration théorique, constitue sans doute le meilleur antidote à la propagation de l’imposture complotiste. Une démarche qui consiste à « capter au profit d’un obscurantisme qui ne dit pas son nom le prestige associé au scepticisme éclairé, à la démarche critique et à la méthode scientifique ».
Philippe FOUSSIER
(04/05/20)